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Le blog de François MUNIER

A propos du "Déluge universel"

30 Juillet 2024 , Rédigé par François MUNIER Publié dans #Religions, #Histoire

Je me souviens de cette remarque de mon père : « Comment a-t-il fait, le père Noé, pour empêcher, dans l’arche, le lion de manger la chèvre ? »

C’est un bonne question, comme toutes celles qui concernent le Déluge universel, qui, selon les computs bibliques, se serait produit vers 3500 à 2400 BC.

Les critiques des « esprits forts » n’ont pas manqué à propos de ce texte1. Les deux critiques principales sont les suivantes :

- l’existence et la possibilité d’une « déluge universel »

- la possibilité d’embarquement dans un bateau d’un couple de toutes les espèces animales.

Quoi qu’il en soit, cet évènement a inspiré les artistes de nombreux pays, sans oublier la philatélie.

1 Tout le récit de la Création est en contradiction totale avec les conclusions actuelles des scientifiques : astrophysiciens, géologues, paléontologues, etc.., mais c’est un autre sujet.

Timbres israéliens  : différentes scènes du Déluge

Timbres israéliens : différentes scènes du Déluge

Il y a, dans les diverses mythologies, des récits de déluges, avec comme point commun, la volonté de dieux (ou de Dieu), souhaitant un "restart" de l'humanité, après l'avoir punie.

Je me contenterai ici de traiter du déluge biblique et de sa probable origine mésopotamienne. En commençant par citer le récit intégral dans le Livre de la Genèse. Je surligne les passages importants.

Texte biblique (traduction AELF)

Livre 6 de la Genèse

12 Dieu regarda la terre, et voici qu’elle était corrompue car, sur la terre, tout être de chair avait une conduite corrompue.

13 Dieu dit à Noé : « Je l’ai décidé, c’est la fin de tout être de chair ! À cause des hommes, la terre est remplie de violence. Eh bien ! je vais les détruire et la terre avec eux.

14 Fais-toi une arche en bois de cyprès. Tu la diviseras en cellules et tu l’enduiras de bitume à l’intérieur et à l’extérieur.

15 Tu la feras ainsi : trois cents coudées de long, cinquante de large et trente de haut.

16 Tu feras à l’arche un toit à pignon que tu fixeras une coudée au-dessus d’elle. Tu mettras l’entrée de l’arche sur le côté, puis tu lui feras un étage inférieur, un deuxième étage et un troisième.

17 Et voici que moi je fais venir le déluge, les eaux recouvriront la terre ; ainsi je détruirai, sous les cieux, tout être de chair animé d’un souffle de vie. Tout ce qui vit sur la terre expirera.

18 Mais, avec toi, j’établirai mon alliance. Toi, tu entreras dans l’arche et, avec toi, tes fils, ta femme et les femmes de tes fils.

19 De tout ce qui vit, tout ce qui est de chair, tu feras entrer dans l’arche un mâle et une femelle, pour qu’ils restent en vie avec toi.

20 De chaque espèce d’oiseaux, de chaque espèce d’animaux domestiques, de chaque espèce de reptiles du sol, un couple t’accompagnera pour rester en vie.

21 Et toi, procure-toi de quoi manger ; fais-en provision. Ce sera ta nourriture et la leur. »

22 Noé fit ainsi. Tout ce que Dieu lui avait ordonné, il le fit.

 

Chapitre 7

01 Le Seigneur dit à Noé : « Entre dans l’arche, toi et toute ta famille, car j’ai vu qu’au sein de cette génération, devant moi, tu es juste.

02 De tous les animaux purs, tu prendras sept mâles et sept femelles ; des animaux qui ne sont pas purs, tu en prendras deux, un mâle et une femelle ;

03 et de même des oiseaux du ciel, sept mâles et sept femelles, pour que leur race continue à vivre à la surface de la terre.

