Première guerre mondiale. Histoire du 79e RI. Année 1915
Avertissement :
Comme beaucoup de compte-rendus des combats, celui-ci ne s’interroge pas sur la pertinence des choix stratégiques des généraux des deux camps.
Je cite la présentation du livre de Pierre Miquel : Le gâchis des généraux.1
Quatre millions de morts, allemands et français, durant la guerre de 14-18.
Une Europe dévastée, deux nations exsangues. qui est responsable de ces tueries, de ces massacres ? mettre en cause l'aveuglement et l'incompétence des généraux fut longtemps hors de question. c'était mettre en doute l'honneur et la crédibilité de l'armée, la légitimité même de la république. quand la voix de clémenceau s'élevait, on criait à la trahison. en 1914, Gamelin2 ordonne l'offensive 250 000 morts en deux mois.
Nivelle n'encourt aucune sanction après l'échec du chemin des dames... s'appuyant sur des archives et des témoignages inédits, Pierre Miquel analyse l'engrenage effrayant de l'obstination des gouvernements, des stupidités stratégiques et de l'inévitable boucherie, dans un ouvrage saisissant qui nous fait comprendre le mécanisme de l'horreur en uniforme.
LE 7-9 EN 1915
(allocution du général Hogard1)
L'année dernière, à l’occasion du cinquantenaire de 1914 on a beaucoup parlé dans la presse des débuts de la grande guerre, rappelé les premiers combats, magnifié le courage des soldats en pantalon rouge. Moi- même, j'avais pensé au pied de ce monument vous parler de notre bataille de Deuxville. Ceux d'entre vous qui étaient présents se souviennent sans doute de l'obligation dans laquelle nous nous sommes trouvés, en raison d'une pluie diluvienne et ininterrompue, d'écourter le programme prévu. Ce que je voulais vous dire, vous l'avez trouvé dans le bulletin du Clocheton... du moins ceux qui le lisent.
Aujourd’hui, en ce 5 septembre 1965, il me semble que ce que nous pouvons faire de mieux, c'est d'évoquer nos combats de 1915, il y a cinquante ans, et de penser à tous ceux qui ont été tués ou blessés plus ou moins grièvement au cours de cette année
Mil neuf cent quinze, c'est essentiellement, pour le 79e :
a) la bataille de Neuville-Saint-Waast2, en mai,
b) les attaques de Champagne3, à la butte du Mesnil, en septembre.
Au début de l'année, depuis déjà de longs mois, le régiment se trouvait en Belgique. Il avait passé là un hiver pénible, sous un ciel sombre, dans un climat pluvieux, sur un sol qui était un véritable marais où l'on s'enlisait, où creuser une tranchée était impossible, où les seuls abris un peu solides étaient les caves dans les fermes et villages détruits. Langemarck - Saint-Julien - Poelcapelle - Boesinghe - Le Bois-Triangulaire4, autant de lieux que les hommes qui ont vécu cette période n'ont certainement pas oubliés.
Ils vont les quitter en avril, certainement sans regret. Pour aller où ?
On sait très vite que le régiment, après un bon repos, doit prendre .part à l'offensive de la IXe Armée qui est envisagée dans la région d'Arras.
4 https://fr.wikipedia.org/wiki/Front_de_l%27Yser
Après l’offensive allemande de 1914, les troupes françaises, britanniques et belges ne contrôlent plus qu’une faible partie de territoire belge, protégée par l’Yser et des zones inondées volontairement.
A) LA BATAILLE DE NEUVILLE-SAINT WAAST1
Dès les premiers jours de mai, il entre en secteur. Celui-ci est très différent de ceux connus en Belgique Il traverse la route de Béthune à Arras, large et bordée d'arbres touffus. Le terrain crayeux, la végétation printanière font oublier la boue belge. Devant sol on peut voir la « maison blanche ››, fortin allemand construit sur la crête.
