Effectifs des Parlements nationaux : comparaison n’est pas raison.

15 Novembre 2024 , Rédigé par François MUNIER Publié dans #Actualité

Bicentenaire du Sénat des États-Unis

J’ai vu passer cette réflexion qui a l’apparence du bon sens :

« Les États-Unis sont cinq fois plus peuplés que la France, mais il n’y a que 435 députés et 100 sénateurs, alors que nous en avons 577 et 342. Il y a des économies à faire !!! »

Cela peut sembler du bon sens, mais c’est aussi faire fi de l’histoire des États-Unis : C’est un État fédéral, donc une partie de la législation (le travail des parlementaires) est du ressort des États fédérés, par exemple, la législation sur l’IVG. Lors de la rédaction de la constitution, toujours en vigueur depuis l’indépendance, il y eut deux options : chaque État devait-il avoir au parlement fédéral un nombre de délégués proportionnel à sa population¹, ce qui avantageait les États les plus peuplés, ou bien un nombre de délégués fixe, quelle que soit sa population ? Les constituants retinrent une solution mixte : il y aurait deux chambres, l’une, la Chambre des représentants, avec pour chaque État un nombre de représentants proportionnel à sa population, et l’autre, le Sénat, avec deux sénateurs par État². Et deux sénateurs suffisaient alors.

Si on compare la situation de chaque pays (population, nombre de parlementaires), il faut distinguer les États fédéraux des États centralisés ou régionalisés, ces derniers devant a priori avoir un nombre de parlementaires plus élevé, puisque leurs parlements ont des compétences plus étendues.

Dans presque tous les États fédéraux, il existe une « chambre basse », élue au suffrage universel direct, et une « chambre haute », représentant les entités fédérées et dont les membres sont élus au suffrage indirect ou directement nommés par celles-ci, comme par exemple le Bundesrat allemand.

Dans les États centralisés ou régionalisés, il y a une ou deux chambres, la chambre haute, qui a souvent moins de pouvoirs, assurant en général la représentation des collectivités territoriales ou des intérêts particuliers.

J’ai fait une analyse comparative :

- de tous États fédéraux au monde, du plus petit (Saint-Christophe-et-Niévès, 53 821 habitants) au plus grand (Inde, 1,4 milliard d’habitants)

- de tous les États européens, à l’exception des micro-états (Andorre, Monaco).

en comparant le nombre de parlementaires avec la population.

Pour rendre le graphique plus lisible, j’ai adopté une échelle logarithmique pour la population.

En rouge : les États fédéraux

En bleu : les États unitaires ou centralisés

« boite » : la « chambre basse »

« étoile » : la « chambre haute »

rond : la chambre unique.

Sans surprise, le nombre de parlementaires n’est pas proportionnel à la population, même s’il est croissant. On imagine mal le Luxembourg (672 000 habitants et 60 parlementaires) applique le même ratio que le Royaume-Uni (67 millions d’habitants et 650 députés aux Communes).

Ce dernier pays est d’ailleurs celui qui a le plus de parlementaires pour un État centralisé, puisqu’il faut aussi compter les 798 Lords, dont le rôle est limité.

Le pays fédéral le plus « vertueux » est l’Inde, avec 543 et 245 parlementaires pour 1,4 milliard d’habitants. On se demande pourquoi il n’est pas pris en exemple, plutôt que les États-Unis.

Pour les pays d’Europe les plus peuplés, l’Allemagne fédérale et le Royaume-Uni ont un nombre de parlementaires (chambre basse) comparable à la France.

1Les États esclavagistes obtinrent que les esclaves (sans droit de vote évidemment) soient pris en compte pour le calcul de la population, mais cette prise en compte fut pondérée : 60 %

https://laviedesidees.fr/Esclavage-et-constitution

2Aujourd’hui, le Wyoming (584 000 hab.) ou le Vermont (647 000 hab.) ont deux sénateurs, tout comme la Californie (39 M) ou le Texas (31 M).