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Le blog de François MUNIER

Ligne Maginot 1939-1940. Michel Potevin

28 Décembre 2024 , Rédigé par François MUNIER Publié dans #Histoire, #Histoire du 79ème RI, #Guerre 1939-1945

Bulletin 1969 du Clocheton :

Hommage à Monseigneur Michel POTEVIN

C'est avec une douloureuse surprise que nous avons appris le décès, survenu à Paris le 1er novembre, de notre excellent camarade, Monseigneur Michel Potevin, Pronotaire Apostolique1, Vice-Doyen du Chapitre Métropolitain de Notre-Dame, de Paris, Vicaire Général Honoraire de Paris, Directeur Honoraire de l'Aumônerie de la Marine2.

A ses titres ecclésiastiques, il convient d'ajouter ses titres militaires : capitaine de réserve (ancien commandant de la C.M3. 10 du 79e R.I.F.) Chevalier de la Légion d'Honneur, Croix de Guerre 1939-45.

Ses obsèques ont été célébrées le mardi 5 novembre 1968 en la basilique métropolitaine de Notre-Dame de Paris. Son Eminence le Cardinal Feltin, ancien archevêque de Paris, les membres du Chapitre et une nombreuse assistance y participaient aux côtés des membres de sa famille.

C'est par la presse écrite que le président Germain eut connaissance du décès du capitaine Potevin. Le capitaine Mellottée et lui-même porteur du drapeau de notre section parisienne, assistèrent aux obsèques, rendirent au nom des Anciens des 79e R.l. et 79e R.l.F. les derniers honneurs militaires à notre camarade et présentèrent à sa famille les condoléances du président et des membres du Clocheton.

Notre sympathique et très serviable camarade souffrait depuis de nombreuses années de troubles cardiaques ; mais son dévouement au diocèse de Paris ne le prédisposait guère à se ménager; il se dépensa souvent au-delà de ses forces, supportant son mal et ses peines personnelles avec un grand courage. A son retour de vacances, fin août, son état de santé devait s'aggraver rapidement et nécessita le 22 octobre son admission à Notre-Dame-du- Bon-Secours où il est décédé le jour de la Toussaint.

Et pourtant... un grand nombre de ses anciens compagnons d'armes comptaient bien le revoir comme en 1967, au rendez-vous d'automne de notre section parisienne du Clocheton, le 24 novembre 1968 au Palais de la Mutualité. Lui-même ayant fait connaître, longtemps à l'avance sa joie de participer à cette réunion, organisée en l’honneur du 50e anniversaire de l'Armistice du 11 novembre 1918.

Il a plu à Dieu, de rappeler à Lui, son dévoué serviteur, trois semaines auparavant.

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Chanoine à l’archevêché de Paris, le lieutenant de réserve Potevin, rejoignit à la mobilisation de septembre 1939 le 79e R.l.F. auquel il était affecté comme chef de section à la C.M. 10, fonction qu'il avait tenue au cours des alertes de 1938 et 1939.

Pendant les premiers mois de la campagne il commanda successivement un P.A.1 dans le sous-quartier de Hohwiller, puis à partir du 25 septembre un P.A. dans le bois de Hoffen. Très vite il s'adapta à l'existence dans ce bois et dès que son abri P.C. de section fut construit il s'y installa, assurant bénévolement le service de permanence de nuit, permettant ainsi à d'autres chefs de section de venir coucher souvent au P.C. de la compagnie, installé dans un petit moulin isolé à la corne S.O. du bois de «Hoffen : l'Eckenmühl.

Tous les matins, le lieutenant Potevin, célébrait la messe dans son abri.

Promu capitaine au début de 1940, il fut affecté au commandement de sa compagnie, la C.M. 10 et vint s'installer à l'Eckenmühl, en face duquel, adossé à la contre-pente sud du bois était situé un hangar où venaient se regrouper pour y passer la nuit, les gradés et les soldats qui ne montaient pas la garde, prêts à rejoindre leurs emplacements de combat en cas d'alerte.

