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Le blog de François MUNIER

Journal de route du 2e Bataillon du 79e R.l.F. du 13 au 25 juin 1940 (2)

23 Février 2025 , Rédigé par François MUNIER Publié dans #Histoire du 79ème RI, #Histoire, #Guerre 1939-1945, #Bas-Rhin, #Alsace, #Grand Est

Journal de route du 2e Bataillon du 79e R.l.F. du 13 au 25 juin 1940 (2)

Les bulletins de 1986 et 1987 du « Clocheton » publient le « journal de marche » du bataillon resté sur place. Le texte n’est pas signé, je suppose qu’il a été rédigé par un des membres de l’état-major du régiment.

J’ai eu la surprise d’en trouver une version en castillan sur ce site :

https://www.forosegundaguerra.com/viewtopic.php?f=4&t=12665&start=135

J’ai inséré des notes en bas de page pour expliquer certaines abréviations, préciser des lieux et indiquer les évènements sur d’autres théâtres d’opération.

En rouge, les noms identifiés sur la carte

17 Juin1

L'ennemi occupe sérieusement les villages de Stundwiller et Buhl et installe dans les clochers de ces villages des observatoires et des armes automatiques qui ne tarderont pas à prendre à partie les éléments les plus rapprochés de la L.P.R. Il pousse même des éléments à la ferme Bellevue du bec de canard (C.R. téléphoné du Lieutenant Rieffel) - casemate sud Oberroedern. Les différentes observations effectuées par ce dernier et l'observatoire d'artillerie de Hatten portent à croire que c'est sur le bec de canard que l'action de l'ennemi va se déclencher. Dès ce moment, la casemate de la Seltz entreprend un tir systématique au canon de 37, répété d'heure en heure sur les fenêtres et le toit Bellevue. Elle prend en outre à partie par un tir indirect au jumelage des éléments ennemis qui lui sont signalés aux lisières sud de Stundwiller. L'efficacité de ce tir est constatée par l'observatoire de Hatten. En fin de journée, l'ennemi paraît s'être retiré.

18 Juin2

Mais dès l'aube, sa présence est à nouveau signalée. L'observatoire de Hatten précise deux autres postes d'observation ennemis dans le clocher de Stundwiller et dans les dernières maisons à la sortie est de ce village. Une concentration de feux est aussitôt entreprise sur ces différents points. Tirs aux mortiers de 81 et de 50, canon de 37 de la Seltz, mitrailleuses de cloches des casemates d'Oberroedern N. et S., secondés par des tirs de Schoenenbourg. Prévoyant une action ennemie sur le bec de canard, un plan de feu destiné à la contrecarrer est mis sur pied. Le déclenchement de tous ces tirs appartient au Lieutenant Rieffel, le signal convenu est une fusée trois feux blancs. Spontanément, les casemates du 1/79 et les éléments d'intervalles 1/23 nous offrent leur concours. La sollicitude dont le Capitaine Machère du 1/23 et le Lieutenant Leloup du 1/79 font preuve à l'égard du 2e Bataillon, ne se ralentira pas dans les journées qui suivront. L'aide efficace qu'ils ont apportée au 2/79 est à signaler comme la manifestation d'une camaraderie affectueuse et féconde.

Toute l'activité déployée au bec de canard avec des moyens très réduits semble avoir fait redouter à l'ennemi l'entreprise d'une attaque sur ce point. Les événements des jours suivants le prouveront.

Pendant toute la journée, le quartier d'Oberroedern est l'objet de tirs de harcèlement par l'artillerie ennemie. Le clocher d'Aschbach est en partie détruit, le village est partiellement la proie des flammes.

1 Pétain appelle à cesser le combat.

2 Depuis Londres, le général de Gaulle appelle à continuer le combat.

Journal de route du 2e Bataillon du 79e R.l.F. du 13 au 25 juin 1940 (2)

19 Juin1

La matinée s'écoule dans un calme relatif, même c.r. d'observation que la veille provoquant les mêmes réactions. A 15 heures, apparition de drapeaux blancs 1°) sur le chemin de terre, puis sur la route de Niederseebach-Aschbach. 2°) sur le chemin de la cote 181 (crête de Stundwiller Trimbach) et dans la vallée de Seebach. Après compte rendu du lieutenant Vialle et du sergent-chef Mugg, nos camarades d'Oberroedern Nord et Aschbach Est ouvrent le feu sur ces drapeaux. Le lieutenant Guhl fait déclencher un tir d'artillerie, l'ennemi sur un signal de fusée verte tente une action d'infanterie sur casemates d'Aschbach et Oberroedern Nord et Sud. Les éléments ennemis sont violemment pris à partie par les armes automatiques des cloches et des blocs d'intervalles, et les tirs d'artillerie judicieusement déclenchés par le lieutenant Guhl. L'ennemi qui n'a pu réaliser la moindre progression se retire en laissant de nombreux morts sur le terrain. Le village d'Aschbach est sérieusement bombardé par notre artillerie (C.P. 8, C.P. 9). nuit calme. Le groupe Delpont, le corps franc du 3/79 renforcé par nos hommes sont mis en place sur la contrepente de la côte d’Aschbach.