04 Encore sept jours, en effet, et je vais faire tomber la pluie sur la terre, pendant quarante jours et quarante nuits ; j’effacerai de la surface du sol tous les êtres que j’ai faits. »

05 Noé fit tout ce que le Seigneur lui avait ordonné.

06 Noé avait six cents ans quand eut lieu le déluge, c’est-à-dire les eaux sur la terre.

07 Noé entra dans l’arche avec ses fils, sa femme et les femmes de ses fils, à cause des eaux du déluge.

08 Des animaux purs et des animaux impurs, des oiseaux et de tout ce qui va et vient sur le sol,

09 un couple – un mâle et une femelle – entra dans l’arche avec Noé, comme Dieu l’avait ordonné à Noé.

10 Sept jours plus tard, les eaux du déluge étaient sur la terre.

11 L’an six cent de la vie de Noé, le deuxième mois, le dix-septième jour du mois, ce jour-là, les réservoirs du grand abîme se fendirent ; les vannes des cieux s’ouvrirent.

12 Et la pluie tomba sur la terre pendant quarante jours et quarante nuits.

13 En ce jour même, Noé entra dans l’arche avec ses fils Sem, Cham et Japhet, avec sa femme et les trois femmes de ses fils.

14 Y entrèrent aussi tous les animaux selon leur espèce, tous les bestiaux selon leur espèce, tous les reptiles qui rampent sur la terre selon leur espèce, et tous les oiseaux selon leur espèce, tout ce qui vole, tout ce qui a des ailes.

15 Couple par couple, tous les êtres de chair animés d’un souffle de vie entrèrent dans l’arche avec Noé.

16 Ceux qui entraient, c’était un mâle et une femelle de tous les êtres de chair, comme Dieu l’avait ordonné à Noé. Alors le Seigneur ferma la porte sur Noé.

17 Et ce fut le déluge sur la terre pendant quarante jours. Les eaux grossirent et soulevèrent l’arche qui s’éleva au-dessus de la terre.

18 Les eaux montèrent et grossirent beaucoup sur la terre, et l’arche flottait à la surface des eaux.

19 Les eaux montèrent encore beaucoup, beaucoup sur la terre ; sous tous les cieux, toutes les hautes montagnes furent recouvertes.

20 Les eaux étaient montées de quinze coudées au-dessus des montagnes qu’elles recouvraient.

21 Alors expira tout être de chair, tout ce qui va et vient sur la terre : oiseaux, bestiaux, bêtes sauvages, tout ce qui foisonne sur la terre, et tous les hommes.

22 Parmi tout ce qui existait sur la terre ferme, tout ce qui avait en ses narines un souffle de vie mourut.

23 Ainsi furent effacés de la surface du sol tous les êtres qui s’y trouvaient, non seulement les hommes mais aussi les bestiaux, les bestioles et les oiseaux du ciel ; ils furent effacés de la terre : il ne resta que Noé et ceux qui étaient avec lui dans l’arche.

24 Et les eaux montèrent au-dessus de la terre pendant cent cinquante jours.

 

Saint-Vincent

Saint-Vincent

Livre 8

01 Dieu se souvint de Noé, de toutes les bêtes sauvages et de tous les bestiaux qui étaient avec lui dans l’arche ; il fit passer un souffle sur la terre : les eaux se calmèrent.

02 Les sources de l’abîme et les vannes du ciel se fermèrent, la pluie des cieux s’arrêta.

03 Par un mouvement de flux et de reflux, les eaux se retirèrent de la surface de la terre. Au bout de cent cinquante jours, les eaux avaient baissé

04 et, le dix-septième jour du septième mois, l’arche se posa sur les monts d’Ararat.

05 Les eaux continuèrent à baisser jusqu’au dixième mois ; le premier jour du dixième mois, les sommets des montagnes apparurent.

06 Au bout de quarante jours, Noé ouvrit la fenêtre de l’arche qu’il avait construite,

07 et il lâcha le corbeau ; celui-ci fit des allers et retours, jusqu’à ce que les eaux se soient retirées, laissant la terre à sec.

08 Noé lâcha aussi la colombe pour voir si les eaux avaient baissé à la surface du sol.

09 La colombe ne trouva pas d’endroit où se poser, et elle revint vers l’arche auprès de lui, parce que les eaux étaient sur toute la surface de la terre ; Noé tendit la main, prit la colombe, et la fit rentrer auprès de lui dans l’arche.

