L'histoire tragique de la forteresse lorraine de La Mothe
Une amie m'a prêté cet ouvrage, publié en 1978, et qui rassemble divers témoignages d'époque.
Je préfère insister sur l’irresponsabilité des ducs de Lorraine, pays d'entre-deux, lié organiquement au Saint-Empire et culturellement et familialement au royaume de France :
- construire "la forteresse" la plus puissante du duché à la frontière avec la France ne pouvait être considéré par cette dernière que comme un acte de défiance, voire d’hostilité;
- d'autant plus que la foi très catholique des ducs les avaient conduits à se mêler des affaires françaises, y compris en soutenant les factieux.
Voici ce qu'en écrivait le géographe Malte-Brun :
On sait quelles graves conséquences eut pour l’Etat et pour les derniers Valois l’établissement d’une branche de la maison de Lorraine en France. René II, qui possédait en Champagne, en Picardie, en Flandre et en Normandie des biens allodiaux, les légua au second de ses fils, Claude, duc de Guise, qui se fixa à la cour de France; il faisait ainsi de la branche cadette de sa maison une famille toute française, entièrement distincte de la branche aînée destinée à gouverner la Lorraine.
Mais l’ambition des Guises fut fatale, non seulement à eux-mêmes, mais à la famille ducale de Lorraine, qu’ils entraînèrent dans leurs projets. Le duc Charles III fut un des soutiens de la Ligue; il conspira avec Philippe II et avec le pape contre l’indépendance de la France; il fut l’un des signataires de cet insolent traité de Joinville, par lequel les princes étrangers réglaient le sort de la France. Dès lors commença entre la maison de France et la maison de Lorraine cette antipathie dont les effets devaient éclater sous le règne de Charles IV.
Il y a peu d’exemples d’une existence aussi agitée que celle de ce prince. Dès le début de son règne il se laissa entraîner, par la belle duchesse de Chevreuse, dans les intrigues et les complots dirigés contre l’administration vigoureuse de Richelieu. Quand le duc d’Orléans, qui prêtait aux factieux l’appui de son nom, s’enfuit de France, le duc Charles lui donne asile à deux reprises et lui fait épouser, secrètement, sa soeur Marguerite. Le Parlement de Paris procède contre lui à raison du rapt commis en la personne du duc d’Orléans, et la Lorraine est deux fois envahie par les armées françaises. Le duc Charles, réfugié à Mirecourt, abdique en faveur de son frère, le cardinal François. Mais c’était une question de savoir si le duché devait passer aux héritiers mâles par exclusion des femmes. Charles IV n’était pas le fils mais le gendre du duc précédent, Henri. Si la duchesse Nicole abdiquait, comme son mari, la princesse Claude, soeur de Nicole, pouvait reproduire, en sa personne, la prétention des femmes. Aussi le nouveau duc jugea-t-il prudent d’épouser sans retard sa cousine, Claude, que Louis XIII pouvait faire enlever d’un moment à l’autre. Il renvoya au pape son chapeau de cardinal; et comme les liens de parenté exigeaient des dispenses, il reprit un instant, pour se les accorder, son caractère de prélat; puis il reçut d’un prêtre la bénédiction nuptiale et consomma son mariage. Cinq jours après, les nouveaux époux sont arrêtés dans leur logis, au nom du roi de France, qui ne veut reconnaître ni le nouveau duc ni son mariage. Ils parviennent à s’échapper, pendant que l’armée française, devançant l’arrêt du Parlement, « qui prioit humblement le roi de se satisfaire sur les biens de son vassal non situés en France, » achève la soumission de la Lorraine. Cependant le duc Charles, revenant sur son abdication, essaye vainement de rentrer par force dans ses Etats et finit par demander grâce au roi, qui lui restitua les duchés de Lorraine et de Bar; mais plusieurs places demeuraient à la France et Nancy restait occupé provisoirement par une garnison française. Le duc promettait de rester attaché aux intérêts de la France et se soumettait à perdre irrévocablement ses États en cas de contravention. Quelques mois après, il se joignait avec son armée aux Espagnols, ennemis de la France, et la Lorraine était reconquise par l’armée royale. Enfin, après de nouvelles aventures, suspect au roi d’Espagne, qui le tint même quelque temps en prison, abandonné de son armée vagabonde, excommunié par le pape, pour avoir épousé une maîtresse du vivant de sa femme, le duc Charles obtint de nouveau de Louis XIV et de Mazarin la restitution de ses États (1661). C’était le cinquième traité qu’il contractait avec la France, et on le connaissait assez pour être sûr que ce ne serait pas le dernier.
