Histoire de la Meurthe-et-Moselle par Adolphe Joanne (3/4). De René II à Stanislas
C’est au duc René II que Nancy doit sa première administration municipale; jusque-là la ville avait peu d’importance; sous ce prince, elle prit un certain accroissement. Le duc René II ayant doté son fils Claude1 de grandes possessions en Champagne, en Picardie et dans d’autres provinces, celui-ci se fixa à la cour de Fiance, devint un serviteur actif du roi, et ses descendants se mêlèrent, au seizième siècle, à tous les troubles de ce pays.
En 1522, la peste sévit cruellement à Toul ; plus de 350 personnes périrent en deux mois. Cette ville comptait alors 5000 habitants. Deux fois encore, quelques années après, cette épidémie éprouva la malheureuse ville. Charles-Quint y lit une entrée solennelle en 1544, et les habitants lui prêtèrent serment de fidélité. Mais, l’année suivante, les Toulois, encouragés par le cardinal de Lorraine, passèrent un traité portant reconnaissance perpétuelle du roi de France pour leur protecteur. Eu 1552, le roi Henri II prit possession de Toul ; cependant l’union officielle de cette ville et de son territoire à la France n’eut lieu qu’en 16482.
1 Claude de Guise (1496-1550), premier duc de Guise.
2 Traités de Westphalie https://fr.wikipedia.org/wiki/Trait%C3%A9s_de_Westphalie
Charles III, duc de Lorraine, qui régna de longues années (1545-1608), s’appliqua à maintenir, autant qu’il put, la paix dans ses états, malgré les dangers qu’il courait dans les guerres répétées entre François Ier et Charles-Quint, et les troubles suscités par les guerres de religion. Il embellit Nancy, la fortifia y fonda la ville neuve et mérita des Lorrains le surnom de Grand.
En 1552, le roi Henri II, allié avec les princes protestants d’Allemagne contre Charles-Quint, arrive devant Metz et s’en empare par surprise : Toul et Verdun tombent aussi en son pouvoir, et le roi déclare qu’il veut réunir à la monarchie ces trois villes, qui couvraient la Champagne. La Lorraine, malgré sa neutralité, est occupée par son armée. Mais bientôt après, la même année, l’empereur d’Allemagne recommence la guerre et marche contre Metz avec 60,000 hommes. Le duc François de Guise1 la défend avec héroïsme, et Charles-Quint est obligé d’en lever le siège. C’est pendant ce siège que fut livré un combat au faubourg Saint-Nicolas de Nancy entre Charles, duc d’Aumale, et René de Rohan, avec 200 gentilshommes français et lorrains, contre Albert, marquis de Brandebourg, à la tête d’une bande d’aventuriers. René de Rohan y fut tué. Toul fut aussi menacé par les Impériaux, mais sans succès.
La ville de Pont-à-Mousson dut au duc Charles III la création d’une grande institution, l’Université, qui date de 1572. Cette Université devint célèbre et florissante: en 1608, elle était fréquentée par plus de 1600 élèves des familles les plus illustres, sans compter 400 étudiants en droit et en médecine Les Jésuites y dirigeaient l’enseignement littéraire.
Les troubles de la Ligue se firent sentir en Lorraine. Toul fut assiégée et prise par les Ligueurs, qui la perdirent peu après (1587). Pendant les guerres de ce temps, les princes protestants d’Allemagne envahirent la Lorraine avec 30,000 hommes, prirent Sarrebourg, incendièrent les faubourgs de Blâmont, qu'ils ne purent prendre, et vinrent près de Pont-Saint-Vincent offrir la bataille aux ducs de Lorraine et de Guise, dont l’armée était bien inférieure en nombre à la leur. Ces princes par leur bonne contenance et leurs manœuvres, purent éviter une déroute assurée. Maizières fut alors brûlé par le duc de Bouillon.
C’est à Nancy que les princes lorrains, assemblés avec d’autres seigneurs ligueurs, dressèrent une remontrance au roi Henri III, pour le déterminer à se déclarer chef de la Ligue (1589).
En 1590, les seigneurs, conduits par le duc Charles III, s’emparent de Toul, après six jours de siège. Cette ville, qui avait beaucoup souffert pendant les guerres civiles, se soumit à Henri IV, qui la restaura et qui, en 1603, y fut reçu avec magnificence.
Le duc Charles III apporta encore de grandes réformes daims l’organisation judiciaire. Il ordonna qu’il y eût des plaids annuels dans la quinzaine après la Saint-Remy, dans chaque ville et village de ses domaines et de ses vassaux. Son ordonnance entre dans les plus grands détails sur les différents services judiciaires, les fonctions des maires et autres gouverneurs des villages, la police, etc. (1598).
