Dictionnaire de Michel : Les ducs de Lorraine. La difficile succession d'Henri II et la Lorraine dans la guerre de Trente Ans
Au début de son dictionnaire des communes de la Meurthe, Louis-Antoine Michel publie un abrégé des l'histoire de la Lorraine avec la liste de ses ducs, que je reproduis ici. J'ai ajouté des illustrations : Wikipedia, Gallica, photos personnelles, reproductions de timbres-poste.
J'ai respecté l'orthographe autant que possible. J'ai toutefois adopté des règles actuelles d'écriture des nombres, en remplaçant par exemple 123,456 par 123 456.
Les notes hors-texte sont de moi.
La présentation des ducs à partir de René II me semble plus sujette à caution que celle des ducs du Moyen-Âge (ou je connais mieux cette période)
J'ai ajouté en dessous du nom de chaque duc les dates de naissance, accession au duché et décès.
J'ai tout d'abord travaillé sur une version mise en ligne par Google Books, puis cette dernière étant incomplète (il manquait deux pages), j'ai consulté le site de la BNF. J'aurais dû le faire avant : la version en ligne est de bien meilleure qualité, l'OCR est intégré.
« Source gallica.bnf.fr / BnF ».
Le duc Henri II mourut le 31 juillet 1624, et, n'ayant pas de fils, il avait désigné pour lui succéder sa fille Nicole de Lorraine, mariée à Charles de Vaudémont, le fils aîné de François, en précisant que Charles tenait son autorité de sa femme.
Une nouvelle dynastie était censée naître de mariage : la Maison de Lorraine-Vaudémont mais l'héritier tardait à venir.
Ainsi défini, commença le règne des co-souverains, une duchesse de seize ans et son mari de vingt ans. La jeune souveraine signait les décrets, son jeune époux les contresignait. Les pièces de monnaie montraient de profil au premier plan la souveraine, au second le co-duc.
Une telle situation gênait le fringant jeune homme peu fait pour le métier de prince consort et préférait régner seul. Son père, notre François, se résolut à lui permettre d'arriver à ses fins.
Un testament du duc René II, le glorieux vainqueur du Téméraire - daté de 1506 et retrouvé fort à propos - spécifiait que les duchés ne pouvaient se transmettre qu'en lignée masculine (cette loi salique, pour le duché de Lorraine, correspondait à la tradition des seigneuries du St-Empire[réf. nécessaire] dont il relevait ; le duché de Bar s'était transmis deux fois par les femmes : par Yolande de Bar-Yolande d'Aragon-René d'Anjou, puis Yolande d'Anjou-René II et le duché de Lorraine par Isabelle Ire de Lorraine). La cour souveraine, favorable au comte de Vaudémont, attesta de l'authenticité du document et le prince François se trouva être le véritable héritier des duchés au détriment de sa nièce.
En novembre 1625, François de Vaudémont, s'appuyant sur ledit testament de René II, revendiqua les duchés. Les États Généraux de Lorraine estimèrent sa requête légitime. La duchesse Nicole et le duc Charles abdiquèrent et François de Vaudémont devint duc le 21 novembre 1625. Il quitta le comté de Salm et sa capitale Badonviller où il avait soutenu la politique pro-catholique du rhingrave Othon-Henri co-comte de Salm, récemment converti, pour Nancy.
Il en profita pour rembourser ses dettes avec les finances ducales. Cinq jours plus tard, il abdiqua en faveur de son fils, qui devint le duc Charles IV.
Celui-ci en profita pour se séparer de son épouse Nicole, principale victime de cette conjuration politico-familiale. Il tenta en vain de faire annuler son mariage par le pape. A bout d'argument, il alla jusqu'à prétendre que le baptême de Nicole n'était pas valide et fit condamner pour sorcellerie et brûler vif le prêtre qui avait baptisé la princesse1.
1 https://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_II_de_Lorraine#Fils_de_duc,_p%C3%A8re_de_duc,_duc
Michel oublie complètement cet épisode.
Les ducs de Lorraine étaient des catholiques intransigeants : Antoine, Charles III. Ils avaient soutenu la Ligue catholique1, dirigée par leurs cousins Guise, pendant les guerres de religion en France.Voici ce qu’en dit Malte-Brun2 :
Mais l’ambition des Guises fut fatale, non seulement à eux-mêmes, mais à la famille ducale de Lorraine, qu’ils entraînèrent dans leurs projets. Le duc Charles III fut un des soutiens de la Ligue; il conspira avec Philippe II et avec le pape contre l’indépendance de la France; il fut l’un des signataires de cet insolent traité de Joinville, par lequel les princes étrangers réglaient le sort de la France. Dès lors commença entre la maison de France et la maison de Lorraine cette antipathie dont les effets devaient éclater sous le règne de Charles IV.
Il y a peu d’exemples d’une existence aussi agitée que celle de ce prince. Dès le début de son règne il se laissa entraîner, par la belle duchesse de Chevreuse, dans les intrigues et les complots dirigés contre l’administration vigoureuse de Richelieu. Quand le duc d’Orléans, qui prêtait aux factieux l’appui de son nom, s’enfuit de France, le duc Charles lui donne asile à deux reprises et lui fait épouser, secrètement, sa soeur Marguerite. Le Parlement de Paris procède contre lui à raison du rapt commis en la personne du duc d’Orléans, et la Lorraine est deux fois envahie par les armées françaises.
