François-Xavier Bellamy invente la laïcité chrétienne !!
4 Avril 2024 , Rédigé par François MUNIER Publié dans #Religions, #Actualité, #Bêtisier
Je me pose de plus en plus la question de l'absence de formation historique et géographique de nos responsables politiques et de certains commentateurs de l'actualité :
François-Xavier Bellamy vient d'entrer dans le club et il n'est probablement pas le dernier.
On peut certes discuter de l'opportunité de remettre en cause le régime particulier des cultes en Alsace-Moselle, mais affirmer que "la laïcité vient de nos racines chrétiennes" est pour le moins réducteur, voire même carrément erroné.
Quelle laïcité ?
Le terme est aujourd'hui employé avec de multiples significations et Wikipedia le précise.
Pour le Larousse, la laïcité se définit comme : « conception et organisation de la société fondée sur la séparation de l'Église et de l'État et qui exclut les Églises de l'exercice de tout pouvoir politique ou administratif, et, en particulier, de l'organisation de l'enseignement »2 ; ou : « caractère de ce qui est laïc, indépendant des conceptions religieuses ou partisanes »2.
Pour le CNRTL : « principe de séparation dans l'État de la société civile et de la société religieuse »3 ; ou : « caractère des institutions, publiques ou privées, qui, selon ce principe, sont indépendantes du clergé et des Églises ; impartialité, neutralité de l'État à l'égard des Églises et de toute confession religieuse »3.
En revanche, pour l’Encyclopédie philosophique universelle, la laïcité peut prendre un sens distinct, plus large que le sens juridique4 : « construction intellectuelle tendant à empêcher l’emprise de toute confession sur la société, ce qui a pour conséquence de proscrire l’imposition d’une religion civile par le politique tout en renvoyant les affaires spirituelles à la sphère privée »5.
La confusion entre ce sens philosophique et le sens juridique étant à l’origine de nombreux débats politiques4.
« Laïcité », « laïc » peuvent désigner une institution ou un organisme qui est indépendant des conceptions religieuses ou du clergé ou neutre vis-à-vis des confessions religieuses : on parle de « laïcité de l'État », « laïcité de l'enseignement »2,3.
De nombreux États se définissent comme "laïques" et organisent leurs relations avec les différents cultes de façon très différente de la nôtre.
Le premier amendement de la Constitution des États-Unis d'Amérique garantit la liberté religieuse, l'État fédéral ne subventionne pas les écoles religieuses, mais les références à Dieu sont omniprésentes dans le discours public et sur les billets de banque.
La Turquie se définit comme une République laïque, l'État est indépendant des appareils religieux, mais l'inverse n'est pas vrai. Une administration publique nomme, paye et contrôle les imams sunnites (80 % de la population).
Le fait est peu connu, mais les rédacteurs de la "loi de séparation" de 1905 se sont largement inspirés des lois de réforme mexicaines de 1859 et 1863.
La Corée du Sud est un État laïque, alors qu'elle n'a pas de racines chrétiennes !
Quelles racines chrétiennes ?
On l'oublie souvent, mais le christianisme est multiple, dans le temps et dans l'espace. Selon le Concordat de Bonaparte, la "religion catholique est celle de la grande majorité des Français". Cette formulation succédait à la Constitution civile du clergé, soumettant le clergé au pouvoir politique et jamais acceptée par l'Église catholique.
Le Concordat de 1516 donnait déjà des pouvoirs religieux importants au roi de France. La religion catholique était la religion officielle, à laquelle devaient adhérer tous les Français.
La réforme protestante a établi, en dehors du royaume, de nouvelles églises, plus ou moins dépendantes du pouvoir politique et les États protestants ont admis à des degrés divers la liberté religieuse.
Si on se limite aux États catholiques européens, qui ont a priori les mêmes racines chrétiennes que la France (Espagne, États italiens, Portugal, Autriche, etc..), les relations entre les Églises et les États ont été de formes très diverses. L'Espagne de Franco, fière de ses racines chrétiennes, n'avait rien de laïque !!
Relations Églises-États.
Au XIXème siècle, l'Église catholique est vent debout contre la liberté de conscience et la séparation de l'Église et l'État.
Le pape Pie IX publie un "Syllabus" (catalogue) des erreurs à condamner : liberté de conscience, indépendance de l'État et des pouvoirs politiques.
Le texte intégral se trouve sur ce site de la Fraternité Saint-Pie X
Extraits :
15. Il est libre à chaque homme d’embrasser et de professer la religion qu’il aura réputée vraie d’après la lumière de la raison [8, 26].
20. La puissance ecclésiastique ne doit pas exercer son autorité sans la permission et l’assentiment du gouvernement civil [25].
24. L’Église n’a pas le droit d’employer la force ; elle n’a aucun pouvoir temporel direct ou indirect [9].
39. L’État, comme étant l’origine et la source de tous les droits, jouit d’un droit qui n’est circonscrit par aucune limite [26].
42. En cas de conflit légal entre les deux pouvoirs, le droit civil prévaut [9].
43. La puissance laïque a le pouvoir de casser, de déclarer et rendre nulles les conventions solennelles [Concordats] conclues avec le Siège Apostolique, relativement à l’usage des droits qui appartiennent à l’immunité ecclésiastique, sans le consentement de ce Siège et malgré ses réclamations [7, 23].
48. Des catholiques peuvent approuver un système d’éducation en dehors de la foi catholique et de l’autorité de l’Église, et qui n’ait pour but, ou du moins pour but principal, que la connaissance des choses purement naturelles et la vie sociale sur cette terre [31].
55. L’Église doit être séparée de l’État, et l’État séparé de l’Église [12].
67. De droit naturel, le lien du mariage n’est pas indissoluble, et dans différents cas le divorce proprement dit peut être sanctionné par l’autorité civile [9,12].
77. A notre époque, il n’est plus utile que la religion catholique soit considérée comme l’unique religion de l’État, à l’exclusion de tous les autres cultes [16].
Le texte se trouve aussi sur Gallica
Le pape Pie X condamna la loi de séparation de 1905.
Si les notions de liberté de conscience, de neutralité de l'État ont une origine chrétienne, il faut plutôt, à la rigueur, les rechercher du côté des protestants français, très minoritaires, pas des catholiques.
Si la France en était resté à "nos racines chrétiennes", il n'y aurait pas eu de laïcité !
On peut aussi rappeler que les "racines chrétiennes" ont été invoquées pour refuser le divorce, la contraception, l'IVG, le mariage pour tous..
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