20 Juin2

Au petit jour les blocs du ravin Miconet sont pris à partie par les armes automatiques et les 88 de rupture ennemis. Un bloc est détruit. ll devient difficile de circuler sur la crête, même dans les boyaux (C.A. du lieutenant Imbona). L'ennemi entreprend dès le début de la matinée un tir systématique sur les casemates d'Aschbach et d'Oberroedern. Vers 11 heures les destructions du Finkenmuhl, de Leiterswiller et de Hatten sautent. Vers 14 heures l’action de l'artillerie ennemie qui s'accentue sur tout le quartier d'Oberroedern prend les apparences d'une préparation d'attaque. A 16 h 30, des vagues successives d'avions commencent un bombardement systématique des casemates. Les avions après avoir reconnu les casemates piquent chacun leur tour sur leur objectif et lâchent leurs bombes parfois à moins de 100 m d'altitude. D'une façon générale, chaque avion lâche une grosse bombe centrale et quatre petites. L'acharnement que l'ennemi apporte dans l'accomplissement de sa mission fait mal à voir, ce n'est pas un combat, mais un exercice rendu facile par l'absence totale de moyens de défense (D.C.A., avions de chasse). Les casemates d'Aschbach et d'Oberroedern Nord sont les plus visées. Cette dernière est la plus atteinte. Une brèche et provoquée dans le mur de soutènement (côté Nord) par une bombe de gros calibre tombée dans le fossé diamant. Les cloisons intérieures sont fendues et écroulées. Une poussière et une épaisse fumée envahissent la casemate. ll convient ici de noter que la casemate d'Oberroedern Nord inscrit une belle page au journal de marche du bataillon. Extrait de notes prises par un homme de l'équipage.

A la suite des bombardements la casemate se trouve isolée de tous et de tout. L'obscurité est totale. La fumée des bombes pénètre dans la casemate. L'air est rempli de poussière de béton. Le moral de l'équipage est ébranlé par le bombardement et ses résultats sur la casemate. Le lieutenant Vialle rappelle à ses hommes l'exemple de nos anciens de Verdun: Vous êtes bien Français, vos chambres de tir sont intactes, nous avons des munitions, nous devons tenir et ils ne passeront pas ". La Marseillaise s'élève. L'appel de l'équipage est fait : tous vivants, chacun rejoint son poste. Les deux casemates d'Aschbach sont moins sérieusement atteintes mais les câbles téléphoniques sont coupés à proximité des casemates d'Aschbach Est et Oberroedern Nord. De la Seltz et de l'abri de Hoffen. Sur les trois casemates de la crête, il ne s'est pas déversé moins de 70 bombes en quelques minutes. Dans le même instant l'abri de Hoffen n'est pas épargné ; on peut se demander si l'ennemi ne croit pas trouver là un P.C. L'abri s'est défendu, les cloisons sont atteintes, la porte Est a été arrachée, une épaisse fumée envahit l'ouvrage, le puits crevé déborde, il y a quelques blessés. Le capitaine Quinet prend la décision de faire sortir de l'abri ce qui n'est pas troupe combattante. ll envoie au P.C. du sous-secteur le lieutenant lmbona pour demander au commandant Henry l'autorisation de déplacer son P.C. Le commandant Henry est d'accord. Il prescrit au capitaine Quinet de s'installer soit à la boîte de coupure 500 m S.E. de Leiterswiller soit à l'ancien P.C. de Rittershoffen. Il envoie une équipe de transmission pour établir à ces endroits une liaison téléphonique.

Tandis que de capitaine Quinet, le lieutenant lmbona et leurs sections de commandement se transportent à la boîte de coupure l.15, une nouvelle vague d'avions envahit le ciel du secteur. Un nouveau bombardement commence, les objectifs sont les casemates de Hoffen (1/79e) d'Oberroedern N. et S. et de la Seltz. Ces deux dernières sont très sérieusement atteintes, mais conservent une intégrité de feu presque totale. Les communications téléphoniques de la Seltz sont coupées. Pendant ces différents bombardements d'aviation, l’action de l'artillerie ennemie ne s'est pas ralentie sur tout le quartier d'Oberroedern et principalement sur la crête d'Aschbach et la casemate d'Oberroedern Nord. Les obus fumigènes font leur apparition. L'ennemi cherche manifestement à aveugler les casemates. En même temps les pièces d'artillerie à tir tendu commencent un tir systématique de destruction sur les casemates et les créneaux des blocs d'intervalles. La presque totalité des cloches des casemates d'Aschbach et d'Oberroedern N. et S. sont mises hors d'état de servir. Le sergent Delsart est tué par un projectile de rupture à son poste de combat dans la cloche d'Oberroedern sud. La cloche d'observatoire d'artillerie d'Aschbach Est est mise également hors de combat.

