Dictionnaire de Michel. Les règnes de Charles III et Henri II (1545-1624)
Au début de son dictionnaire des communes de la Meurthe, Michel publie un abrégé des l'histoire de la Lorraine avec la liste de ses ducs, que je reproduis ici. J'ai ajouté des illustrations : Wikipedia, Gallica, photos personnelles, reproductions de timbres-poste.
J'ai respecté l'orthographe autant que possible. J'ai toutefois adopté des règles actuelles d'écriture des nombres, en remplaçant par exemple 123,456 par 123 456.
Les notes hors-texte sont de moi.
La présentation des ducs à partir de René me semble plus sujette à caution que celle des ducs du Moyen-Âge (ou je connais mieux cette période)
J'ai ajouté en dessous du nom de chaque duc les dates de naissance, accession au duché et décès.
n'avait pas atteint l'âge de trois ans, quand François Ier, son père, mourut. La régence fut confiée à sa mère, la duchesse Christine de Danemark, et au prince de Vaudémont, son oncle.
Charles, qui fit les délices de la cour de France, par les qualités de son esprit et de son cœur, et qui ne se faisait pas moins admirer par son habileté à manier les armes, à dompter un coursier, et son adresse dans les tournois, était d'une si grande beauté, que tous les princes de l'Europe avaient son portrait (1).
Ce prince fut surnommé le Grand, et était digne de ce nom, par les soins qu'il consacra à la religion et à l’administration de la justice. L’histoire, les langues, les intérêts de ses peuples, les fortifications furent successivement les objets de son application. Les guerres de religion qui désolèrent la France pendant presque tout le cours de son règne, ne purent troubler la tranquillité dont il sut faire jouir ses sujets: s'il prit les armes, ce ne fut que pour éloigner de ses frontières de nombreuses armées de Luthériens. Les arts qu’il favorisa augmentèrent ses revenus et ceux de son peuple, auquel il ne demanda que la trentième, partie du revenu, ou la rente d’un jour par mois, convaincu que l’aisance des sujets fait la richesse des princes.
(1) On prétend qu’Amonret III2, empereur des Turcs, s’en faisait apporter un tous les ans.
2 Mourad III (1546-1595) J’ai beaucoup de doutes sur la véracité de cette anecdote.
Comme ses prédécesseurs, il connut le plaisir de donner, mais ce fut toujours avec discernement; il ne croyait les torts que quand il les voyait, et il ne paraissait vouloir les connaître que pour les pardonner.
Enfin, c'est à ce prince que la Lorraine est redevable de plusieurs ordonnances, qui seules feraient la gloire de son règne ; entre autres des traités qui établissent les limites et les prétentions de ses voisins, 1560 ; de la réformation des coutumes de Saint-Mihiel, de Bar, du Bassigni et de celles de Lorraine, 1572, dont il fit un code que l'on suivait encore en 1790 (1) ; de l’ordonnance de Lorraine contre les contrats usuraires ; de la fixation, au commencement de l’année, du mois de janvier, qui avant ce prince, était assez arbitraire, et des sages dispositions sur le duel, 1580.
(1) Entre autres coutumes, celle de Marsal était des plus plaisantes : Lorsqu’une femme se permettait des injures contre quelqu’un, et que le mari, comme responsable du ses faits, était poursuivi en réparation, il était renvoyé de la demande formée contre lui, en affirmant devant le juge qu’il avait battu sa femme en punition de ses excès ; et ni lui ni sa femme n’étaient obligés à aucune réparation avant le personne offensée. Et celle de Labresse (bailliage de Remiremont) image naïve des anciens temps, la justice s’y rendait sous l’ormeau, par le maire et les élus : Il n’est loisible à personne, dit l'art. 32, plaidant devant la dite justice, former ou chercher incident frivole et superflu, ais faut plaider au principal, ou proposer autres fins pertinentes, afin que la justice ne soit prolongée.
C’est sous lui que se fit la Bénédiction de la première pierre de la cathédrale1 (1); et c'est sous lui qu’on agrandit et fortifia Nancy, qu'on fit bâtir tout auprès une nouvelle ville, plus grande et plus régulière, qui ne le cède en beauté à aucune de l'Europe, 1608.
Charles mourut le 14 mai 1608, avec une fermeté de héros, et la piété d'un parfait chrétien : ses obsèques, auxquelles assista tout un peuple plongé dans la consternation, se firent avec une magnificence extraordinaire (2).2
(1) Les troubles survenus depuis dans la province, firent interrompre cet édifice ; on ne recommença à y travailler que sous le règle du duc Léopold, mais ce fut sur un nouveau plan, suivant lequel cette église a été achevée.
