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Le blog de François MUNIER

L'Arménie occidentale. Élisée Reclus (10)

25 Décembre 2011 , Rédigé par François MUNIER Publié dans #Arménie

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L'Arménie occidentale. Élisée Reclus (1)

 

 

reclus2Erzeroum a conservé une partie de son ancienne importance comme dernière citadelle de la Turquie contre les envahisseurs russes et comme point de convergence des caravanes dans les montagnes de l'Arménie : là se rencontrent les chemins de Trébizonde et de Batoum, ceux de Sivas et de Diarbekir, de Bagdad, de Teheran et de Tiflis. Le principal commerce de transit, celui de la mer Noire à la Perse, a diminué depuis l'ouverture des chemins de fer de la Transcaucasie, et lors des deux invasions russes, en 1829 et en 1877, les ouvriers arméniens les plus habiles et les plus industrieux, notamment les travailleurs en métaux, ont abandonné la ville pour suivre les conquérants. Privée en grande partie de son commerce et de son travail, menacée en outre de nouvelles agressions et de changements politiques prochains, Erzeroum est une des villes de l'Asie turque qui ont le plus souffert et où les ruines occupent le plus d'espace. Le séjour en est redouté par les étrangers à cause des rigueurs de l'hiver, et tous ceux qui le peuvent s'empressent de la quitter pour une résidence plus agréable. Située à 1960 mètres d'altitude, dans une plaine sans ombrages et coupée de marais, elle a pendant plus d'une moitié de l'année ses rues obstruées de neige ; le vent l'amasse en tourbillons autour des demeures, et pour maintenir les communications de porte à porte, il faut se servir de la. pelle pendant des semaines entières; les malheureux qui vivent dans les huttes des faubourgs, en pierre ou en pisé, ferment la seule ouverture de leur tanière pour ne pas mourir de froid. La plupart des voyageurs, voyant Erzeroum en été, ne peuvent imaginer combien est triste son aspect pendant les froidures; ils admirent le bel amphithéâtre des montagnes, les cônes réguliers des volcans neigeux, les pentes fleuries des collines et les grasses prairies des fonds où viennent se refaire les animaux des caravanes. Le sol de la plaine, composé de cendres rejetées par le cratère du Sichtchik et mêlées aux alluvions fluviales et lacustres, est d'une extrême fertilité, qui compense les désavantages du climat d'hiver; les récoltes sont en général très abondantes; par ses riches cultures, le bassin d'Erzeroum devait être un poste avancé de la civilisation au milieu des populations nomades.

La colline isolée sur laquelle s'élève depuis des siècles la citadelle d'Erzeroum explique le choix de cet endroit comme centre stratégique. L'ancienne ville arménienne d'Arzen, où les caravanes venaient échanger leurs denrées, était située plus à l'est : le fort de Théodose ou Theodosiopolis, qui fut bâti au commencement du cinquième siècle au-dessus clé la ville de Garin ou Karin, prit aussi le nom d'Arzen, mais ce fut l'Arzen-er-Roum, ou l'Arzen des « Romains », c'est-à-dire des Grecs de Byzance. Peu de cités furent plus fréquemment assiégées et conquises : place forte des Byzantins, des Persans Sassanides, des Arabes, des Mongols, des Turcs, des Russes, elle fut successivement prise et reprise par tous les peuples qui se rencontrèrent sur ce faîte de l'Asie Antérieure. Elle appartint à tous, si ce n'est à la nation sur le territoire desquels elle se trouve; même avant la première invasion des Russes, les Arméniens d'Erzeroum avaient à subir, les pires humiliations de la part des Osmanli; maintenant, au contraire, ceux d'entre eux qui se réclament de la protection du consul de Russie bravent impunément les Turcs, mais sans pouvoir espérer autre destinée que celle d'un changement de maîtres. Suivant les alternatives de guerre, la population a singulièrement varié; avant le siège de 1829, Erzeroum eut, dit-on, 130 000 habitants ; l'année suivante elle était réduite à 15 000 individus; les chiens ont été souvent les seuls occupants de quartiers abandonnés. La cité n'a plus de monuments remarquables, si ce n'est sa pittoresque citadelle de basalte grisâtre et la mosquée des Deux-Minarets, revêtue de faïences émaillées dans le style persan. L'industrie locale ne comprend plus guère que la chaudronnerie et la préparation des cuirs; le travail des armes, qui eut jadis si grande importance, n'occupe plus qu'un petit nombre d'ouvriers. Les mines ne sont plus exploitées, et pourtant ce pays est celui que les traditions représentent comme la patrie des premiers forgerons, ces Tibaréniens et ces Chalybes qui savaient déjà fabriquer des armes et des instruments de bronze et de fer alors que leurs voisins en étaient encore aux engins néolithiques1.

 

1 Carl Ritter, Asien, vol. X ; — François Lenormant, Les Premières Civilisations.

53 Erzeroum

53 Erzeroum

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