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Le blog de François MUNIER

Juin 1940. Des combats à front renversé près de Luxeuil (5/6)

18 Décembre 2024 , Rédigé par François MUNIER Publié dans #Histoire du 79ème RI, #Franche-Comté, #Guerre 1939-1945, #Histoire, #Haute-Saône, #Histoire et témoignages, #Bourgogne-Franche-Comté

Souvenirs d'Albert Contal, publiés dans le bulletin de 1966 du Clocheton.

Carte allemande 1900. La base aérienne n'existe pas encore.

Carte allemande 1900. La base aérienne n'existe pas encore.

1940

COMBATS de SAINT-SAUVEUR

A nos anciens de 14-18, je livre ces quelques souvenirs. Ils ne constituent rien d'autre que le témoignage des conditions d'un combat sans espoir. Quittant la ligne Maginot le 14 juin, une partie du 3° Bataillon du 79e R.l.F. que commandait le capitaine Bonnet arrive à Luxeuil le 17 juin. Le lieutenant Lamoureux commande la 3° C.E.F. Il me dit d’aller prendre position avec ma section de mortiers de 81 au nord du terrain d'aviation, près de Saint-Sauveur. Je place mes groupes dans deux carrières attenantes. Mon observatoire sera le balcon d'une maison située à une cinquantaine de mètres, séparée de la carrière Est par une route. Ne disposant d'aucun moyen de transmission, j'établirai un relais pour commander au geste et à la voix.

Vers 18 heures, le colonel Réthoré et le capitaine Bonnet viennent me voir. Je leur indique les positions de mes groupes, mon observatoire et demande des renseignements sur l'ennemi et les liaisons à assurer. Renseignements : on ne connaît rien de précis sur l'ennemi. Cependant, le capitaine Bonnet me demande de préparer des tirs en direction de la vallée de la Lanterne et sur la partie de la voie ferrée qui borde le terrain d'aviation à l'est. Le colonel me promet le téléphone, de mon observatoire aux pièces. pour le lendemain. Liaisons : A côté de nous, deux pièces de 75 du 69° R.A. (batterie du capitaine Reycassens). A droite et à gauche : rien. Derrière nous, le lieutenant Fix, avec ses 25, tient le carrefour au centre de Saint-Sauveur et commande le point d'appui. Un peu plus tard, je reçois un groupe de F.V. envoyé par le colonel. En raison de notre isolement, je le tiens en réserve afin de le porter vers le point menacé. Le soir, j’établis un tour de garde et nous nous couchons dans les abris des aviateurs, creusés dans les parois de la carrière. Je fixe le réveil à 4 heures, car j'ai l'intuition que le lendemain, au petit jour, il y aura du nouveau. Vers 21 heures, je suis éveillé aux cris de « alerte ››. Un lieutenant d'artillerie est là qui me rapporte que ses sentinelles aperçoivent des hommes sur la partie sud du terrain. ll s'agissait du sergent Guériniger qui avait pris l'initiative d'une patrouille. Rassuré, le lieutenant me demande alors si nous avons mangé. Sur ma réponse négative, il fait distribuer des conserves à mes hommes et m'invite. Je rencontre alors le capitaine Reycassens qui me dit n'avoir, comme moi, aucun renseignement sur l'ennemi. Je lui communique mon impression de la bataille proche qui me fait placer tout le monde aux emplacements de combat dès 4 h 30. Il décide de faire de même.

A 4 heures, le 18 juin, je fais un tour sur le terrain. A 4 h 45, une colonne composée de chars et de camions arrive sur la route de Baudoncourt et s'arrête devant des abattis qui obstruent la route, à quelques centaines de mètres. Nous ne savons encore ce que c'est, mais après quelques secondes, nous sommes fixés. Toutes les pièces tirent sur nos positions et les premières maisons du village.