Tout de suite, on se met au travail : les corvées creusent des boyaux dans la craie, amènent des matériaux, les bombes destinées aux Crapouillots2, ces mortiers nouveaux que l'on n'avait encore jamais vus. Et puis on change d’uniforme. L'armée au pantalon rouge devient rapidement l'armée Bleu-Horizon. C'est dans cette tenue que, le 9 mai, le régiment attaque.
Au petit jour, on a pris les positions de départ : le 1er bataillon est vers « La Targette » avec, comme objectif, la maison blanche fortement organisée. Le 2e bataillon est à sa droite, le 3e en seconde ligne.
La préparation d'artillerie commence à 6 heures.. Elle est intense. Cependant, vers 9 heures, l'infanterie ennemie déclenche des feux : au 2e bataillon, le commandant de Vissec, les capitaines Metzinger et Delmas s'en rendent bien compte et en discutent : l'ennemi n'est certainement pas encore incapable de réagir. Chacun émet une opinion, suivant son caractère, I'un optimiste, l'autre plus réservé. Cependant, tout le monde a bon moral.
A 10 heures, l'attaque part, traverse la grand-route. La canonnade est violente de part et d'autre, mais le barrage allemand ne s'est heureusement déclenché qu'après le franchissement de la route et la progression continue. La « Maison Blanche » est dépassée, ses occupants surpris par l'attaque n'ont pas réagi au passage de la première vague mais la lutte est dure.
Au 2e bataillon la mêlée est furieuse : le sous-lieutenant Boissier tombe ainsi qu'un capitaine du génie qui accompagne volontairement les fantassins. Le lieutenant Hégy a été tué dès le départ. ll en est de même pour les adjudants Monnier et Viot. Le lieutenant Béranger est blessé au 1er bataillon, le commandant Claudot est tué avec quelques hommes de sa liaison par des mitrailleurs qui s'étaient camouflés lors de leur passage et qui sont d'ailleurs vite anéantis. L'avance continue malgré tout vers Neuville-Saint-Waast. Un groupe du 8e d'artillerie arrive au galop, prend position au remblai de la route, reprend ses tirs à la grande satisfaction des combattants.
Cependant le régiment va bientôt s’arrêter devant le moulin de Théius. Les pertes se font lourdes : à la 7° Cie, 3 des chefs de section sont tués, le 4e blessé. D'autre part le 26e R.l., qui est à droite du 79e, est stoppé devant les organisations défensives connues sous le nom de « Labyrinthe », à gauche, le 1er bataillon (capitaine Mangès) est à la même hauteur que le 2e mais n'a pu faire mieux.
Entre temps le 3e bataillon (commandant Salles) jusqu’ici en réserve avait reçu l'ordre d'appuyer les unités de première ligne ; sa progression est rapidement stoppée par un violent tir de mitrailleuses provenant de la « Maison Blanche ›› dont les occupants, revenus de leur surprise, réagissent vigoureusement.
C'est alors que la 11e compagnie (capitaine Digoit) est chargée de neutraliser cette résistance et de s'emparer de l'ouvrage. A l'appel de son chef, la compagnie s'est lancée à l'assaut, les première, deuxième et troisième sections subissent de lourdes pertes ; c'est enfin la quatrième section, com- mandée par l’intrépide sergent-major Marcel Picot3, qui parvient à annihiler cette résistance et oblige les défenseurs de la « Maison Blanche ››, organisée comme un blockhaus, à se rendre. Poursuivant sa progression, la section parvient au Chemin Creux où elle s'organise sur place, en liaison avec les unités du 2° bataillon parvenues au cimetière de Neuville-Saint-Waast.
Malgré cette tentative du 3° bataillon qui avait tenté de dépasser le 2e, l'attaque est arrêtée à 14 heures .On s’installe alors dans les tranchées allemandes conquises. En plus des pertes déjà signalées, le commandant de Vissec, commandant le 2e bataillon, est blessé grièvement ; on ne pourra l’évacuer qu'à la nuit, vers 20 heures, et il ne survivra pas. Le capitaine Metzinger est tué lui aussi. La relève des nombreux blessés est relativement facile malgré les gros obus qui tombent un peu partout.