La Guerre de Trente Ans3 éclate à Prague en 1618. Elle durera jusqu’aux traités de Wesphalie. Elle oppose l’empereur catholique Habsbourg (et roi de Bohème) aux princes protestants, soutenu par le roi de Suède Gustave-Adolphe et les rois de France Louis XIII et Louis XIV. Les ducs de Lorraine prirent le parti de de l’empereur, et ce qui devait arriver arriva.. Les troupes françaises envahissent la Lorraine en 1631, suivies par les Suédois.
comte de Vaudémont, frère de Henri II, se fait reconnaître duc de Lorraine en 1624, règne quelques jours, et se démet2 de ses états en faveur de Charles IV, son fils (3).
(3) François II, s'était fait une si grande réputation de valeur dans sa jeunesse, que Venise, en armes contre Rome, sous Clément VIII, lui offrit en 1601, le commandement de ses troupes.
2 au bout de cinq jours.
la gloire de ce prince dont la vie ne fut qu'un tissu d'actions héroïques et de malheurs, eût effacé celle des conquérans les plus fameux, s'il eût été aussi prudent, aussi politique que plein de valeur dans les combats. Ses engagemens contractés avec les Anglais, firent naître les premières étincelles de ses discussions avec la cour de France ; et ses traités avec Louis XIII, qu'il rompait aussitôt que faits, attirèrent sur son peuple endormi dans les délices de la paix, les armes de ce prince et les fureurs de la guerre, 1670.
Le palais des ducs fut livré au pillage (1), toutes les forteresses de la Lorraine furent rasées (2), et le pays le plus beau, le plus peuplé de l'Europe, n'offrit bientôt plus que des ruines et des déserts. Enfin, Charles IV, pour qui le repos semblait être un tourment, mourut subitement en 1675, dans le Bas-Palatinat, en allant combattre les Suédois. L'histoire lui reprochera toujours sa légèreté, son inconstance et son goût pour les plaisirs, qui le firent l'artisan de la ruine de sa maison ; mais elle dira que jamais prince ne fut plus équitable, plus libéral et plus intrépide dans les combats, où il payait toujours de sa personne : sa belle retraite de Tann, 1638, eût suffi à tout autre prince pour le couvrir de gloire.
C'est à Charles qu'on doit la suppression du tribunal des assises, qu'il remplaça par une cour souveraine, malgré les observations des chevaliers auxquelles ce prince n'eut aucun égard : il pensait que la noblesse, occupée au métier des armes, ne pouvait convenablement conserver le dépôt des lois.
(1) A cette époque, le trésor des Chartres fut envoyé à Metz, ainsi que tous les registres de la chambre des comptes, et la fameuse coulevrine, connue anus le nom de Nancy, que l'on transporta depuis à Dunkerque.
(2) On dut le rétablissement des fortifications de Nancy à Louis XIV, qui vint en Lorraine en 1673.
Entr'autres traités que Charles fit et qu'il n'observa pas, on citera celui de Saint-Germain2, du 2 avril 1641, et celui de Montmartre, du 6 février 16623 : par le premier, il rentrait en possession de ses états, la France se reservant la capitale comme place de sûreté. A son entrée en Lorraine, le peuple le reçut avec des transports de joie inexprimables; on courait en foule pour le voir; les paroisses allaient à sa rencontre avec la croix et l'eau bénite; il y eut même un curé, qui, pour lui faire plus d'honneur, porta le saint sacrement au devant de lui. Enfin, parmi les acclamations les plus sincères et les plus tendres de ses peuples, on entendit des femmes qui criaient les mains jointes : Dieu conserve et bénisse monseigneur le duc et ses deux femmes (1)
(1) Charles était d'une complexion, susceptible de toutes les natures d'amour : il avait épousé à la fois, la duchesse Nicole et la princesse de Cantecroix ; il se remaria en troisièmes noces, à l'âge de soixante-deux ans, avec mademoiselle d'Apremont Nanteuil, qui n'en avait que treize.
Par le second traité conduit par l'intrigue, il reconnaissait le roi de France pour son héritier, moyennant 200 000 écus de rente : ce traité fit une telle sensation en Lorraine, qu'un paysan ayant aperçu le portrait de Charles IV dans une maison de son village, le détacha et lui tourna le visage contre la muraille, en disant. que puisque le duc avait renoncé à son peuple qui avait souffert le martyr pour lui, il fallait aussi le renoncer de même. Le duc, à qui cette action fut rapportée, loin de la blâmer, convint que le paysan avait eu raison : on ne voit point d'exemple d'une telle tendresse pour ses princes chez les autres peuples.
2 https://fr.wikipedia.org/wiki/Trait%C3%A9_de_Saint-Germain-en-Laye_(1641)
En gros, une capitulation lorraine.
1630. Etablissement d'un mont-de-piété à Nancy, dont l'objet était d'arrêter le cours de l'usure.
1631. Le médecin Théophraste Renaudot, donne en France les premières gazettes1, établies en Allemagne en 1560 : les gazettes littéraires de Paris ont commencé en 1723.
1635 Création de l'académie française2, qui honorera à jamais la mémoire du cardinal de Richelieu.—Mort de Sully3, le digne ami d'Henri IV, aussi bon politique que brave guerrier : il est sur-tout célèbre par son administration des finances.
1649. Charles 1er4, roi d'Angleterre, a la tête tranchée, dans sa cinquante-unième année.
1662. Mort du maréchal Fabert, petit-fils d'un libraire de Nancy : sa vie fut un enchaînement d'actions héroïques.
1665. Embrasement de la ville de Londres5; le feu dura quatre jours : il y eut plus de 13 000 maisons réduites en cendres, sans compter les édifices.
1669. Louis XIV supprime, dans tous les parlemens, les chambres établies par l'édit de Nantes en faveur des protestans.
1671. Fondation de l'hôtel des Invalides6, par Louis XIV.