(2) Les trois cérémonies les plus magnifiques en Europe, étaient, suivant le proverbe lorrain, le couronnement d’un empereur à Francfort, le sacre d’un roi de France à Reims et l’enterrement d’un duc de Lorraine à Nancy.
1 A un autre emplacement que la cathédrale actuelle. La Lorraine indépendante n’avait aucun siège épiscopal sur son territoire, ce qui contrariait fort les ducs. C’est Léopold qui fit construire la cathédrale actuelle à partir de 1703, qui n’était alors qu’une primatiale. Elle devint cathédrale à la nomination du premier évêque de Nancy, en 1777.
2 Charles, catholique intransigeant, soutint la Ligue catholique dirigée par son cousin Henri de Guise, il pourchassa les protestants dans ses états. C’est également sous son règne que sévit Nicolas Rémy (1530-1612), qui fit condamner au bûcher plusieurs centaines de personnes pour satanisme.
La chasse aux sorcières en Lorraine.
Sorciers et sorcières brûlées à Amance et ailleurs - Amance en Lorraine
http://francois.munier1.free.fr/Documents/sorciers.htm Extraits de cet ouvrage :
Un procès en sorcellerie à Amance en 1591
Origine : Henri LEPAGE, Une procédure de sorcellerie au XVIème siècle. Dans annuaire de la Meurthe 1857 p 64 et suivantes, extraits La sorcellerie fut au XVIème siècle une véritable épidémi...
1545. Ouverture du concile de Trente1, il ne fut fermé qu’en 1563. C’est le dernier concile général qui ait été tenu dans l’église catholique2.
1546. Luther qui était parvenu à bout de soustraire une partie de l'Europe à la communion de l’église romaine, meurt âgé de soixante-trois ans.
1548. Mort de François Ier, surnommé le père des Lettres.
1552. Henri Il, roi de France, s’empare sous la minorité de Charles, des trois évêchés3, et met garnison française à Nancy.
1553. Charles-Quint est obligé de lever le siège de Metz par la belle défense du duc de Guise, où ce prince, si connu par ses talents militaires, acquit une gloire immortelle (1).
(1) François de Lorraine4, duc de Guise : l’histoire peint le héros; il nous reste à faire connaître l’homme. Au milieu des fureurs de la guerre, Guise fut sensible à l’humanité. De misérables soldats de l'armée de l’empereur, engourdis de froid, jonchaient la terre ; au lieu de les assommer, comme firent quelques généraux dans ces temps malheureux, il les recueillit et leur rendit la vie. Généreux après la victoire, il sentait ce retour des grandes âmes, moins affectées de leur propre bonheur que de la pitié des infortunés. Intrépide dans les périls, il brave plus d’une fois la mort, que lui réservait le fanatisme. On lui montra jour un homme qui avait menacé de le tuer, l’bonne pâlit, trembla : le duc lève les épaules ; celui-là, dit-il, ne me tuera jamais, ce n’est pas la peine de l’arrêter. Il visitait son camp : arrivé au quartier des Reîtres, un de leurs chefs s’avança brutalement et s’emporta jusqu’à lui présenter un pistolet. Le duc tira froidement l’épée, éloigna le pistolet, en le fit tomber. Monpézat, indigné, s’élançait pour ôter la vie à l’officier allemand : Arrêtez, Monpézat, lui crie le duc, vous ne savez pas tuer un homme mieux que moi. Un gentilhomme huguenot vint dans son camp pour l’assassiner. Le huguenot avoua sa résolution: Est-ce à cause de quelque déplaisir que tu ayes reçu de moi, lui dit le prince ? Non, répondit le protestant, c’est parce que vous êtes le plus grand ennemi de ma religion. Eh bien, répliqua Guise, si ta religion te porte à m’assassiner, la mienne veut que je te pardonne. Parole vraiment sublime. On a dit qu'il faudrait qu’elle se trouvât dans une autre bouche que dans celle de l’auteur du massacre de Vassi5. C’est juger trop durement un homme, qui n'eut peut-être d'autre part au massacre de Vassi, que de n’avoir pu l'empêcher. (Extrait de Bexon). Henri III a fait assassiner ce grand homme6, aux états de Blois, en 1588. Plusieurs actions semblables illustrent l’auguste tige d’où François de Lorraine est sorti.