Le commandant Faure prend le commandement du 2e bataillon. il s'installe au cimetière de Neuville-Saint-Waast dans le caveau qui restera célèbre sous le nom de « Caveau de la Vieille Fille. »
Ainsi, malgré le très net succès remporté par le 79e, l'attaque est stoppée, faute de pouvoir être nourrie à temps par des renforts suffisants. Les Allemands vont pouvoir se reprendre.
Et en effet, dès le lendemain midi, le bombardement de nos positions commence. Le chemin creux, le boyau de la Vistule sont intenables : le boyau de l'Elbe est écrasé par les minens4. L'ennemi tâte nos unités un peu partout et le soir de la Pentecôte, à six heures, le grand jeu se déclenche. Plusieurs vagues ennemies sont brisées devant le moulin. Certaines n'ont été arrêtées que très près, à bout portant. Le château de Neuville est en feu. Naturellement, de nouvelles pertes sont venues s'ajouter aux précédentes.
Alors, pendant 15 jours, les bombardements ne cesseront pas. Le 11 mai, un régiment de renfort, le 224e R.I., tente une nouvelle attaque dans le secteur du 79e. Il échoue. Il en est de même pour des tentatives faites par la 6e compagnie le 16 mai (mort du lieutenant Fabre), par les 2e, 4e, 6e et 7e compagnies le 20 mai. Mais les attaques ennemies échouent aussi. Jusqu'au 26 mai, il n'y aura guère d'heures calmes. Les pertes augmentent encore. Les hommes sont exténués. Mais ils tiennent bon, sans se plaindre.
C'est le 26 mai que le régiment sera relevé. il se reposera quelques jours dans la région lzel-le-Hameau - Hermaville - Haute-Avesne, remontera en ligne pour 3 semaines, puis quittera le secteur pour prendre en Lorraine, vers Lupcourt, un repos bien gagné.
Il avait, par son courage, sa ténacité, l'élan dont il avait fait preuve, mérité une citation à l'ordre du 20e Corps, décerné par le général Balfourier5.
« Le 79e Régiment d’infanterie, sous le commandement du lieutenant-colonel Pétin, a enlevé à l'ennemi, d'un élan magnifique plus de deux kilomètres de terrain en pénétrant dans une position fortifiée malgré des feux de flanc meurtriers : s'y est maintenu pendant quinze jours en continuant à progresser sous de très vifs bombardements et a rejeté, en infligeant à l’ennemi de lourdes pertes, une violente attaque dirigée sur son front et sur ses flancs par des forces très supérieures en nombre. ››
4Minenwerfer : https://fr.wikipedia.org/wiki/Minenwerfer
LA BUTTE DU MESNIL1 - Septembre 1915
Après s'être reformé sur la terre lorraine, le régiment fut bientôt appelé à prendre part à l'offensive montée en Champagne. Amené dans la région de Valmy, il prit sa place en secteur et le 25 septembre participa à l’attaque générale. Malgré le terrain difficile, malgré la pluie qui tombait ce jour-là, il partit à l’attaque avec entrain. Certains éléments parvinrent à la crête de la Butte, la dépassèrent et pénétrèrent loin chez l'ennemi. Quelques-uns s'enfoncèrent jusqu'au chemin de fer de Ripont, si ma mémoire ne me trompe pas il y avait parmi eux mon ami le lieutenant Grand.
Mais les contre pentes étaient creusées d'abris, voire même d'un véritable tunnel, à l'abri des coups de l'artillerie.
Les Allemands en sortirent intacts, contre-attaquèrent dans le dos des unités qui les avaient dépassés. Dès lors, dissociées, mal appuyées par l'artillerie, celles-ci furent détruites et disparurent sauf quelques grades et hommes qui réussirent à regagner le ravin des cuisines. Parmi ceux qui né revinrent jamais figurait le commandant Bouffin, du 2° bataillon.