10 Il attendit encore sept jours, et lâcha de nouveau la colombe hors de l’arche.

11 Vers le soir, la colombe revint, et voici qu’il y avait dans son bec un rameau d’olivier tout frais ! Noé comprit ainsi que les eaux avaient baissé sur la terre.

12 Il attendit encore sept autres jours et lâcha la colombe, qui, cette fois-ci, ne revint plus vers lui.

13 C’est en l’an six cent un de la vie de Noé, au premier mois, le premier jour du mois, que les eaux s’étaient retirées, laissant la terre à sec. Noé enleva le toit de l’arche, et regarda : et voici que la surface du sol était sèche.

14 Au deuxième mois, le vingt-septième jour du mois, la terre était sèche.

15 Dieu parla à Noé et lui dit :

16 « Sors de l’arche, toi et, avec toi, ta femme, tes fils et les femmes de tes fils.

17 Tous les animaux qui sont avec toi, tous ces êtres de chair, oiseaux, bestiaux, reptiles qui rampent sur la terre, fais-les sortir avec toi ; qu’ils foisonnent sur la terre, qu’ils soient féconds et se multiplient sur la terre. »

18 Noé sortit donc avec ses fils, sa femme et les femmes de ses fils.

19 Tous les animaux, tous les reptiles, tous les oiseaux, tout ce qui va et vient sur la terre, sortirent de l’arche, par familles.

20 Noé bâtit un autel au Seigneur ; il prit, parmi tous les animaux purs et tous les oiseaux purs, des victimes qu’il offrit en holocauste sur l’autel.

21 Le Seigneur respira l’agréable odeur, et il se dit en lui-même : « Jamais plus je ne maudirai le sol à cause de l’homme : le cœur de l’homme est enclin au mal dès sa jeunesse, mais jamais plus je ne frapperai tous les vivants comme je l’ai fait.

22 Tant que la terre durera, semailles et moissons, froidure et chaleur, été et hiver, jour et nuit jamais ne cesseront. »

 

Aujourd'hui situé en Turquie, le mont Ararat est un des symboles de l'Arménie.
Aujourd'hui situé en Turquie, le mont Ararat est un des symboles de l'Arménie.

Aujourd'hui situé en Turquie, le mont Ararat est un des symboles de l'Arménie.

Armoiries de l 'Arménie. Au centre, le mont Ararat et l'arche

Armoiries de l 'Arménie. Au centre, le mont Ararat et l'arche

Première question :

Est-il possible que des pluies incessantes fassent monter le niveau des océans, et de combien ?

La réponse est non.

Quantité d'eau dans l'atmosphère : 18.1012 tonnes, soit le même nombre de m³. La surface de la terre est de 510 millions de km², soit 510.10⁶ km² ou 510.1012 m².

Si toute l’eau du ciel, visible (les nuages) ou invisible, se condensait (pluie), elle recouvrirait la terre avec une épaisseur de 18/510 m, soit 0,035 m, ou 3,5 cm.

Si on ajoute aussi la fonte de toutes les glaces continentales, on estime la montée des eaux à quelques dizaines de mètres,  100 au maximum.

Nota : la fonte des banquises de mer ne fait pas monter le niveau des océans. Si vous n'êtes pas convaincus, faites fondre des glaçons dans un verre d'eau et observez.

Deuxième question :

Taille de l’arche :

Si on admet qu’une coudée correspond à 50 cm, il s’agir d’une grosse barge des 150 m x 25 m, avec trois ponts. La surface de « stockage » est donc au maximum 150 x 25 x 3 = 11 250 m², soit un peu plus qu’un terrain de football.

Troisième question  :

Nombre d'animaux embarqués.

Le texte parle de deux ou sept animaux par espèce selon les paragraphes, ce qui renforce la thèse d’un texte assemblé à partir de documents préexistants, sans relecture pour supprimer les contradictions.

