Juifs, sionistes, israéliens. Ne pas confondre !
Juifs, sionistes, israéliens. Ne pas confondre !
Pourquoi cette mise au point ?
Pour deux raisons :
Régulièrement, des personnes et mouvements qui se disent anti-sionistes sont accusés d’être en réalité des antisémites masqués. Il y a des tentatives de poser l’équation anti-sionistes = antisémites, et d’interdire dans la foulée les opinions et expressions antisionistes.
Des actes antisémites en France ont été condamnés, notamment du côté de La France Insoumise, en se référant à la condamnation des discriminations fondées sur l’appartenance religieuse. Ces condamnations ont été critiquées en expliquant que l’antisémitisme n’était pas, ou plus, une discrimination fondée sur les croyances religieuses.
Qui est juif, et donc possible victime de l’antisémitisme ?
A l’origine, le judaïsme est une religion, née et formalisée au Proche-Orient au premier millénaire avant notre ère. D’abord liée à des entités politiques (la dynastie davidique, l’État hasmonéen), elle devient, notamment par des conversions, une religion qui a perdu ses références nationales1, dans l’empire romain et ailleurs. Des études génétiques, en perpétuelle évolution, tendent d’identifier, parmi les communautés juives, les traces respectives des différents groupes d’origine : venus du Proche-Orient2, convertis locaux (avec métissage), etc.
Que ce soit dans les États musulmans ou chrétiens jusqu’au XVème siècle, les juifs sont définis par leur appartenance religieuse, et les convertis ne sont plus définis comme juifs, même si la sincérité de leur conversion est mise en doute par l’Inquisition.
Un changement est introduit par les « lois de pureté du sang » espagnoles. Pour accéder à des postes de responsabilité, des métiers qualifiés, il fallait prouver que tous ses ancêtres étaient des « vieux chrétiens », à l’exclusion de tout juif (ou musulman), converti de gré ou de force.
Ces lois, en ce qu’elles dissocient le statu d’une personne de ses convictions religieuses, sont les premières lois racistes européennes, bien avant les lois de Nuremberg.
En Europe, à partir de la Renaissance, il y a une « atténuation » des convictions religieuses, et beaucoup de personnes, notamment les écrivains, philosophes, ne peuvent plus être définies par leur religion. Par exemple, Spinoza est né dans une famille juive, mais peut-on le définir comme un philosophe juif ?
Les antisémites vont donc chercher à définir leur « cible », et ils seront très souvent contraints de se référer à la religion des aïeux.
Les nazis et leurs émules, pourtant adeptes de théories racialistes, n’ont jamais réussi, sauf dans les caricatures, à définir une « race juive ».
« La définition retenue se soldait par une contradiction [...]. Il avait été impossible de parvenir à une définition biologique de la race [...] et il avait fallu en conséquence recourir à la confession religieuse pour déterminer qui était de race juive. On pouvait donc imaginer des descendants d'« Aryens purs » convertis au judaïsme, partant considérés comme des Juifs de race. C'était absurde, mais cela ne fait que mettre en évidence l'absurdité de tout l'exercice. »3
Donc, aujourd’hui, s’il est absurde de renvoyer les victimes de l’antisémitisme à leurs convictions religieuses, il n’en demeure pas moins qu’elles sont ciblées en fonction de la religion vraie ou supposée de leurs ancêtres.
Les attaques violentes contre une synagogue renvoient aux convictions religieuses, que dire de celles contre des femmes et hommes politiques qui n’ont plus aucun lien, même ténu, avec des institutions juives ?
1 Par exemple, la Bible des Septante est une traduction en grec de la version hébraïque, pour des juifs héllénisés.
2 les « 10 tribus perdues », par exemple.
Qu’est-ce que le sionisme ?
Le sionisme tire son nom de Sion, un des noms de Jérusalem. C’est donc l’aspiration de certains juifs à « revenir à Sion ».
Il se développe en Europe à cause des persécutions antisémites et prend sa forme politique avec Theodor Herzl. Pour lui, la cohabitation dans un pays entre Juifs et non-Juifs est impossible dans la durée. Il prend l’allégorie de l’huile et de l’eau qu’on ne peut pas durablement mélanger. Il faut donc que les Juifs aient un État à eux. En bon Européen du XIXème siècle, il n’envisage pas de créer cet État là où il y a déjà beaucoup de Juifs, par exemple en Europe centrale ou orientale, mais dans le reste du monde, que les Européens estiment leur appartenir. Il réfléchit à des créations en Argentine, en Ouganda, avant de choisir la Palestine ottomane, pour rallier à son idée les sionistes religieux. Herzl va donc avoir pour alliés objectifs les antisémites, qui pensent comme lui que les Juifs n’ont pas leur place en Russie, Allemagne, etc.. Le sultan ottoman refusant l’idée sioniste, il va chercher l’appui des puissances impérialistes, qui cherchent à dépecer « l’homme malade ».