Ce fut alors pendant trois mois, jusqu'au 15 décembre la vie héroïque et pénible de secteur, les coups de main, la lutte dans les boyaux, les corvées dans l’eau, le ravitaillement pénible, les boutéons arrivant froids et pleins de craie, les bombardements incessants, les gaz lacrymogènes et les obus de 150 du ravin de Marson où on allait chercher la soupe, les corvées de matériel par le boyau des Walkyries, le froid et l'eau toute puissante, découvrant les cadavres enterrés dans les parois des tranchées. Enfin la relève et le repos au sud de Vitry-le-François puis en Lorraine.
L'année 1915 était finie. Elle avait été tout au long dure, pénible, pleine de travaux, de fatigues. Le froid. les pluies, l'eau des tranchées avaient entraîné bien des souffrances. Les dures batailles d'Artois et de Champagne avaient causé de lourdes pertes : de nombreux officiers, sous-officiers et soldats avaient disparu, remplacés par de nouveaux promus, par des renforts.
Mais le régiment avait traversé cette période en gardant intacte sa solidité, sa cohésion profonde : cadres et hommes soudés dans une estime, un dévouement, une confiance réciproque par les sacrifices communs, toujours guidés par le cher colonel Pétin, devenus de vieux briscards pleins d'expérience, formaient une magnifique unité de combat, à laquelle, le commandant pouvait tout demander.
Il est juste qu'aujourd'hui, cinquante ans après, notre pensée amicale, admirative, aille à tous nos camarades, qui participèrent à ces événements et spécialement à ceux qui dorment leur dernier sommeil dans les cimetières d'Artois et de Champagne, voire à même la terre où poussent maintenant les blés dorés et les betteraves, ayant donné leur vie, simplement, sans ostentation, en braves gens qu'ils étaient, pour que la France ne soit pas asservie.
Comme l'a écrit Roland Dorgelès2, l'auteur des « Croix de Bois » : « il ne faut pas les oublier. Dire seulement leur nom, c'est les défendre, c'est les sauver. Camarades de régiments, quand vous vous retrouvez, parlez des morts, parlez-en librement, sans tristesse, comme s'ils étaient encore vivants, et qu'on dût le soir, arrivant au repos, retrouver leur sourire à l'entrée de la grange. Ils ne mourront pas, tant que nous les aimerons. Beaucoup n'ont pas de tombes, qu'ils aient au moins nos cœurs. »
Il me reste encore, avant de terminer, un devoir à accomplir : celui de rendre hommage à nos camarades plus jeunes du 79e R.l.F. L'année 1965 marque le 25ème anniversaire des combats qu'i|s livrèrent avec honneur en Alsace et dans la région de Luxeuil en 1940.
Comme le 79e RI, le 79e RIF a eu ses morts glorieux.
C’est à eux tous que va notre pensée, en ce jour du souvenir.
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79ème régiment d'infanterie 1915
IV. OFFENSIVE D'ARTOIS (fin avril mi-juillet 1915) Lieutenant-Colonel PÉTIN Première offensive environ 200 8 mitrailleuses Période d'organisation- Le 79 ème organise un secteur d'attaque devant...
http://francois.munier2.free.fr/79RI/guerre19141918/1915.htm
Il me reste encore, avant de terminer, un devoir à accomplir : celui de rendre hommage à nos camarades plus jeunes du 79e R.l.F. L'année 1965 marque le 25ème anniversaire des combats qu'i|s livrèrent avec honneur en Alsace et dans la région de Luxeuil en 1940.
Comme le 79e RI, le 79e RIF a eu ses morts glorieux.
C’est à eux tous que va notre pensée, en ce jour du souvenir.
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Histoire du 79ème RI et du 79e RIF - Le blog de François MUNIER
Je me suis intéressé à ce régiment parce que mon beau-père, Albert Contal (1910-1999), fut membre puis président de l'amicale régimentaire, et qu'il nous avait laissé des documents. Histoir...
https://francoismunier.name/2024/12/histoire-du-79eme-ri-et-du-79e-rif.html
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