Le capitaine Potevin prit l'initiative de transformer chaque dimanche matin, ce hangar en chapelle de campagne du 3° Bataillon et à 9 heures il accueillait aimablement... ses paroissiens, vêtus uniformément de kaki venant des casemates, du bois et du village de Hoffen pour assister à la messe.

Ils étaient très nombreux, car c'était le rendez-vous dominical où chacun quelque soit son grade ou sa fonction, pouvait retrouver des camarades, disséminés ou camouflés toute la semaine dans les P.A. ou les ouvrages du quartier, oubliant pendant une petite heure, les rigueurs de l'existence dans les bois ou, pour les privilégiés, dans des maisons abandonnées depuis le premier jour de la guerre par la population civile et... en louant le Seigneur, sentait moins les morsures du froid de cet hiver particulièrement rigoureux (-28° le 21 janvier 1940).

Comme elle était agréable à entendre et réconfortante, la parole très simplement exprimée, persuasive, bien adaptée à la situation de notre aumônier en chef bénévole (le 3e Bataillon disposait de deux aumôniers titulaires affectés à la section sanitaire comme brancardiers), qui savait mettre l'accent sur la patience nécessaire à chacun pour conserver le moral et la solidarité indispensable à tous afin d'assurer dans les meilleures conditions, la sécurité et la défense de la position.

L'office terminé on assistait alors au traditionnel spectacle de sortie d'église : on s'interpellait, des groupes se formaient devant le moulin et nombreux étaient ceux qui profitaient de ces rendez-vous attendus ou inopinés pour échanger des nouvelles de leurs familles ou sur la vie dans les P.A. et même récolter certains tuyaux de la part de camarades toujours bien renseignés sur ce qui allait se passer dans les jours à venir.

Peu à peu chacun regagnait son P.A., le moulin de l'Eckenmühl retrouvait pour une semaine son calme et sa solitude. C'était la drôle de guerre.

Ligne Maginot 1939-1940. Michel Potevin
Ligne Maginot 1939-1940. Michel Potevin

Le 10 mai 19401 l'ambiance se modifia dangereusement. Quelques jours plus tard la division de renforcement de la position, qui fournissait les effectifs des avant-postes fut retirée et l'occupation des A.P.2 passa à la charge des régiments de forteresse. Fin mai le capitaine Potevin prit à son tour le commandement des A.P. (3e Bataillon) en avant du bois de Hoffen, dont le PC était situé au PA 7. Les tirs de harcèlement de l'artillerie ennemie devinrent de plus en plus fréquents et prolongés sur les A.P. et parfois sur le bois de Hoffen, aguerrissant les défenseurs.

Le 13 juin à midi le colonel diffusa l'ordre de constitution immédiate d'un régiment de marche à deux bataillons, prêt à embarquer sous son commandement dès le lendemain matin pour une destination inconnue. ll ne devait plus rester que le tiers des unités de forteresse pour assurer la défense de la Ligne Maginot !

Le capitaine Potevin fut désigné pour prendre le commandement du Quartier de Hoffen, ne disposant plus pour défendre la P.R. et les A.P., tenus précédemment par le 3e Bataillon, que de sa compagnie la C.M. 10 (Amputée des section de mitrailleuses mais renforcée d’une section de la 3e C.E.F. et des équipages des 3 casemates du bois de Hoffen.

Il allait de façon magistrale affirmer ses qualités de chef en faisant face avec sang-froid, méthode et ténacité à une situation de plus en plus difficile, qui n'aurait pas manqué de déconcerter des âmes moins bien trempées que la sienne.

Il porte tout d’abord son attention et ses efforts sur les avant-postes du bois de Hoffen dont la situation devient très critique dès le 15 juin3 par suite de l'attaque générale lancée par l’ennemi à la pointe du jour sur toute la ligne des A.P. du sous-secteur.

