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Le blog de François MUNIER

La Caucasie russe. Élisée Reclus (3)

26 Août 2011 , Rédigé par François MUNIER Publié dans #Arménie

Cependant ce ne sont pas ces districts méridionaux, à flore presque tropicale, qui sont les plus habités. La population caucasienne, sans être nulle part aussi dense qu'elle l'est en France et dans les pays voisins, se presse surtout dans les plaines de la Mingrélie, dont le climat et la végétation ressemblent le plus à ceux de l'Europe occidentale : en deux districts de celle plaine, la population est de plus de 40 habitants par kilomètre carré et, par une remarquable coïncidence, c'est précisément là où les Mingréliens se pressent le plus les uns contre les autres qu'ils sont le plus à leur aise et contribuent dans la plus forte proportion, par la vente de l'excédent de leurs denrées, à l'enrichissement du pays : c'est là aussi que les paysans ont su le mieux se protéger contre l'invasion des marchands arméniens, qui font si chèrement payer leurs services d'intermédiaires1. Après les districts mingréliens de Koutaïs et de Senaki, les régions les plus populeuses de la Caucasie, placées comme par une sorte de symétrie à l'autre extrémité et sur l'autre versant de la chaîne du Caucase, doivent leur prospérité au jardinage et à la culture des plantes européennes. Là d'ailleurs le sol est mieux divisé et, dans certains districts, chacun en a sa part. Le magal ou fédération des clans du Dargo assure à chacun de ses membres la possession d'un terrain de culture.

La chasse proprement dite, la cueillette dans les forets ne peuvent plus avoir d'importance depuis que le pays est peuplé dans presque toute la région des plaines et que les pentes des montagnes ont été en grande partie déboisées; mais la pêche, on le sait, est très productive dans la mer d'Azov, dans le Pont-Euxin et surtout dans la Caspienne.

 

 

 

 

Les limans d'Akhtari et de Yeïsk, les eaux de la Kouban, les parages de Poti et de Batoum, le bas Terek, surtout la Koura et le golfe de Kizil Agatch, où se répandent ses flots jaunâtres, sont riches en vie animale et contribuent pour une part notable à l'alimentation des habitants du Caucase, et même à l'exportation vers la Russie et la Perse.

Encore dans l'enfance pour la grande culture, malgré la richesse naturelle de leur territoire, les populations caucasiennes n'ont guère que les anciennes industries traditionnelles, à l'exception de celles qui ont rapport aux travaux des mines. Ainsi les puits de naphte de Bakou, les mines de cuivre de Kedabek et les alunières de Sagłik, près de Yelizavetpol, de même que l'usine à fer de Tchasach, dans la vallée de Bolnis, à quatre-vingts kilomètres au sud-ouest de Tiflis, possèdent l'outillage compliqué que demande la science moderne2; mais à côté des puissantes machines se voient encore des outils datant de l'âge de pierre3. Cet état de choses durera nécessairement, tant que les pays caucasiens ne seront pas rattachés à l'Europe, à la Russie et aux pays de l'Asie antérieure par des voies faciles, tant qu'ils resteront séparés les uns des autres par des steppes ou des montagnes sans chemins. Les deux moitiés de la Caucasie n'ont chacune qu'un chemin de fer; la Ciscaucasie est rattachée au réseau de la Russie et de l'Europe par la ligne de Rostov à Vładikavkaz; la Transcaucasie a relié sa capitale au rivage de la mer Noire par une voie ferrée mais les deux versants du Caucase ne sont encore unis l'un à l'autre que par la route militaire de la Géorgie, passant au-dessous des glaciers de Kazbek, et par celle du col de Mamisson ; à l'est le Caucase est contourné par la route de Derbent à Bakou; bientôt il le sera, à l'ouest, par la route du littoral d'Abkhazie. Les grandes lignes ferrées qui doivent rejoindre Vładikavkaz à Tiflis, Yelizavetgrad à Petrovsk et à Bakou, Groznaya à Saratov par Astrakhan, Batoum à Rostov, ne sont point commencées. On vient seulement d'entreprendre le chemin de fer de Tiflis à Bakou, qui complètera la jonction des deux mers, l'Euxin et la Caspienne, et qui fera de Bakou, vers laquelle convergeront aussi les voies ferrées de la Ciscaucasie, du Kakhet, de l'Arménie, l'un des principaux entrepôts de l'Orient4. Depuis vingt années, on parle de la construction d'une grande ligne internationale entre l'Europe et les Indes, qui suivrait la rive occidentale de la Caspienne par Bakou et s'élèverait par Lenkoran et Recht sur le plateau de l'Iran; mais la réalisation de ce projet semble être fort éloignée. Sur les frontières du sud et de l'ouest, c'est toujours par de mauvais sentiers qu'il faut aborder les plateaux de la Perse et de l'Arménie turque, au sud et à l'ouest des possessions russes ; seulement une route militaire, construite non pour le transport des marchandises, mais pour celui des canons, unit Kars à Erzeroum et continue la route de Tiflis à Alexandrapol et à Kars par les plateaux de l'Arménie. Une branche de cette route descend au sud vers Erivan et la frontière persane à Djoulfa.

 

1 Méounarguia, Notes manuscrites.

2 Moteurs à eau des mines en 1876. 174 chevaux-vapeur.

                   vapeur                                      91 » »

  Total                                                          265 chevaux-vapeur.

3 Production métallurgique de la Caucasie en 1876

Argent 327 kilogr.                        Alun 130 tonnes.

Plomb... 123 000 kilogr.              Sel 24 530 tonnes

Cuivre 1 143 000 kilogr.             Houille 5218 tonnes

4 Fabritius, Russische Revue, 1876, n° 11.

N° 62. DENSITÉ DE LA POPULATION DU CAUCASE EN 1815, PAR KILOMETRE CARRÉ. C. Perron

N° 62. DENSITÉ DE LA POPULATION DU CAUCASE EN 1815, PAR KILOMETRE CARRÉ. C. Perron

N. 63. — ROUTES DU CAUCASE. Chemins de fer.  Chemin de fer en construction. Routes carrossables.  1 : 7 680 000

N. 63. — ROUTES DU CAUCASE. Chemins de fer. Chemin de fer en construction. Routes carrossables. 1 : 7 680 000

84. — PROFIL DE LA ROUTE TRANSVERSALE DE LA CAUCASIE, DE VLADIKAVKAZ A DJOULFA. L'échelle des hauteurs est cinquante fois plus grande que celle des longueurs.

84. — PROFIL DE LA ROUTE TRANSVERSALE DE LA CAUCASIE, DE VLADIKAVKAZ A DJOULFA. L'échelle des hauteurs est cinquante fois plus grande que celle des longueurs.

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