Le « péché originel » de tout nationalisme ethnique naît de la présence sur le territoire revendiqué, de gens qui n’appartiennent pas à l’ethnie-nation. L’éclatement des empires multinationaux en Europe sous la pression des nationalismes, a créé de nombreux conflits entre les nouveaux États et les « minorités nationales ». « L’État des Juifs » prévu échappait d’autant moins à cette problématique que la population juive en Palestine y était minoritaire avant l’immigration juive. En 1885, elle représente 10 % de la population (500 000 habitants sur un territoire de 26 000 km²) et 0,5 % des propriétés.
Le sionisme, qu’on l’approuve ou non, c’est une théorie et une pratique politiques., comme le communisme ou le nationalisme basque.
Dès sa création, il rencontrera de vives oppositions parmi ceux dont il prétendait défendre les intérêts. Les religieux s’y opposèrent car seul le Messie pouvait rassembler le peuple d’Israël sur sa terre et vouloir le faire à sa place était œuvre impie. Les laïques s’y opposèrent soit parce qu’ils ne voyaient pas la nécessité de quitter des pays développés pour une terre à coloniser, soit parce qu’il avaient d’autres projets politiques, comme le Bund.
Il y eut, et il y a encore des Juifs anti-sionistes ou a-sionistes.
Il y a aussi des sionistes qui sont antisémites. Les uns parce que le sionisme est un bon moyen de limiter la présence juive dans leur pays (comme Arthur Balfour), d’autres pour des raisons religieuses. Pour les « chrétiens sionistes », pour que le Messie revienne, il faut que tous les Juifs soient rassemblés sur leur « terre ancestrale ». Alors, et alors seulement, le Messie reviendra, les 2/3 des Juifs le reconnaîtront comme le Messie d’Israël et deviendront chrétiens, et le tiers restant sera précipité dans les flammes de l’enfer ! Exil forcé, conversion ou bûcher, quelle est la différence avec l’Inquisition ?
Don il ne faut pas confondre antisémitisme et antisionisme, même si de réels antisémites avancent masqués en se disant antisionistes. Il est en réalité très facile de « séparer le bon grain de l’ivraie1 ». Par exemple, quand un « antisioniste » commence à parler de George Soros, c’est un antisémite. A l’inverse, l’assimilation, voulue par les partisans de la politique israélienne, entre antisionisme et antisémitisme aura un effet boomerang : assimiler la critique de la politique israélienne à de l’antisémitisme. (anti-A = anti-B) risque d’induire une forme de réciproque : (B = A.)
1 Mathieu 13, 25-40
Qu’est-ce qu’un Israélien ?
Est israélien ce qui se rapporte à l’État d’Israël, reconnu par la plupart des pays et membre des Nations Unies.
En France, et dans beaucoup d’autres pays, les lois définissent qui a la nationalité du pays. La citoyenneté concerne les nationaux qui ont les droits civiques (droit de vote, éligibilité, etc. ). Depuis 1945, les femmes françaises, qui avaient déjà la nationalité, sont devenues des citoyennes.
En Union soviétique, on était citoyen soviétique, de nationalité russe, estonienne ou juive selon la langue ou la religion. On m’a même cité un cas de nationalité yézidie !
C’est un peu le même principe dans l’État d’Israël, avec une différence : les nationalités d’URSS étaient en principe égales.
Il n’y a, dès lors, pas de nationalité israélienne mais une nationalité juive (concernant les Juifs du monde entier) et une multitude d’autres nationalités (le ministère de l’Intérieur en reconnaît plus de 130). Les Palestiniens ont la nationalité… « arabe » ou « druze ». Un citoyen israélien non juif et non palestinien, mais parent ou conjoint d’un citoyen juif, est enregistré selon sa nationalité d’origine assyrienne, tatare, circassienne ou même… catalane comme le grand-père de Shlomo Sand.
Conclusion : ne pas confondre !!