Palestine-Israël : essai de chronologie (1/). Des débuts du sionisme au plan de partage de 1947.
Régulièrement, des personnes de bonne foi posent la question : Mais quand et comment cela a-t-il commencé ? Éventuellement, certain·e·s essayent de faire le lien avec leurs souvenirs de catéchisme, d’histoire, de cinéma : les rois d’Israël, les Croisades, Lawrence d’Arabie, etc..
Ce qui est certain, c’est que « ça » n’a pas commencé le 7 octobre 2023, mais bien avant. Mais la continuité historique entre les récits bibliques et l’histoire contemporaine est un trompe-l’œil. Au premier siècle de notre ère, près de 10 % de la population de l’Empire romain est de confession juive. Il y a certes des gens originaires de l’ancien royaume hasmonéen, mais aussi des convertis. L’échec et la répression des trois révoltes nationalistes juives aux 1er et 2ème siècle de notre ère ne mettra pas fin à la présence juive dans la province romaine de Judée, même s’il sont à l’origine d’une partie de la « diaspora ». Le triomphe du christianisme entraînera un déclin du judaïsme dans l’Empire (concurrence idéologique puis répression). Les communautés juives en Eurasie vont connaître des phases diverses d’expansion, de déclin, de répression au cours des siècles suivants, les situations seront très variables selon les pays (États musulmans, Pologne-Lituanie, Europe occidentale). A noter par exemple que, quand les Croisés prennent Jérusalem, ils massacrent la population, dont la communauté juive.
La situation évolue avec les « Lumières », l’émancipation civile des juifs dans plusieurs pays européens, et en miroir, la montée d’un antisémitisme qui va chercher ses justifications non plus seulement dans la religion chrétienne, mais dans des théories pseudo-scientifiques. Des intellectuels juifs vont alors développer l’idée que la seule solution est la création d’un « État des juifs ». En bon européens de l’époque, ils ne se posent absolument pas la question des « indigènes » du pays choisi. C’est au XIXème siècle qu’il faut donc trouver l’origine du conflit actuel.
Mais à la même époque, il y a une (faible) présence juive en Palestine, qui ne pose aucun problème aux musulmans et juifs qui y vivent également.
Pour faire le tableau qui suit, je me suis principalement appuyé sur Wikipedia. J’ai mis sur fond bleu ce qui concerne le mouvement sioniste, puis Israël, sur fond vert ce qui concerne la mouvement national arabe et/ou palestinien, et sur fond jaune les conflits entre les deux parties.
Dates |
Événements |
1821 |
Premier pogrom antisémite en Russie. Les autorités russes sont soit passives, soit complices. Les pogroms continuent pendant un siècle (Petlioura en Ukraine) |
1879 |
Le journaliste allemand Wilhelm Marr crée le terme « antisémitisme », |
1881 |
Fondation des « Amants de Sion » par Léon Pinsker |
1886 |
Le journaliste français Édouard Drumont publie « La France juive », pamphlet antisémite. En 1892, il lance le journal « La Libre parole » |
1894-1906 |
Affaire Dreyfus en France. Alfred Dreyfus, un officier français juif, est accusé à tort d’espionnage et envoyé au bagne. L’opinion publique française est divisée entre « dreyfusards », qui croient en son innocence, et « antidreyfusards », partisans de sa culpabilité. La France connaît alors de violentes campagnes antisémites. Dreyfus sera innocenté en 1906. |
1896 |
Theodor Herzl publie « L’État des Juifs ». Pour lui, les Juifs ne seront jamais des citoyens à part entière des pays où ils vivent. Ils doivent donc avoir leur propre État, mais Herzl ne précise pas où. Il envisage notamment l’Ouganda et l’Argentine. |
1897 |
Premier congrès sioniste à Bâle, qui opte pour l’implantation en Palestine, alors partie de l’Empire ottoman. Création l’Organisation sioniste, dont Herzl est le premier président. |
1901 |
Cinquième Congrès sioniste. Fondation du KKL |
1903 |
Parution des « Protocoles des sages de Sion », faux antisémite qui décrit un complot juif mondial. |
1914 |
Première guerre mondiale. L’Empire ottoman est allié à l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie. |
1915-1916 |
Accords secrets franco-britanniques, dit Accords Sykes-Picot. Français (bleu + A) et Britanniques (rose + B) prévoient de se partager les provinces arabes de l’Empire ottoman. La Palestine devient une zone internationale. La teneur des accords sera révélée par les Bolcheviks après leur prise de pouvoir en Russie. ![]()
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1916-1918 |