Actuellement, un trait qui honore l’ancienne chevalerie de Lorraine: Les grandes dépenses que Charles avait été obligé de faire durant le temps de la ligue7, avaient si fort obéré l’état, que quelques conseillés lui proposèrent du réduire les intérêts, portés alors à 7 : cet expédient lui ouvrait le moyen sûr de rétablir ses finances, dans un temps surtout où la misère des peuples ôtait toute espérance de de pouvoir créer de nouveaux impôts. Quatre anciens chevaliers s’y opposèrent; le marquis de Beauveau sur-tout représenta que les sommes étaient des chaînes respectables qui lient les souverains comme les autres hommes, toute la puissance de Charles ne pouvait le dispenser de remplir à la lettre, les engagements contractés avec ses créanciers, et qu’une telle action détruirait toute confiance entre le prince et les particuliers, et qu'enfin, pour maintenir la foi publique et l’honneur de son souverain, il offrait au nom des anciens chevaliers, de remettre dans les coffres du duc tout l'argent qui pouvait lui revenir de cette réduction et qu'il allait se cotiser le premier pour donner l’exemple aux autres. --Ce M. de Beauveau descend de la branche illustre qui donna le jour Isabelle8, trisaïeule de Henri IV.
1569. Massacre des protestants dans toute la France, le jour de la fête de la St. Barthelemy9.
(1572 en réalité)
1582. On reçoit en Lorraine le calendrier grégorien10, admis en France l'année précédente.
1585. On se sert de bombes à la guerre (1).
1586. Introduction en France des pommes de terre : Drake en apporte d'Amérique.
1599. Publication de l'édit de Nantes11, donné par HenriIV, en faveur des protestans.
1594. Paris ouvre ses portes à Henri IV, et le reconnaît pour roi,
(1) On a fait hommage de cette invention à une homme de Venlo ; cependant il paraît que les Turcs en ont fait usage au siège de Rhodes, en 1522.
2 Le suivant sera Vatican I, en 1870.
3 Occupation de facto, « régularisée » par les traités de Westphalie en 1648.
4 Il y a semble-t-il confusion, de la part de Michel, entre François de Guise (1519-1563) et son fils Henri (1550-1588)
5 https://fr.wikipedia.org/wiki/Massacre_de_Wassy
Le 1er mars 1562, à Wassy bourg de la principauté de Joinville (Haute-Marne) dont le duc François de Guise est seigneur. Une cinquantaine de protestants furent tués et environ cent cinquante blessés par les troupes du duc de Guise.
6 C’est Henri de Guise, le fils, qui a été assassiné à Blois, ainsi que son frère Louis
7 Pour aider la Ligue catholique, dirigée par son cousin Henri de Guise.
fils du grand duc Charles, parvint au duché en 1608; comme Antoine, son aïeul, il mérita d’être surnommé le Bon. Henri donna dans sa jeunesse des preuves de valeur contre les protestants qu'il battit en différentes rencontres; et plus avancé en âge, il ne s'attacha uniquement qu'à vivre en paix avec ses voisins, à faire les délices de ses sujets, et à voir fleurir la justice et la religion dans ses états ; n’ayant jamais eu l’ambition de faire des conquêtes, et d'acquérir aux dépens de ses sujets,le vain titre de héros, Henri ne savait rien refuser; sa libéralité allait jusqu’à la prodigalité : à ce sujet, il disait, qu’il n'y avait que le mot non qu'il n'avait pu retenir de sa nourrice, et que sa trop grande facilité à donner était le péché originel de sa maison (1). Naturellement porté à pardonner les injures, ce prince paraissait oublier sa clémence ordinaire dès qu'il s'agissait de venger l'honneur de Dieu, ou la profanation des choses saintes : tel parut Henri, pendant le cours d'un des règnes les plus heureux dont ait joui la Lorraine.
De son temps, fut assassiné Henri IV, le plus grand roi que la France ait eu : il sut conquérir un royaume que tous les cœurs eussent dû s'empresser de lui offrir (14 mai 1610).
1608. Invention des lunettes d'approche et du télescope (2).
(1) On dit que la libéralité avait sur lui tant demi pire, que n'étant encore que marquis du Pont, il se plaisait à laisser prendre ses meubles et sa vaisselle, quand il n'avait plus de quoi donner.
(2) Le secret en était sans doute perdu, car Bacon, au 13e. siècle, assure que Jules César étant dans les Gaules, sur les bords de la mer, vis-à-vis la Grande-Bretagne, reconnut, avec de certains miroirs ardens, la disposition de l'armée britannique, ainsi que toute la côte de ce pays-là.