Dès l'arrêt des tirs d'artillerie, l'infanterie attaque. L'approche des fantassins aux abords des casemates est rendue possible par l’anéantissement des cloches. L'ennemi est toutefois pris à partie par les casemates voisines et les mortiers. Son avance est de ce fait rendue difficile et meurtrière; principalement sur les casemates d'Oberroedern N. et Aschbach E. où l'ennemi semble vouloir percer. Les Allemands qui ont réussi à se frayer des brèches dans le réseau apportent un matériel important autour de la casemate d'Oberroedern Nord. Des spécialistes s'apprêtent à faire sauter les embrasures des créneaux, cependant que 4 pièces de 37 en batterie à 300 m et plusieurs mitrailleuses protègent leur action et neutralisent les cloches. La résistance de l'équipage est magnifique. Il se défend par les moyens dont il dispose encore. L'attaque est menée par le côté Est. La cloche de mitrailleuses, le canon de 47 agissant par son souffle et un mortier de 50 restés intacts prennent l'assaillant à partie. Par les créneaux de défense rapprochés le lieutenant Vialle tire à coups de revolver, des grenades lancées dans le fossé diamant par les goulettes. De la casemate d'Aschbach Est, sur le signal 6 feux verts (sommes encerclés, tirez sur nous) lancé parle lieutenant Vialle, les soldats Vannesson et Breton tirent au mortier de 50 sur Oberroedern N. jusqu'à ce que leur tube (le dernier) soit sectionné par un projectile ennemi. Depuis un moment déjà le sergent Martin au jumelage et le sergent-chef Mugg au canon de 47 prenaient à partie les fantassins ennemis. Pas une des tentatives ennemies pour faire sauter les créneaux n'aboutit. Les pertes de l'ennemi sont lourdes, les assaillants refluent abandonnant sur le terrain de nombreux morts et un matériel important (mitraillettes, charges allongées, pétards, grenades, munitions, caisse d'obus de 47, équipements, etc...). De son côté la casemate d'Aschbach Ouest prend à partie deux infiltrations ennemies, l'une dans le ravin à l'Ouest d'Aschbach Est, l'autre dans le ravin N. E. Là encore l'ennemi doit se replier. Dans les intervalles l'action de l'ennemi se manifeste également, le sergent- chef Kerneiss après avoir tiré de nombreuses rafales de mitrailleuse est tué sur sa pièce par un projectile percutant. Par la suite les munitions du bloc prennent feu et le corps de Kerneiss est carbonisé. Le soldat Thomas blessé à son poste meurt quelques instants plus tard dans le boyau.

Sur la crête, entre les casemates d'Hoffen et d'Aschbach, les blocs de mitrailleuses et de F.M. sont l'objet d'un tir de destruction par obus de rupture. Les soldats Rossi et Boudault sont tués sur leurs pièces. Sur la crête entre les casemates Oberroedern N. et S. l'ennemi tente également de s'infiltrer, mais les hommes du P.A. 4 bis sous l'impulsion de leur chef le sergent Haaser réussissent à arrêter l'ennemi.

A la tombée de la nuit, la situation est la suivante : Une tentative d'infiltration est signalée par le commandant Henry au ravin Miconet et à l'Ouest de la cote 169 S. Une reconnaissance faite par le capitaine Quinet entre 19 et 20 heures prouve que: 1°) l'ennemi n'est pas passé à l'intérieur de la position. 2°) Les casemates d'Aschbach et d'Oberroedern sont serrées de très près par l'ennemi. Aschbach Est et Oberroedern Nord sont encerclées. Le capitaine Quinet établit son P.C. dans la tranchée qui se trouve près de l'ancien P.C. de Rittershoffen. Les communications téléphoniques n'ayant pu être rétablies la liaison avec le P.C. du sous-secteur n'est plus possible que par agent de liaison. Dans la nuit les casemates lancent des fusées éclairantes et effectuent des tirs repérés. A Aschbach Est le lieutenant Beck, le caporal Choquet et le soldat Wollenschneider montent sur la casemate et bien qu'encerclés réussissent à boucher les créneaux des cloches avec des sacs à terre. Les soldats Goetz et Frade du groupe Franc réussissent à atteindre Aschbach Est et Oberroedern Nord.

1 Prise de Cherbourg et Brest par les troupes allemandes. Début des contacts entre les gouvernements français et allemand.

2 Des détachements allemands atteignent Nantes, Vichy et Lyon.

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