Révolte arabe contre l’Empire ottoman, avec le soutien du Royaume-Uni qui promet aux révoltés un grand empire arabe, « de la mer au golfe ». |
2 novembre 1917 |
Déclaration Balfour. Lord Balfour, au nom du gouvernement britannique, promet au mouvement sioniste « l’établissement en Palestine d’un Foyer national pour le peuple juif et emploiera tous ses efforts pour faciliter la réalisation de cet objectif, étant clairement entendu que rien ne sera fait qui puisse porter atteinte aux droits civils et religieux des collectivités non juives existant en Palestine... ». Les droits politiques (à partir de 1922) des non-juifs, 90% de la population, ne sont pas évoqués ! |
9 décembre 1917 |
Les troupes du général britannique Allenby entrent à Jérusalem. |
30 octobre 1918 |
Armistice de Moudros. L’Empire ottoman est vaincu. |
1919 |
Premier congrès arabe palestinien, à Jérusalem. Il y en aura sept. |
Avril 2020 |
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10 août 1920 |
Traité de Sèvres, qui consacre le démembrement de l’Empire ottoman. |
1920 |
Conférence de San Remo, qui prévoit des mandats de la Société des Nations (SDN) pour les territoires qui dépendaient de l’Empire ottoman. Mandat britannique pour la Palestine. |
15 juin 1920 |
Création de la Haganah, organisation paramilitaire du Yishouv. Elle sera la matrice de l’armée israélienne (Tsahal) |
Décembre 1920 |
Création du syndicat Histadrout « Le régime socialiste et la commune ne peuvent avoir aucun intérêt pour nous dans ce pays si ceux qui les appliquent ne sont pas des travailleurs juifs. Nous ne sommes pas venus ici pour organiser qui que ce soit, et nous ne sommes pas ici pour répandre l'idée socialiste auprès de qui que ce soit. Nous sommes ici pour établir une patrie de travail pour le peuple juif » (David Ben Gourion) |
1921 |
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24 juillet 1922 |
Le conseil de la SDN approuve les termes du mandat britannique pour la Palestine. Alors que les autres mandats (Liban, Syrie, Irak) prévoient des assemblées représentatives des populations et à terme l’indépendance, le mandat britannique ne prévoit aucune représentation nationale pour les Palestiniens. Mais : Article 2.
Le mandataire assumera la responsabilité d'instituer dans le pays un état de choses politique, administratif et économique de nature à assurer l'établissement du foyer national pour le peuple juif, comme il est prévu au préambule, et à assurer également le développement d'institutions de libre gouvernement, ainsi que la sauvegarde des droits civils et religieux de tous les habitants de la Palestine, à quelque race ou religion qu'ils appartiennent. Article 4.
Un organisme juif convenable sera officiellement reconnu et aura le droit de donner des avis à l'administration de la Palestine et de coopérer avec elle dans toutes questions économiques, sociales et autres, susceptibles d'affecter l'établissement du foyer national juif et les intérêts de la population juive en Palestine, et, toujours sous réserve du contrôle de l'administration, d'aider et de participer au développement du pays. L'Organisation sioniste sera reconnue comme étant l'organisme visé ci-dessus, pour autant que, de l'avis du mandataire, son organisation et sa constitution seront jugées convenables. D'accord avec le gouvernement de Sa Majesté britannique, elle prendra toutes mesures nécessaires pour assurer la coopération de tous les Juifs disposés à collaborer à la constitution du foyer national juif. |
16 septembre 1922 |
La Transjordanie est exclue du mandat britannique. Elle devient l’émirat hachémite de Transjordanie. Scission du mouvement sioniste. Les « révisionnistes » refusent cette « partition » ![]()
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26 mai 1924 |
Loi d'immigration Johnson-Reed aux États-Unis, qui limite drastiquement les possibilités d’immigration juive (d’Europe centrale et orientale) |
juillet 1925 |
Hitler publie « Mein Kampf » |
23-29 août 1929 |
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mars 1930 |
Rapport de la Commission Shaw : Le rapport a continuellement critiqué les politiques d’immigration et d’achat de terrains, qui ont, selon le rapport, donné aux Juifs des avantages injustes. La commission a recommandé aux Britanniques de prendre un plus grand soin à garantir les droits fondamentaux des Arabes et à comprendre leurs aspirations. Le rapport Shaw a été un coup dur pour les sionistes partout dans le monde |
20 octobre 1930 |