Il est vrai que Louis XIV, héritier des projets de Richelieu et de Mazarin sur la Lorraine, n’attendait qu’une occasion pour réunir définitivement ce beau pays à la couronne. En 1662, il obtint, moyennant des promesses d’argent, du duc Charles, qui n’avait pas d’enfants légitimes, que ses Etats seraient après sa mort réunis à la France. Mais le prince Charles, fils de l’ex-cardinal François, protesta contre cet arrangement, et le duc lui-même revint à de meilleurs sentiments pour son neveu. Il crut trouver un appui contre l’ambition de la France dans les puissances européennes qu’avaient alarmées les succès de Louis XIV dans la guerre d’Espagne, et il intrigua pour être reçu dans la triple alliance. Aussitôt Louis XIV, se saisit de son duché, et le vieux duc s’enfuit à Cologne. Il combattit encore contre la France dans la guerre de la Hollande et termina en l675, à Birkenfeld, son aventureuse existence. Il laissait ses droits à son neveu, Charles V, prince doué de talents supérieurs et qui s’illustra à la tête des armées impériales. Mais il tenta vainement de s’emparer de la Lorraine; Louis XIV avait fait dévaster systématiquement la partie orientale du duché et démanteler toutes les places secondaires. Il était impossible de s’aventurer avec une armée dans un pays si complètement ruiné. Le duc avait écrit sur ses étendards : Aut nunc aut nunquam (on maintenant ou jamais). L’alternative ne lui fut pas favorable ; il ne rentra jamais dans ses États. Il est vrai que la paix de Nimègue (1679) les lui restituait, mais on laissant à la France des places de sûreté et entre autres Nancy, sa capitale. Charles refusa de se soumettre à cette humiliation. Il resta à la cour de Vienne, où il épousa une soeur de l’empereur.
/image%2F0572466%2F20241111%2Fob_8c4cb9_debut2.jpg)
Au début de son dictionnaire des communes de la Meurthe, Louis-Antoine Michel publie un abrégé des l'histoire de la Lorraine avec la liste de ses ducs, que je reproduis ici. J'ai ajouté des ...
https://francoismunier.name/2024/11/dictionnaire-de-michel-les-ducs-de-lorraine-d.html
Autres informations sur Charles IV de Lorraine
/https%3A%2F%2Fupload.wikimedia.org%2Fwikipedia%2Fcommons%2Fthumb%2Fe%2Fec%2FVestung_la_Motte_%28Merian%29.jpg%2F1200px-Vestung_la_Motte_%28Merian%29.jpg)
Siège de La Mothe (1634) - Wikipédia
Le siège de La Mothe est le siège de la place forte de La Mothe en Haute-Marne actuelle par des troupes françaises entre et dans le cadre de la guerre de Trente Ans. Alors que fait rage la guerr...
Cet épisode est resté longtemps une blessure profonde pour les Lorrains. Aussi après le découpage de la France en départements, on fit faire à la frontière de la Haute-Marne un petit décrochage pour y inclure le site de La Mothe. Ceci permit de rattacher à la Champagne, région fondatrice du royaume de France, un symbole potentiellement dangereux pour l'unité nationale. (Wikipedia)
/https%3A%2F%2Fupload.wikimedia.org%2Fwikipedia%2Fcommons%2Fc%2Fcf%2FLa_Motte.jpg)
La Mothe-en-Bassigny - Wikipédia
Le site de La Mothe-en-Bassigny, sur les communes d' Outremécourt et de Soulaucourt-sur-Mouzon dans l'ancien Duché de Bar et actuellement en Haute-Marne, n'est plus de nos jours qu'une colline ...
Rappel.
Dans beaucoup de billets de blogs, dont celui-ci, j’ai mis des liens avec des articles de Wikipedia. Cette encyclopédie collaborative en ligne n’est pas parfaite, mais elle demeure irremplaçable. Il faut donc la soutenir contre les attaques dont elle est l’objet.