Les PA. 8 et P.A. 9 trop faiblement tenus sont réduits dès le début de l’attaque. Par contre le P.A. 7, le plus important, sous l'énergique impulsion du sous-lieutenant Mayer de la 3° C.E.F., résiste avec succès et un tir de l’artillerie de l'ouvrage de Schoenenbourg en avant du P.A. disperse les assailants. Le capitaine envoie 3 F.M. en renfort au P.A. 7 dont l’effectif se monte alors à 25 hommes et qui réussit dans l'après-midi en enrayer plusieurs autres tentatives d’infiltrations ennemies.

Le lendemain 16 juin, nouvelles attaques ennemies sur les A.P. Le P.A. 7 reçoit à midi un tir de 200 obus ; il résiste vaillamment tout l'après-midi et se replie à 21 heures 30 sur l'ordre du commandant Henry, commandant le sous-secteur.

Le repli du P.A. 7 a rendu nécessaire la constitution à la charnière des A.P. entre le 1er et le 3e Bataillon d'un nouveau P.A., nommé P.A. 5 bis, dont l'effectif est encore fourni par le capitaine Potevin et est commandé par l’aspirant Schmitt. L'occupation a lieu dans la nuit du 16 au 17 juin ; le P.A. s’organise dans la journée et oppose une vive résistance à l'ennemi qui attaque sans succès le 18 juin. Mieux encore le capitaine Potevin donne l'ordre aux éléments du P.A. 5 bis de se porter en avant pour réoccuper le P.A. 5 qui avait dû être évacué précédemment. Grâce à l'appui des armes automatiques des casemates et de l'artillerie de Schoenenbourg, une progression de 300 mètres est réalisée. Une violente réaction des Allemands, appuyée par des mitrailleuses lourdes oblige nos éléments à revenir au P.A. 5 bis.

Dans la nuit du 18 au 19 juin sur l'ordre du commandant du sous-secteur s'effectue le repli de tous les A.P. sur la position de résistance. Le capitaine Potevin va maintenant prendre la direction de la défense du réduit constitué par le bois de Hoffen qui devient l'objet de violents tirs de harcèlement de l'ennemi.

Le 19 juin les cloches et créneaux de la casemate Est du bois de Hoffen sont prises à partie par un tir à obus de rupture dont plusieurs touchent au but, mais les cloches tiennent bon.

Le 20 juin les combats s'intensifient sur tout le front et à 11 heures les « destructions ›› des villages de Leiterswilller et de Hoffen sont mises en œuvre à l'annonce que l'ennemi qui n'a pas réussi à enfoncer la position par des attaques frontales a décidé de l'attaquer à revers, pensant que la résistance sera moins bien organisée pour s'opposer à des éléments qui progressent sur l'axe Soultz - Kuhlendorf - Leiterswiller - Hoffen.

Au début de l'après-midi recrudescence des tirs d'artillerie et vers 16 heures, attaque par Stukas, qui lancent en piquant à basse altitude des bombes de 1.000 à 1.500 kilos, causant des dégâts importants sur toute la position. La casemate Est du bois de Hoffen et la casemate de Hoffen ont leurs câbles téléphoniques coupés. L'abri de Hoffen, P.C. du capitaine Potevin, qui a reçu une grosse bombe à son extrémité Est, a une porte arrachée; une brèche est ouverte à l'étage inférieur, le puits crevé déborde. Laissant sur place le personnel de défense de l'abri, le capitaine transporte son P.C. dans le bois de Hoffen à proximité de la boîte de coupure I/15, où se trouve justement l'abri à l'épreuve qu'il avait fait construire pour les hommes de sa section, étant lieutenant.

En prévision de l'attaque du bois de Hoffen par le Sud, le commandant du sous-secteur a envoyé en renfort une section prélevée sur les éléments du 1er Bataillon, commandée par le sous-lieutenant Rusticoni et qui vient s'installer aux lisières Sud et Sud-Ouest du bois.

Le 21 juin les tirs d'artillerie se poursuivent. Il n'y a plus de liaisons téléphoniques. C'est la radio des casemates qui maintient le contact avec le P.C. du sous-secteur à l'abri du Bucholzerberg. Les éléments ennemis venant du Sud sont parvenus au village de Hoffen et une patrouille envoyée à 22 heures par le capitaine Potevin est prise à parti dès qu'elle a franchi le moulin du Finkenmühl.