Livre blanc de Passfield le Livre blanc de Passfield estimait cette politique sioniste dommageable au développement économique de la population arabe. Il concluait que l'immigration juive en Palestine privait les fellahs arabes de leurs terres, que les ventes de terre aux colons juifs devaient à l'avenir être limitées et que les taux de chômage chez les Arabes devaient entrer en considération dans la fixation des taux autorisés d'immigration juive en Palestine. En outre, un conseil législatif devrait être formé pour représenter la majorité (arabe) de la population. |
1931 |
Création de l’Irgoun, organisation paramilitaire proche des sionistes révisionnistes. |
30 janvier 1933 |
Arrivée d’Hitler au pouvoir en Allemagne. |
15 septembre 1935 |
« Lois de Nuremberg » en Allemagne, qui privent les juifs allemands de leurs droits civiques. |
1936 |
Création du Haut-Comité arabe, interlocuteur officiel des Brittaniques, puis interdit par eux en 1937. |
1936-1939 |
Révolte arabe en Palestine mandataire. Grève générale de 6 mois. Le bilan de la révolte est très élevé (environ 7 000 morts et blessés dont 3 500 Arabes, 2 500 Juifs et 600 Britanniques |
7 juillet 1937 |
Rapport de la commission Peel. Plan de partage de la Palestine mandataire. ![]()
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juillet 1938 |
Conférence d’Évian, sur le sort des juifs qui fuient le Reich nazi. Les pays participants sont d’accord.. pour ne pas accueillir plus de réfugiés juifs (sauf la République dominicaine, moyennant finances!) |
9-10 novembre 1938 |
« Nuit de cristal » en Allemagne : pogrom antisémite organisé par les nazis. |
23 mai 1939 |
Livre blanc britannique en réponse à la révolte arabe : Le document appelle à l'établissement d'un foyer national juif dans un État palestinien indépendant dans un délai de 10 ans, rejetant l'idée de partition de la Palestine proposée par la Commission Peel. Il limite également l'immigration juive à 75 000 personnes pendant cinq ans et stipule que la poursuite de l'immigration sera ensuite déterminée par la majorité arabe (section II). Les Juifs ne peuvent acheter de terres arabes que sur 5 % du territoire du Mandat (section III). Accord d’une partie des Palestiniens. Refus des organisations sionistes. |
1er septembre 1939 |
Début de la Seconde guerre mondiale |
Août 1940 |
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juin-décembre 1940 |
Plan nazi « Madagascar », qui prévoit de déporter 4 millions de juifs européens vers Madagascar. Le plan est abandonné en décembre, |
28 novembre 1941 |
Le mufti de Jérusalem Mohammed Amin al-Husseini se réfugie en Allemagne. |
20 janvier 1942 |
Conférence de Wannsee pour mettre au point l'organisation administrative, technique et économique de la « solution finale de la question juive » |
8-9 mai 1945 |
Capitulation du IIIème Reich nazi. Le nombre de victimes juives est estimé entre 5,1 et 6 millions de morts. Ce nombre représente les 2/3 des juifs européens. Beaucoup de survivants ne peuvent ou ne veulent pas retourner là où ils vivaient avant. Les États-Unis restent fermés à l’immigration juive. |
1945-1946 |
Procès de Nuremberg. Condamnation des principaux responsables nazis. |
1945 |
Les milices juives (Haganah, Irgoun, Lehi) commencent à combattre des Britanniques, |
22 juillet 1946 |
Attentat de l’Hôtel King David à Jérusalem par l’Irgoun (> 100 morts britanniques) |
18 février 1947 |
Les Britanniques annoncent abandonner leur mandat sur la Palestine. |
29 novembre 1947 |
L’ONU adopte un plan de partage de la Palestine en deux États, un juif, un arabe et une zone internationale (Jérusalem). La résolution 181 adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies, le 29 novembre 1947, recommande le partage de la Palestine entre un État juif et un État arabe, en proposant pour les Lieux saints un « corpus separatum » : 14 000 kilomètres carrés, avec 558 000 juifs et 405.000 arabes pour l'État juif, 11.500 kilomètres carrés, avec 804.000 arabes et 10 000 juifs pour l'État arabe, 106 000 Arabes et 100 000 juifs pour la zone internationale qui aurait compris les Lieux saints, Jérusalem et Bethléem. Entre les deux États, une union économique, monétaire et douanière était prévue. ![]()
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Différentes cartes.
Cette période voit l'augmentation de la population juive immigrée. Les autorités britanniques oscillent entre le souci de ne pas mécontenter les Arabes palestiniens et les pressions des organisations juives, qui mettent en avant le sort des juifs européens, menacés par le nazisme (entre autres).