La Lorraine selon V.-A. Malte-Brun (8/14). Autres villes de Meurthe-et-Moselle (3/3)
LUNÉVILLE
(lat. 48° 35’ 35”; long. 4° 9’ 22” E.).
Lunéville, station de la ligne du chemin de fer de Paris à Nancy et Avricourt (réseau de l’Est), est une ancienne et jolie ville de 14,379 habitants, située à 39 kilomètres au sud-est de Nancy; autrefois duché dépendant du diocèse de Toul, de la cour souveraine et intendance de Lorraine, avait bailliage, abbaye de chanoines réguliers, école militaire, couvents, etc.; aujourd’hui, chef-lieu d’un arrondissement et de deux cantons, avec tribunal de 1ère instance, société d’agriculture, collège communal, etc.
Si les étymologies les plus simples sont les plus vraisemblables, nous devons admettre sans difficulté que Lunéville tire son nom d’un temple de Diane, ou de la lune, qui s’élevait jadis sur la colline de Léomont, voisine de la ville. Il est vrai qu’il ne reste aucune trace de cet édifice; mais, à différentes époques, on a trouvé sur cet emplacement des médailles et d’autres objets qui viennent à l’appui de cette étymologie. N’oublions pas d’ailleurs que, dans les armoiries de Lunéville, figuraient trois croissants d’argent; cela prouve au moins que la tradition relative au nom de Lunéville date de loin.
Au Xe siècle, Lunéville était un château appartenant à un comte de Metz nommé Folmar. Ce ne fut qu’au XIIIe siècle que les ducs de Lorraine réunirent à leur domaine le château et la ville qui s’était formée auprès; Ferry III lui octroya la coutume de Beaumont. Les ducs de Lorraine firent faire de grands travaux de fortification à Lunéville, qui devint ainsi une des places les plus importantes du duché. En 1475, elle fut occupée par les Bourguignons de Charles le Téméraire; mais les officiers de René II la reprirent l’année suivante.
En 1587, les princes protestants d’Allemagne, qui venaient au secours de Henri de Navarre pressé par les ligueurs, arrivèrent en Lorraine. Déjà ils avaient brûlé les faubourgs de Blâmont et s’avançaient sur Lunéville; mais d’Haussonville, qui commandait l’infanterie du duc Charles III, se jeta dans la ville et fit si bonne contenance que les Allemands n’osèrent l’attaquer.
En 1634, le cardinal François, frère du duc Charles IV qui venait d’abdiquer en sa faveur, épousa à Lunéville la princesse Claude, sa cousine, qui avait des droits sur le duché de Lorraine. La cour de France fut très irritée de ce mariage; le maréchal de La Force fit entrer ses troupes dans Lunéville et se saisit des nouveaux époux, qui furent dirigés sur Nancy.
Dans le cours du règne orageux de Charles IV, Lunéville fut plusieurs fois encore prise et reprise par les Français et les Lorrains. En 1638, une garnison lorraine, commandée par le marquis de Ville, y fut assiégée par le duc de Longueville, et la place ne succomba qu’après quinze jours de siège; c’est peu après que Louis XIII fit démolir les fortifications et le château. A la petite paix de 1641, Lunéville fut restituée à Charles IV; mais, dès l’année suivante, les fautes du duc attiraient de nouveau l’invasion française sur la Lorraine, et Lunéville eut à subir de nouveau les maux irréparables de l’occupation étrangère. Cette ville, encore une fois rendue à Charles IV par le traité de 1661, reprise par les Français lorsque ce prince incorrigible eut recommencé ses intrigues avec les ennemis de la France, ne retourna sous l’autorité de la maison de Lorraine qu’après le traité de Ryswick. Au mois de mai 1698, le duc Léopold entra à Lunéville et prit possession de cette ville démantelée, où il resta jusqu’à ce que Nancy fut évacuée par les troupes françaises. Au moment où éclata la guerre de la succession d’Espagne, Louis XIV, craignant que les impériaux ne pénétrassent on France par la Lorraine, fit de nouveau occuper Nancy, quoique Léopold se fût déclaré neutre. Le duc se retira à Lunéville, qui devint dès lors la résidence habituelle du souverain. Alors commence pour Lunéville une ère de prospérité et de splendeur. Léopold y fit construire, par un artiste de mérite, l’architecte Boffrand, un somptueux château, qui devint sa résidence. Il eut une cour brillante et polie. « On ne croyait presque pas, dit Voltaire, avoir changé de lieu, quand on passait de Versailles à Lunéville. » Bientôt il y fonda une université dont la réputation grandit rapidement, et où la jeune noblesse d’Allemagne vint se former. Un ami de Lulli, Desmarets, qui a laissé des productions estimées, dirigeait la musique de la cour. La charité avait sa belle part dans les créations de Léopold; l’ancien hôpital se trouvant ruiné, il en fit faire un nouveau, hors de la ville, au moyen d’une loterie tirée en 1709. Deux fois par an, on recevait à Lunéville tous les malades de quelque pays qu’ils fussent, qui désiraient se faire guérir de la pierre.