Aussitôt, la pièce de 75 placée dans un hangar, à 50 mètres à l'est de la route Saint-Sauveur - Baudoncourt, entre en action. Elle détruit les premiers blindés. Mes mortiers tirent sur des camions restés en arrière et l'un d'eux flambe. Les autres font demi-tour. J'observe par le balcon situé au premier étage de la maison. Les Allemands canonnent immédiatement le château d'eau placé en bordure de la carrière, au sud, ainsi que la maison isolée où je me trouve. Le château d'eau est touché en plein. Heureusement, personne n'est en haut. Le premier obus qui atteint la maison perce le mur à un mètre à ma droite. Il éclate dans la pièce voisine démolissant la cloison. Je suis couvert de morceaux et de poussière de briques mais n'ai qu'une blessure superficielle à la jambe droite, je descends à la cave et le tir cessant sur la maison, je remonte au bout de quelques minutes. Le lieutenant d’artillerie vient alors avec moi. A ce moment, le tir reprend sur la maison et sur nos positions. Le lieutenant est blessé à la figure par un petit éclat qui lui ouvre une grande partie de la lèvre supérieure. Je n'avais rien.

Malheureusement, la pièce de 75 qui bat la route, repérée, est atteinte de plein fouet.

Une accalmie survenant, je vais voir mes hommes. Personne n'est blessé. Un seul a eu la capote arrachée à l'épaule.

Vers 8 heures, l'ennemi a allongé son tir. Fix vient alors me voir, en dépit des obus qui éclatent encore de temps à autre au-dessus des carrières. Je lui donne un court compte rendu destiné au lieutenant Lamoureux.

Pour surveiller les mouvements ennemis, je retourne dans la maison et observe de l'intérieur du 1er étage détruit. Un sous-lieutenant d'artillerie était venu remplacer le lieutenant blessé. C'est alors qu'un char Renault, d'un modèle ancien, venu nous appuyer est rapidement hors de combat.

Un peu plus tard, je remarque au sud du terrain, avançant vers nous, deux chars ennemis ainsi que de l'infanterie progressant par bonds. Le second 75 placé à une vingtaine de mètres de l’observatoire et resté intact tire ainsi que mon F.M. et l'ennemi n'insiste pas. A 11 h 30, j’aperçois une fusée lancée du village. N'ayant pas le code des signaux, je fais rester tout le monde en place. A midi 30, Fix vient me prévenir lui-même de l'ordre de repli. Nous abandonnons sacs et cantines pour emporter matériel et munitions à dos. Je laisse le F.M. avec le sergent-chef Guislain pour nous couvrir. Le groupe nous rejoignit 10 minutes après au carrefour de Saint-Sauveur que Fix a ordre de tenir encore.

Mes mortiers ne peuvent plus me servir à l'intérieur du village. Je place le F.M. dans une maison, m'arme d'un mousqueton car les Allemands nous ayant tourné par notre droite, sont dans la partie nord du village, coupant la route de Luxeuil. Avec quelques hommes, j'avance, rasant les murs, mais nous ne pouvons parcourir plus de 50 mètres, les Allemands interdisant le passage à l'endroit où la rue décrivait une légère courbe. Le sergent Stoss du premier bataillon, le soldat Gangloff pénètrent dans les maisons en passant par des jardins. ils tirent par les fenêtres et surprennent l'ennemi. Stoss abat cinq Allemands. N'ayant plus de cartouches, il .descend dans la rue pour chercher le fusil d'un mort, afin de continuer la lutte. Guéringer tire, agenouillé sur le trottoir, je suis couché de l'autre côté. Quand je n'ai plus de cartouches, il m'en lance une poignée. Je vois toujours basculer le premier soldat vert que j'abattis. Il ajustait Guéringer à 40 m, mais je fus plus rapide que lui. Les obus éclatent sur les toits et les tuiles voltigent un peu partout.

Le conducteur Denis qui avait récupéré un cheval de la maison démolie où étaient nos voiturettes fut blessé à la tête mais put se relever. Le soldat Paquet, d'une pièce de 25, reçut un éclat d'obus dans le ventre. Le soldat Schlichter, le casque entaillé par une balle au-dessus de l'oreille, n'avait aucune blessure.

Grâce à l'appui de quelques chars qui étaient venus nous prêter main forte, nous étions à peu près tranquilles vers 15 heures. Fix pouvait alors faire replier tout le monde sur Faucogney, grâce à ses chenillettes et quelques camions d'artillerie.

Le lendemain 19, vers 13 h 30, un side-car allemand apparaissait sur la route de Mélisey1.

A.C. - 79° R.l.F. - 3° C.E.F.

110 km au sud de Faucogney

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