Le nombre d’espèces animales présentes sur Terre est estimé à plusieurs millions, et beaucoup ne seraient pas encore identifiées. Il y aurait 70 000 espèces de vertébrés, dont 30 000 terrestres. Le texte biblique est muet sur les végétaux, qui normalement ne survivent pas à une immersion de plusieurs semaines. C’est donc beaucoup plus que les couples d’éléphants, de girafe, etc.. représentés sur les illustrations diverses et cela ne peut pas tenir dans dans l’arche. sans compter les problèmes de cohabitation et d’approvisionnement.

Quatrième question

Durée de la navigation.

Elle dure environ un an. Un éléphant a besoin de 100 kg d'herbe par jour.

Donc tout ceci est invraisemblable, même s’il est possible que l’humanité ait gardé la mémoire de très grandes inondations ou catastrophes hydriques, mais pas comparables au Déluge biblique.

L’Église catholique a maintenant l’intelligence de présenter le texte de la Genèse comme ayant un sens moral, mais pas comme un récit scientifique. Il y eut dans la catéchisme l’expression « poème des origines ».

D’autres confessions religieuses sont crispées sur le sens littéral, comme les témoins de Jéhovah, mais ils ne sont pas les seuls. Et ça décoiffe !!

Selon les Témoins de Jéhovah (j’ai surligné ce qui me semble important)

Le déluge a-​t-​il vraiment été universel ?

Le déluge s’est produit il y a plus de 4 000 ans. Il serait donc difficile de trouver un témoin oculaire pour nous en parler. Cela dit, il existe un compte rendu écrit de ce cataclysme qui affirme que les eaux ont recouvert jusqu’à la plus haute montagne de l’époque.

On lit dans ce document historique : “ Le déluge eut lieu sur la terre pendant quarante jours. [...] Et les eaux submergèrent la terre à ce point que toutes les grandes montagnes qui étaient sous tous les cieux furent recouvertes. De quinze coudées au-dessus [environ 6,50 m] les eaux les submergèrent et les montagnes furent recouvertes. ” — Genèse 7:17-20.

Certains se demanderont sans doute si l’idée que la terre entière a été complètement recouverte d’eau n’est pas un mythe ou, tout au moins, une exagération. Or, il n’en est rien. Car, à bien y regarder, la terre est aujourd’hui encore inondée. La mer ne couvre-​t-​elle pas 71 % de la surface du globe ? Donc, en réalité, les eaux du déluge sont toujours là. En outre, si les glaciers et les glaces des pôles venaient à fondre, le niveau de la mer s’élèverait au point que des villes comme New York ou Tokyo se trouveraient englouties.

Des géologues qui ont étudié le paysage du nord-ouest des États-Unis estiment qu’au moins une centaine d’inondations catastrophiques ont jadis balayé la région. Lors d’une de ces inondations, un mur d’eau d’une hauteur de 600 mètres (2 000 kilomètres cubes d’eau, soit 2 000 milliards de tonnes) aurait parcouru les terres à la vitesse de 105 kilomètres à l’heure. Des observations du même ordre ont amené d’autres scientifiques à croire qu’un déluge universel est une hypothèse plausible.

Remarques épistémologiques :

Compte rendu écrit : toutes les définitions et exemples que j’ai trouvés considèrent le compte rendu d’un événement comme contemporain de cet évènement ou rédigé par une personne qui y a assisté. Une expression comme « M. X a rédigé le 15 juillet 2024 un compte-rendu du Conseil d’administration de la SA Y qui s’est tenu le 13 novembre 1903 » semblerait complètement incongru, M. X n’étant pas né en 1903. Selon la tradition biblique, le Livre de la Genèse a été écrit par Moïse, mille ans après le Déluge.

Les eaux du Déluge sont encore là : Si elles sont dans les océans actuels, la seule explication au fait qu’elles aient pu recouvrir les plus hautes montagnes est que les océans étaient vides à ce moment !!

Des géologues : bien sûr, il vaut mieux ne pas donner de noms, ne pas prendre le risque que des fidèles cherchent à en savoir plus, notamment sur l’ampleur et la date de ces inondations catastrophiques. Elles sont bien réelles, par exemple la vidange brutale du lac de Missoula, 11 500 ans avant Jésus-Christ, bien avant la date de la création du monde selon les Témoins de Jéhovah !