Pendant le dix-septième siècle, les pays du département de Meurthe-et-Moselle furent victimes de guerres incessantes, provoquées par l’imprudence du duc Chartes IV de Lorraine, esprit remuant et aventureux. Ce prince, par ses intrigues avec les seigneurs contre Richelieu, causa l’invasion de son territoire par les armées françaises. Louis XIII envahit la Lorraine en 1631; ses armées ravagèrent la contrée et s’emparèrent de Nancy, qui fut démantelée et appauvrie par la famine et la peste. Le roi, qui occupa longtemps la Lorraine, fit démanteler presque tous les châteaux forts du pays, tels que Frouard, Pompey, Vézelise, Deneuvre et autres (1633-1636). D’autres châteaux furent encore détruits par l’invasion des Suédois, alliés de la France, en 1635. Saint-Nicolas-du-Port fut pillé et incendié par eux.
En 1641, Louis XIII créa à Toul un bailliage royal, et cette ville fut, réunie définitivement à la France par le traité de Munster (1648). Le même bailliage fut érigé en siège présidial pour le jugement en appel des causes majeures (1685). Le ressort de ce siège était très-étendu ; il fut restreint au seul Toulois par le traité de Riswyck.2
Louis XIV, qui, comme Richelieu et Mazarin, convoitait la Lorraine et cherchait une occasion pour la réunir à la couronne, obtint du duc Charles IV, qui n’avait pas d’enfants, que ses états seraient après sa mort réunis à la France. Son neveu le prince Charles s’opposa à ce projet; le duc refusa d’y donner suite et se jeta dans les bras des ennemis de la France. Mais bientôt Louis XIV s’empara du duché (1670), qui fut pendant les guerres de ce prince à l’abri des invasions allemandes, mais pressuré sans pitié par les soldats français, qui démantelèrent Lunéville. Il ne lut rendu à ses vieux souverains que par le traité de Riswyck, passé entre la France et l’Empire, en 1697. Il faut en excepter des parties importantes de la Lorraine allemande, abandonnées par le duc Charles, pour être après lui irrévocablement et à toujours unies et incorporées à la couronne de France.
1 Fils de Claude de Guise
A partir de cette époque, la contrée se releva de ses ruines grâce à la bonne administration du duc Léopold (1690-1729), qui fit une paix définitive avec le roi de France. La paix, qui dura pendant tout son long règne, lui facilita l’exécution de ses projets. En 1702, il établit le siége de son gouvernement à Lunéville, qu’il releva de ses ruines. Le palais que l’on y admire encore fut construit sur les dessins du célèbre Boffrand, son architecte. Les faubourgs, l’hôpital, les ponts sur la Vezouse furent restaurés. Le duc créa à Lunéville un bailliage d’un ressort étendu. Il ne négligea pas non plus la ville de Nancy, qu’il embellit et où il autorisa l’établissement de la maison des Orphelines.
D’autre part, les fortifications de Longwy (1682) et de Toul (1700) furent reconstruites par Vauban, sur l’ordre de Louis XIV.
En vertu du traité de Vienne (1736), le duc François II céda la Lorraine à Stanislas, roi détrôné de Pologne, beau-père de Louis XV, et il reçut en échange le duché de Toscane. Il fut stipulé dans cet acte, avec le consentement de l’empereur d’Allemagne, que, après la mort du vieux roi, la Lorraine reviendrait à la France.
L’installation du roi Stanislas (1737) fut le commencement d’une ère de prospérité sans égale pour la Lorraine, et qui valut au roi l’affection de ses nouveaux sujets, d’abord peu favorables à ce nouveau régime, qui s’annonçait en effet comme une transition à leur réunion à la France.
Stanislas combla la Lorraine de nombreux bienfaits. Les sciences et les arts, déjà florissants sous Charles III et encouragés par le duc Léopold, reçurent de lui une plus vive impulsion. Une bibliothèque publique fondée dans l’ancien château de Nancy avec un caractère littéraire, amena la création de la Société royale des sciences et belles-lettres (1751). Stanislas établit le collège royal des médecins de Nancy et celui des chirurgiens. Il donna 220,000 livres pour en employer le revenu à des achats de grains destinés à secourir ses pauvres sujets de Lorraine et de Bar, et à l’hospice Saint-Julien une pareille somme pour la fondation de vingt-quatre places destinées à de pauvres orphelins. Il embellit Lunéville, dont il fit son séjour de prédilection. Il décora aussi Nancy de monuments avec le concours des architectes Boffrand, Héré et Mique.
Le roi Stanislas mourut à Lunéville des suites d’un accident, en 1766, généralement regretté de ses sujets.