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Le blog de François MUNIER

Du bon usage des cartes et des enjeux politiques.

17 Avril 2024 , Rédigé par François MUNIER Publié dans #Actualité, #Histoire, #Palestine, #Proche et Moyen-Orient, #Allemagne, #Europe

De nombreuses personnalités et organisations politiques demandent l'interdiction d'une conférence-débat prévue à Lille le 18 avril 2024, avec la participation de Jean-Luc Mélenchon et Rima Hassan. Un des motifs de l'indignation est le logo de l'organisation organisatrice "Libre Palestine", qui "nierait l'existence d'Israël" et serait donc antisémite.

Il y a ceux qui demandent l'interdiction pure et simple, et ceux qui invitent à y porter la contradiction, comme l'UEJF, au motif que "le logo de Libre Palestine, une carte privée du territoire israélien et affichant un État palestinien recouvrant la zone entière, niant le droit même d'Israël à exister".

Du bon usage des cartes et des enjeux politiques.
Du bon usage des cartes et des enjeux politiques.

Il faut savoir que les différentes cartes de la région, qu'elles soient éditées par des défenseurs de l'État d'Israël ou de la cause palestinienne, ne montrent pas toujours la séparation entre les deux entités. Alors que la Chine, qui a des revendications territoriales, terrestres et maritimes importantes, publie des cartes très précises ce ce qu'elle estime lui appartenir, le gouvernement israélien n'a jamais défini ses frontières. Et cette attitude est partagée par ses partisans. D'autant plus que les accords d'Oslo, en 1993, avaient un caractère transitoire et n'abordaient pas la question des frontières.

Carte trouvée sur le site officiel de l'État d'Israël

La Cisjordanie, Gaza et le Golan sont inclus dans le territoire israélien.

La Cisjordanie, Gaza et le Golan sont inclus dans le territoire israélien.

Sur le site de l'UEJF (cette page n'a pas été mise à jour depuis 2018) :

La défense du droit à l’existence de l’Etat d’Israël, priorité de l’UEJF depuis 1948, passe aujourd’hui par une action pour une meilleure connaissance de l’Histoire, de l’actualité et de la culture israélienne

FAIRE PROGRESSER LE PROCESSUS DE PAIX

Si expliquer et comprendre sont des outils fondamentaux, ils ne doivent pas pour autant nous faire perdre de vue la motivation et l’objectif fondamental de notre engagement : la paix. Pour promouvoir et marquer son soutien au processus de paix, l’UEJF a, dès 1993, organisé des manifestations ou opérations ponctuelles dont voici quelques exemples :

On ne trouve aucune référence à une quelconque "solution à deux États", mantra de beaucoup de gouvernements. Mais il y a cette petite carte, qui pour paraphraser l'UEJF, "nie un futur État palestinien".

Un carte illustrant un article de la revue Franc-Tireur, très pro-israélienne et très anti-LFI, en septembre 2023, montre un "Israël coupé en deux", incluant la Cisjordanie et Gaza (mais pas le Golan).

Copies d'écran 16 avril 2024
Copies d'écran 16 avril 2024
Copies d'écran 16 avril 2024

Copies d'écran 16 avril 2024

La carte publiée par la CIA est plus précise, et indique les raisons de ses choix :

Israel map showing major cities and significant features including - but not limited to - Jerusalem, the Golan Heights, the Gaza Strip, and the West Bank. Note that in 2017 the US recognized Jerusalem as the capital of Israel and in 2019 recognized the Golan Heights as part of Israel.

Les autres "frontières" sont accompagnées des explications concernant leur dates et origines.

Du bon usage des cartes et des enjeux politiques.

Mais certains dirigeants israéliens vont plus loin dans leurs revendications, comme le ministre Bezazel Smotrich, ici à Paris il y a un an.

La carte d'Israël affichée est celles des sionistes révisionnistes, qui n'ont jamais accepté la séparation de la Transjordanie d'avec la Palestine mandataire.

Smotrich nie l'existence de la Jordanie !!
Smotrich nie l'existence de la Jordanie !!

Smotrich nie l'existence de la Jordanie !!

Quant à "Libre Palestine", je ne sais pas où l'association a été chercher son logo, mais c'est probablement sur un site israélien, puisque la carte présentée inclut le Golan, région syrienne annexée unilatéralement par Israël !!

Il faut prendre acte de ses explications, même si l'inclusion du Golan est une belle gaffe.

 

Du bon usage des cartes et des enjeux politiques.
Du bon usage des cartes et des enjeux politiques.

Mise à jour à 18 h 00. L'Université de Lille a cédé aux pressions et aux menaces de troubles à l'ordre public et annulé la conférence.

Mais cette "guerre des cartes" n'est pas unique. Quand j'étais lycéen dans les années 1960 et étudiais l'allemand comme première langue, j'avais vu des brochures éditées par la RFA présentant l'Allemagne dans ses frontières de 1937. L'explication était la suivante : ce sont les dernières frontières internationales reconnues et non contestées. C'était juridiquement exact, mais c'était oublier tous les changements intervenus depuis 1945 : la Prusse orientale, la Silésie et la Poméranie annexées par l'URSS et la Pologne (ligne Oder-Neisse), la création par l'URSS d'une République démocratique allemande dans sa zone d'occupation.

J'ai retrouvé cette carte, semblable à celles que j'avais vues :

Carte de l'Allemagne tirée de l'Atlas allemand de 1960 [3429x2786]

Du bon usage des cartes et des enjeux politiques.

Des pointillés rouges permettent de distinguer la RFA, la RDA et les territoires "sous administration polonaise ou soviétique".

Ces territoires sont eux-mêmes découpés en Länder ou provinces selon la vision de la RFA de l'époque, sans aucun rapport avec les divisions administratives de l'Allemagne de 1937, ni celles de la RDA à l'époque.

La météo allemande présentait ses prévisions avec un fond de carte reprenant les frontières de 1937. Elle fit ensuite une concession en supprimant le tracé des frontières, mais avec toujours un fond de carte incluant Dresde, Berlin, etc..

Après l'Ostpolitik, la RFA admit le caractère définitif de la ligne Oder-Neisse et l'existence de la RDA. En 1990, la RFA absorba les Länder nouvellement constitués de la RDA. Le terme de réunification est impropre.

Nous avons là un exemple de "non-reconnaissance" d'un État, qui ne sous-tendait aucune idéologie raciste ou extrémiste.

Un ancien numéro spécial de "Courrier international" présentait des exemples contemporains de ces guerres des cartes.

Du bon usage des cartes et des enjeux politiques.

Conclusion :

Présenter une carte avec des frontières qui ne sont pas conformes à la réalité sur le terrain ou à la légalité internationale ne signifie pas a priori qu'on veut exterminer ou déporter les habitants de la zone contestée. Toute critique de cette carte, pour être recevable, doit prendre en compte les explications avancées par les auteurs de la carte.

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