Quant aux autres scientifiques, j’aimerais connaître leurs noms.

Mais d’où vient cette légende ?

Épopée de Gilgamesh

En 1867, des archéologues traduisent une tablette cunéiforme mésopotamienne et découvrent un récit analogue au récit biblique :

Dans une île, au-delà des eaux de la Mort, vit d’une vie éternelle Outa-Napishtim que les dieux ont sauvé du déluge. Il raconte cette aventure au héros Gilgamesh qui est parti en quête de l’immortalité

Dans la vieille ville de Shurrupak, au bord de l’Euphrate, habitaient les dieux : Anu, le maître du ciel, le guerrier Enlil, le sage Ea... En ce temps-là, les hommes n’existaient pas. Les dieux devaient accomplir tous les travaux pénibles : dépierrer les champs, nettoyer les rigoles, creuser les canaux... et ils n’aimaient pas du tout ça !

Au bout de trois mille six cents ans, ils en eurent assez et affrontèrent Ellil, le possesseur de la tablette où est inscrit le sort des dieux. Ellil convoqua l’assemblée de grands dieux pour entendre les griefs des mécontents. Tous décidèrent de créer une race de mortels pour effectuer le travail à leur place.

Belet-ili, la déesse-mère, prit quatorze poignées d’argile. Elle plaça sept poignées à droite, sept poignées à gauche ; au milieu, elle posa une brique. Ea, à genoux sur une natte, ouvrit le nombril des figurines et, des deux groupes, sept produisirent des femmes et sept produisirent des hommes. La déesse qui crée les destins les compléta par paire et Belet-ili dessina les formes humaines. Tout se passa si bien que six cents ans plus tard la population des hommes devint trop nombreuse et surtout trop bruyante.

La terre alors était riche, les hommes se multipliaient et le monde mugissait comme un taureau sauvage si bien que la rumeur réveilla les dieux. Enlil, indisposé par un tel tumulte alla se plaindre aux grands dieux : l’humanité l’empêchait de dormir. Alors, pour se débarrasser des hommes, Ellil leur envoya trois fléaux successifs : la peste, la sécheresse et la famine. Au bout de six années, les hommes en furent réduits à dévorer leurs filles. Ils ne purent plus effectuer les travaux pour lesquels ils avaient été créés. Ellil décida alors, malgré la volonté des autres dieux, d’envoyer un Déluge afin d’anéantir ce qui restait de l’humanité.

Mais Ea, le seigneur de l’eau sous la terre, source de toutes les connaissances magiques, m’avertit en songe. Il m’ordonna de construire un bateau et me prévint que le déluge durerait sept jours. Sur ses conseils, je démolis ma maison de roseaux et construisis un bateau couvert où je rassemblai la semence de tous les êtres vivants. Les enfants apportèrent la poix pour le calfatage, les charpentiers préparèrent la quille et le bordage. Je construisis sept ponts superposés, divisés par des cloisons. On rangea les provisions dans les cales.

Chaque jour, je tuai des boeufs et des moutons, et pour les travailleurs je fis couler à flots le vin rouge, le vin blanc et le vin nouveau. Je me parfumai la tête ; c’était la fête, comme au temps de l’année nouvelle. Au septième jour la construction du bateau était terminée.

Je portai dans le bateau tout l’or et l’argent que je possédais, je fis monter toute ma famille et mes parents, toutes les bêtes domestiques et les animaux de la plaine. Je fis monter aussi tous les artisans. Shamash, le dieu-soleil, m’avait fixé le moment précis et m’avait dit : " Lorsque le soir qui tient les tempêtes fera tomber la pluie du malheur, entre dans ton bateau et ferme la porte ! "

Le jour venu, je regardai le ciel. Il était sombre et terrifiant. J’entrai alors dans le bateau et je fermai la porte. Aux premières lueurs de l’aurore, un nuage noir monta des profondeurs du ciel, au-dessus de l’horizon lointain. A l’intérieur du nuage, le dieu Adad, dieu des orages et de la pluie, tonnait et devant lui marchaient ses messagers. Le déluge mugissait comme un taureau furieux, les vents hurlaient comme les braiments d’un âne. Le soleil avait disparu, les ténèbres étaient totales. Certains dieux, eux-mêmes terrifiés, fuyaient, rampant le long des murs comme des chiens.

