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Le blog de François MUNIER

A propos d'un "vrai-faux manifeste judéo-nazi". Conspis et anticonspis.

23 Février 2025 , Rédigé par François MUNIER Publié dans #Palestine, #Histoire, #1914-Aujourd'hui, #Israël

L'actualité récente montre que, très vite, des enquêtes sur des scandales politiques, financiers, criminels, sanitaires, etc.. même faites très sérieusement, sont accusées de "conspirationnisme". Effectivement, des théories fumeuses apparaissent à l'occasion de ces scandales, mais la dénonciation des complicités actives ou passives, à partir du moment où elle est étayée par des enquêtes sérieuses, ne doit pas y être assimilée. Retour sur un texte scandaleux et les présentations qui en ont été faites.

A propos d'un "vrai-faux manifeste judéo-nazi". Conspis et anticonspis.

En 1983, l'écrivain israélien Amos Oz (1939-2018), considéré comme pacifiste, publie un recueil d'entretiens réalisés en 1982 et publiés dans le journal israélien Davar avec des Israéliens, et aussi des Palestiniens. Ce recueil est traduit et publié en France dès 1983 sous le titre "Les voix d'Israël". Parmi ceux-ci, un texte d'une violence inouïe, d'un personnage "T." qui assume le terme de "judéo-nazi", employé par Leibowitz.

Personne ne conteste la réalité de ces propos, ni le fait qu'ils ne sont pas ceux d'un cas isolé. Oz explique d'ailleurs que, si certains de ces lecteurs ont cru que le personnage était inventé, d'autres lui ont écrit pour "exprimer leur accord total" avec T..

Beaucoup de militants de la cause palestinienne ou de causes moins avouables au nom de cette cause, se sont emparés de ce texte, pour l'attribuer à Ariel Sharon, et en faire donc le fil conducteur de la politique des gouvernements Likoud et Kadima.

Effectivement, c'est en toute connaissance de cause que l'auteur des propos revendique le terme de "judéo-nazi". Il se déclare prêt à employer vis-à-vis des Palestiniens des méthodes comparables à celles des nazis. Il emploie également, pour désigner les juifs qui n'ont pas voulu s'installer en Israël,  un terme traduit par l'éditeur français par "yid", terme injurieux utilisé par les antisémites germanophones pour qualifier les juifs.

La question de savoir qui est réellement celui que l'édition française désigne par T est à mon avis secondaire, ce qui n'empêche pas de faire le point sur les informations disponibles, pour savoir comment marche la machine à fantasmes

Oz présente ainsi son interlocuteur :

A propos d'un "vrai-faux manifeste judéo-nazi". Conspis et anticonspis.

Installés, T. et moi, sur la terrasse de son agréable maison villageoise, dans un moshav des plus aisés, nous contemplons le spectacle d'un coucher de soleil flamboyant sur la crête des nuages, allumant a l’horizon des incendies incertains aux lueurs changeantes de feu, d’or, de mauve et de gris chatoyant. Les orangeraies nous enveloppent de leurs senteurs lourdes et sensuelles. Nous sommes assis devant un café liégeois-maison servi dans de hauts verres fins. T., quinquagénaire dont le nom s’est trouvé plus d'une fois mêlé à de glorieux épisodes, est un homme fort et lourd, vêtu d'un short, dont a peau a pris le hale métallique des blonds qui vivent sous le soleil. Il a étendu ses jambes poilues devant lui et pose sur les accoudoirs de son siège ses mains noueuses semblables à deux bêtes de somme, énormes et lasses. Une cicatrice se devine à son cou. Tout en promenant son regard sur son orangeraie et ses vergers qui s’étendent sur le flanc de la colline, il me dicte d'une voix posée, enrouée par la cigarette, l'essentiel de sa philosophie :

 Ailleurs, il dit :

Et je vous l’ai déjà dit, le casier judiciaire, je suis prêt à l’assumer avec Sharon, Begin et Rafoul. Interrogé plus tard sur l'identité de T. Amos Oz déclara que ce n'était pas Sharon et qu'il était mort. Il est aussi probable qu'il ait volontairement brouillé les pistes en donnant une description inexacte du personnage. Rien ne permet aujourd'hui de dire que T. est plutôt X que Y.

Seul Oz connaissait donc la vérité et il l'a emportée avec lui.

L'histoire de cette falsification avait été détaillée sur ce site.

Site qui dénonce, à raison, la manipulation et l'attribution à Ariel Sharon. Mais si la "forgerie" vient probablement de l'extrême-droite antisémite et des "rouges-bruns" vers 2000, le texte était connu depuis près de 20 ans. J'en avais eu connaissance par l'AMFP, une des deux associations à l'origine de l'AFPS. Fidèle à la présentation d'Amos Oz, il était attribué à un haut-gradé israélien.

Et la dénonciation de la "forgerie" ne doit pas faire oublier que les propos ont bien été tenus, et pas par un individu marginal. Et ces théories sont largement partagées aujourd'hui au sein de la société israélienne.

Par analogie avec une affaire politico-policière qui avait popularisé le terme de vrai-faux passeport, c'est-à-dire établi par une autorité légale (Vrai) à une fausse identité, on devrait parler d'un vrai-faux  (vrai document, fausse identité).

Pour en revenir aux "anti-conspis", leur politique revient souvent, en brandissant l'accusation des "conspirationnisme", à évacuer toute enquête sérieuse sur des réseaux de complicités et sur les propos et actions dénoncées.

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