Les adversaires sont maintenant très rapprochés. Au cours de la journée du 22 juin, les Allemands poursuivent leurs tirs de harcèlement, sans attaquer. Ils se contentent d'occuper le moulin du Finkenmühl, situé à une centaine de mètres de la corne S.-E. du bois die Hoffen. Mais l'occupation de ce moulin gêne considérablement la liaison avec le P.C. du sous-secteur et aussi le ravitaillement du quartier; c'est pourquoi le capitaine Potevin n'hésite pas à ordonner, le 23 juin à 10 heures un tir de mortiers sur cet objectif. Bientôt le joli « Moulin des Pinsons ››, ancien P.C. du commandant du 3e Bataillon pendant l’hiver est en flammes et l'ennemi l'abandonne.

Des rumeurs d'armistice circulent de part et d'autre, mais jusqu'au dernier moment les Allemands poursuivent leurs tirs de harcèlement. Le 25 juin à 0 heure 15 le commandant du secteur fortifié de Haguenau notifie que le cessez-le-feu entrera en vigueur à 1 heure 30. L'ennemi voudrait bien atteindre le bois de Hoffen avant cette échéance; aussi lance-t-il un dernier coup de main à 0 heure 30 sur la lisière Sud du bois. La tentative est repoussée et à 1 heure 30 c'est la cessation des combats, les troupes françaises restant sur leurs positions.

Ainsi tous les efforts déployés et les puissants moyens mis en œuvre depuis le 15 juin 1940 par l'ennemi, qui s'était fait un point d’honneur d'enfoncer par des attaques de front, puis à revers le secteur fortifié de Hagueneau ont finalement échoué devant la résistance acharnée et le moral élevé des défenseurs de la Ligne Maginot, dont les effectifs avaient été réduits précédemment par le Haut Commandement au plus strict minimum et sans aucune possibilité de soutien par des réserves.

En ce qui concerne le bois de Hoffen, qui constituait le môle de défense le plus important du sous-secteur de Kühlendorf, le magnifique exemple de ténacité, d'esprit de décision et de courage donné par le capitaine Potevin aux officiers, gradés et soldats du 79e R.I.F. placés sous ses ordres avait grandement contribué à galvaniser leur énergie, leur esprit de résistance et de sacrifice.

Les pertes subies, quoique beaucoup moins importantes que celles de l'ennemi, étaient sensibles, mais le capitaine Potevin avait intégralement rempli la mission difficile et de sacrifice qui lui avait été confiée. Les Allemands n'avaient pas réussi à prendre pied dans le réduit du bois de Hoffen que son prédécesseur avait judicieusement dénommé « le C.R. Clemenceau ››.

1Début de la Bataille de France, l’armée allemande envahit le Belgique et le Luxembourg.

3 Le 14, les troupes allemandes étaient entrées dans Paris, déclaré ville ouverte. Cette offensive allemande avait surtout un rôle symbolique, le front français étant enfoncé en de multiples endroits.

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Lorsque nous reviendrons effectuer une promenade-pèlerinage sur la «position tenue et défendue par le 79e R.I.F., nous n'aurons plus la joie d'avoir parmi nous et la satisfaction d'entendre le capitaine Potevin qui était certainement le plus qualifié, pour faire sur place l'historique des combats qui se sont déroulés dans le quartier de Hoffen du 13 au 25 juin 1940.

En revoyant le bois de Hoffen et l'Eckenmühl, nombreux seront ceux qui revivront par la pensée les douloureux épisodes d'un passé déjà bien lointain. Tous se souviendront avec émotion de celui qui fut un soldat et un chef estimé, un excellent camarade en même temps qu'un guide spirituel et un aumônier bienveillant pour les Anciens du 79e R.l.F. pendant la campagne 1939- 1940.

Lieutenant-Colonel L. BONNET.

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