Les nuages s’avançaient en menaçant à travers les montagnes et les plaines. Nergal, le dieu de la peste et de la guerre, arracha les piliers du monde. Ninourta, le dieu chasseur et guerrier, fit éclater les barrages du ciel. Les dieux du monde d’en bas, les dieux Anounnaki, enflammèrent la terre tout entière. Les tonnerres du dieu Adad montèrent au plus haut des cieux et transformèrent toute la lumière en ténèbres opaques. La terre immense se brisa comme une jarre. Les tempêtes du sud se déchaînèrent un jour entier. Les flots couvrirent même le sommet des montagnes. Tous les hommes furent massacrés.

Les tempêtes du Déluge soufflèrent pendant six jours et sept nuits. Le septième jour, l’armée des vents du sud qui avait tout massacré sur son passage, s’apaisa enfin. La mer se calma. La clameur du déluge se tut.

Je regardais le ciel. Un grand silence régnait sur le monde. Je vis que les hommes étaient redevenus de l’argile. Les eaux lisses formaient un toit sur la terre invisible. J’ouvris une petite fenêtre. La lumière inonda mon visage. Je tombai à genou et me mis à pleurer. Au loin, vers l’horizon, j’aperçus une bande de terre. Le bateau accosta au pied du mont Niçir. Je restai là pendant six jours entiers.

Lorsqu’arriva le septième jour, je lâchai une colombe. Elle prit son envol et, comme elle ne trouva où se poser, elle revint au bateau. Je lâchai une hirondelle. Elle prit son envol et, comme elle ne trouva où se poser, elle revint au bateau. Puis je lâchai un corbeau. L’oiseau prit son envol. Il vit que les eaux s’étaient retirées. Il trouva de la nourriture, se posa sur la terre et ne revint plus. Alors je lâchai aux quatre vents tout ce que le bateau avait sauvé des eaux du Déluge puis j’offris un sacrifice aux dieux.

La première version connue ce cette épopée est sumérienne et est datée de vers 2000 avant notre ère, soit bien avant la rédaction du Livre de la Genèse, que l’on prenne la date biblique de la rédaction par Moïse ou celle plus probable de la fixation du texte par le scribe Esdras.

Quelle a été l’influence de cette épopée sur le texte biblique ?

Concernant les liens entre les récits du Déluge de la Genèse et celui de la tablette XI de l’Épopée, ou plus largement des versions mésopotamiennes du Déluge (puisque le récit de l'Épopée de Gilgamesh repose manifestement sur celui de l'Atrahasis et est un ajout tardif), on serait en présence d'un motif mythologique qui semble partagé entre plusieurs civilisations du Moyen-Orient antique, mais dans ce cas les similitudes entre les textes sembleraient bien plaider en faveur d'une influence directe ou indirecte de récits mésopotamiens, mais pas forcément celui de l’Épopée, sur ceux de la Bible. Il a par ailleurs été proposé qu'il y ait une influence littéraire du passage de l’Épopée relatant le combat entre Gilgamesh et Enkidu sur un autre passage de la Genèse, celui du combat de Jacob. Des ressemblances entre des passages de l’Épopée et de l'Ecclésiaste (notamment le discours de Shiduri dans la version paléo-babylonienne et Eccl. 9, 7-9) ont également fait supposer à certains une influence directe de la première sur le second.

Il est possible que les rédacteurs de l'Épopée aient eu le souvenir d'inondations géantes suite à des crues du Tigre et de l'Euphrate. Certaines ont laissé des traces.

L'épopée de Gilgamesh, chantée en arabe par Abed Azrié

L'épopée de Gilgamesh, chantée en arabe par Abed Azrié

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