En 1719, un incendie détruisit en partie le château de Lunéville; les dommages furent évalués à cinq millions. Léopold n’avait pas encore entièrement réparé ce désastre quand il mourut dans sa ville de prédilection, en 1729.
A la fin de la même année, le nouveau duc François IV arriva à Lunéville. Cette ville continua de prospérer pendant le règne, d’ailleurs si court, de ce prince. Lorsque le traité de Vienne enleva à la Lorraine sa vieille dynastie, la veuve de Léopold, Charlotte d’Orléans, quitta Lunéville au milieu des témoignages de sympathie et de douleur de toute la population. Au mois d’avril 1737, le nouveau souverain de la Lorraine, Stanislas, arriva à Lunéville, où il fut rejoint quelques jours après par la reine, sa femme. Comme ou travaillait encore aux réparations du château, ils occupèrent d’abord l’hôtel de Craon, où ils reçurent les premiers hommages de leurs nouveaux sujets. Lunéville ne déchut pas sous le règne de Stanislas. Cependant quelques incidents malheureux en signalèrent les premières années. En 1741, la cherté des grains y excita une émeute; en 1743 et 1744, pendant la guerre de la succession d’Autriche, les troupes impériales pénétrèrent jusque en Lorraine, et deux fois Stanislas dut quitter Lunéville, qui n’offrait pas un asile assez sûr. Après la retraite des impériaux, Stanislas reçut à Lunéville son gendre Louis XV, et pendant plus d’un mois les fêtes et les plaisirs se succédèrent dans cette résidence.
Stanislas agrandit et embellit le palais de Léopold; il acheva l’église Saint-Remi, commencée sous le règne de François; il fit construire l’hôpital de la Charité; il établit une académie de quarante-huit cadets gentilshommes et des écoles pour l’instruction des pauvres enfants; enfin, il encouragea la manufacture de faïence établie depuis 1731 au faubourg de Viller. On sait quelle brillante société il sut attirer à Lunéville; Montesquieu, Voltaire, Helvétius, Saint-Lambert et beaucoup d’autres furent les hôtes de Stanislas. Ce fut à Lunéville qu’une mort imprévue emporta l’amie de Voltaire, la marquise du Châtelet, dont le tombeau se voit encore dans l’église paroissiale. Stanislas lui-même y mourut en 1766, des suites d’un malheureux accident. La ville fut réunie à la France, et alors recommença pour elle l’existence modeste au-dessus de laquelle des circonstances passagères l’avaient élevée quelque temps. Le château, qui est encore aujourd’hui comme un témoin muet de l’ancienne splendeur de Lunéville, fut converti en caserne et reçut des troupes royales. En 1790, la garnison de Lunéville ressentit le contre-coup de la révolte militaire qui éclata à Nancy. On sait que cette triste affaire avait commencé par les réclamations des régiments de Nancy contre leurs officiers qu’ils accusaient de malversation. Un officier général, M. de Malseigne, avait été envoyé à Nancy pour faire la vérification des comptes. Ne se trouvant pas en sûreté au milieu des révoltés, M. de Malseigne s’échappa et vint à Lunéville, où se trouvait une brigade de carabiniers dont il avait été major général. Environ quarante cavaliers se mirent à sa poursuite; mais, arrivés à Lunéville, ils furent vigoureusement repoussés par les carabiniers; les uns furent tués, les autres faits prisonniers. A cette nouvelle, l’armée de Nancy furieuse marcha sur Lunéville. A un quart de lieue de la ville, elle rencontra la municipalité qui venait proposer des moyens de pacification. Ses efforts furent vains; l’armée entra dans Lunéville, et une lutte sanglante allait s’engager dans la ville même, lorsqu’un arrangement, accepté des deux partis, sembla rétablir le calme. Il fut convenu que M. de Malseigne se rendrait à Nancy sous la condition qu’il partirait trois heures avant l’armée, escorté convenablement, et d’après la promesse formelle qui lui était faite qu’il ne serait point attenté à sa vie et qu’il serait conduit à Nancy avec les honneurs dus à son rang; mais, sur ces entrefaites, le bruit se répandit que M. de Malseigne n’avait signé la convention que pour gagner du temps, et qu’il attendait des renforts que devait lui envoyer M. de Bouillé. L’exaspération fut à son comble; un engagement meurtrier eut lieu entre les carabiniers et les soldats de Nancy. Mais à la fin les bruits défavorables qui couraient sur le général gagnèrent les carabiniers eux-mêmes; ils le livrèrent à la municipalité de Lunéville, qui le fit conduire à Nancy, où l’insurrection devait avoir bientôt un lugubre dénouement.
C’est à Lunéville que fut réglée, au commencement de ce siècle, une des conventions diplomatiques les plus glorieuses pour le nom français. Ce fut en 1800 que se réunit le congrès de Lunéville, où l’on signa le traité qui terminait la guerre de la deuxième coalition, et pour la seconde fois concédait la rive gauche du Rhin à la France avec une situation dominante en Italie.
Outre le palais dont nous avons parlé et qui était environné de bosquets convertis aujourd’hui en promenade publique, Lunéville possède un manège couvert, qui est un des plus beaux de la France; le toit est soutenu par une charpente en bois de châtaignier d’une rare hardiesse deux cents cavaliers peuvent y manoeuvrer. Le Champ de Mars a 200 hectares de superficie. Il serait difficile de trouver en France une garnison de cavalerie mieux appropriée à sa destination. L’église paroissiale est un monument moderne qui ne manque pas d’élégance.
Lunéville est la patrie du chevalier de Boufflers, de l’acteur Monvel, de plusieurs artistes de talent: Chéron le graveur, Girardet le peintre, l’architecte Jadot et le sculpteur Guibal. Deux noms contemporains dont s’honore Lunéville sont ceux de Stanislas Girardin et du général Haxo, mort il y a quelques années.
Les armes de Lunéville sont d’or, à la bande d’azur (aliàs de gueules), chargée de trois croissants montants d’argent.
BACCARAT
Baccarat (Burgaracum), station de la ligne du chemin de fer de Paris-Nancy-Blainville et Lunéville à Saint-Dié (section de Lunéville à Saint-Dié, réseau de l’Est), chef-lieu de canton, arrondissement et à 25 kilomètres au sud-est de Lunéville, sur la Meurthe, qu’on y traverse sur un pont de neuf arches, et près de la forêt du Clas, est une ville peuplée par 6,013 habitants. C’était autrefois le chef-lieu d’une châtellenie, détachée en 1292 de l’ancienne ville de Deneuvre dont elle formait un des faubourgs; en 1552, elle passa sous le protectorat de la France; elle avait été assiégée en 1340 par le duc Raoul de Lorraine, et en 1478 par le duc René II. François de Coligny, frère de l’amiral, s’en empara en 1558. En 1636, elle tomba aux mains du duc Charles IV de Lorraine, et, en 1638, dans celles de Turenne; enfin les Hessois l’occupèrent en 1651. Il est remarquable que cette ville ait pu survivre à tant de désastres : c’est à sa cristallerie, fondée vers 1766, par M. de Montmorency-Laval, sous le nom de Verrerie de Sainte-Anne, qu’elle le doit. Ce remarquable établissement fabrique tous les genres de cristaux et exerce toutes les industries qui ont pour objet l’ornementation du cristal. A l’exposition universelle de 1878 au Champ-de-Mars, ses produits ont été justement admirés.
La Lorraine selon V.-A. Malte-Brun (1/14)
La Lorraine selon V.-A. Malte-Brun (2/14). Carte de la Meurthe-et-Moselle
La Lorraine selon V.-A. Malte-Brun (3/14) . Description physique et géographique
La Lorraine selon V.-A. Malte-brun (4/14). Histoire de la Meurthe-et-Moselle
La Lorraine selon V.-A. Malte-Brun (5/14). Nancy
La Lorraine selon V.-A. Malte-Brun (6/14). Autres villes de Meurthe-et-Moselle (1/3)
La Lorraine selon V.-A. Malte-Brun (7/14). Autres villes de Meurthe-et-Moselle (2/3)
La Lorraine selon V.-A. Malte-Brun (8/14). Autres villes de Meurthe-et-Moselle (3/3)
La Lorraine selon V.-A. Malte-Brun (9/14). Statistiques (1/4) Nancy
La Lorraine selon V.-A. Malte-Brun (10/14). Statistiques (2/4) Briey
La Lorraine selon V.-A. Malte-Brun (11/14). Statistiques (3/4) Lunéville
La Lorraine selon V.-A. Malte-Brun (12/14). Statistiques (4/4) Toul
La Lorraine selon V.-A. Malte-Brun (13/14). Statistiques morales