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Le blog de François MUNIER

L'Arménie occidentale. Élisée Reclus (1)

3 Septembre 2011 , Rédigé par François MUNIER Publié dans #Arménie

 

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ARMÉNIE

II

LAZISTAN, ARMÉNIE ET KOURDISTAN

LITTORAL DU PONT, BASSINS DU LAC DE VAN ET DU HAUT EUPHRATE.

Si les limites politiques actuelles de la Turquie d'Asie ne coïncident point avec des frontières naturelles; du moins la borne angulaire qui sépare les trois domaines du tsar de Russie, du chah de Perse et du sultan des Osmanli est-elle des mieux choisies : le massif de l'Ararat. La délimitation des trois empires se trouve sur le col ouvert entre le grand cône et le cône inférieur. A partir de ce point, la frontière politique de la Turquie suit jusqu'à 150 kilomètres à l'ouest la ligne du partage des eaux, entre les bassins de l'Araxe et de l'Euphrate. C'est là, tous le comprennent, une limite provisoire. Parmi les explorateurs qui ont parcouru la contrée dans tous les sens, , les Russes ne sont pas les moins nombreux, mais leurs cartes et leurs plans sont destinés pour la plupart aux études stratégiques de l'état-major, et si l'on en juge par les souvenirs des guerres antérieures, c'est par de nouvelles annexions que se termineront les conflits. L'Elbourz peut répéter au Tandourek, au Bingöl-dagh, au mont Argée ce qu'il disait jadis au Kazbek dans les vers de Lermontov : « Tremble, je vois là-bas, vers le septentrion brumeux, quelque chose qui ne présage rien de bon ! De l'Oural au Danube les armées s'ébranlent ; les batteries aux flancs cuivrés s'avancent avec un bruit sinistre, et les mèches fumantes se préparent pour les batailles ! »

A l'ouest du mont Ararat, une chaîne, hérissée de cônes volcaniques, d'une faible élévation relative au-dessus de la crête, limite de son mur abrupt les campagnes verdoyantes du bassin d'Etchmiadzin. Quelques sommets, le Tchinghil, le Perli-dagh, d'autres encore, dépassent la hauteur de 3000 mètres, soit environ 1500 mètres au-dessus de la plaine; mais en se prolongeant en sinuosités dans la direction de l'ouest, puis du sud-ouest, la chaîne s'abaisse graduellement, en même temps que s'élève à sa base septentrionale la vallée de l'Araxe. Vers la région des sources, elle se redresse et forme, avec d'autres chaînes convergentes, le Bingöl-dagh ou « Mont aux mille Lacs » (3752 mètres), dont les neiges d'hiver et de printemps alimentent les eaux ruisselant de toutes parts : à l'orient l'Araxe, au nord et au sud les , deux branches maîtresses de l'Euphrate, Kara sou et Mourad, reçoivent tous ces torrents. Au delà du nœud du Bingöl, la région montagneuse, dont la crête principale kilomètres et est parallèle au littoral de la mer Noire, se continue vers l'ouest à 250 kilomètres et, s'abaissant de croupe en croupe, livre enfin passage à la rivière de l'Eau noire ou Kara sou, qui se recourbe brusquement vers le sud-est pour rejoindre l'autre branche de l'Euphrate.

Une arête élevée, qui se profile dans la direction du nord, rattache le massif du Bingöl-dagh aux montagnes d'Erzeroum et forme à l'orient du cirque où se rassemblent les premières eaux du Kara sou un faite de séparation sinueux et coupé de brèches nombreuses : c'est là que passe la grande route stratégique d'Erzeroum à Kars.

Le Palandöken, qui s'élève directement au sud d'Erzeroum, est la plus haute cime (5145 mètres) du vaste cercle qui entoure le bassin; mais, plus à l'ouest, le chaînon latéral du Yerli-dagh, que contourne le premier grand méandre du Kara sou, porte quelques sommets ayant une altitude encore plus considérable. Au nord du bassin d'Erzeroum, un autre massif très élevé, le Ghiaour-dagh ou « mont des Infidèles », forme un nœud comparable au Bingöl comme centre de rayonnement des eaux; le torrent de Tortoum-sou qui va rejoindre le Tchorouk, tributaire de la mer Noire, descend de ses pentes septentrionales, puis, gonflé de plusieurs autres ruisseaux, plonge en une cascade admirable, l'une des « plus belles de l'Ancien Monde », et s'engouffre en de profonds défilés entre des parois de laves hautes de 300 mètres1 ; au sud-est, des torrents appartiennent au versant Caspien par l'Araxe et la Koura; enfin au sud, sur les pentes du Doumli-dagh, contrefort du mont des Infidèles, jaillit, à 2570 mètres d'altitude, la fontaine mère de l'Euphrate, affluent du golfe Persique.

 Presque toutes les grandes sources se forment dans des galeries de montagnes calcaires ; celle-ci naît dans les porphyres et les trachytes2. L'eau froide, presque glaciale qui sort de la vasque du rocher, est célèbre dans les légendes arméniennes; c'est à l'endroit même d'où. s'élance l'abondante source qu'aurait été enfouie la « vraie croix » avant d'être transportée à Constantinople : au moment où le bois fut retiré du sol, apparut la veine d'eau pure ; dans la prairie environnante jaillissent vingt autres fontaines ajoutant leurs filets au ruisseau principal. Les Turcs eux-mêmes vénèrent la source de l'Euphrate et disent que son eau lave les péchés ordinaires, mais tue ceux que poursuit la colère d'Allah3. Unie à d'autres torrents, dont l'un égale l'Euphrate en volume liquide, l'eau sainte descend dans le bassin d'Erzeroum, où s'étalent au printemps, lors de la fonte des neiges, les vastes marais de Sazlik; la plaine, couverte de joncs, est peuplée d'oies, de canards sauvages et autres oiseaux aquatiques; en sortant de ces marécages, l'eau sombre de l'Euphrate, coulant avec lenteur dans un lit vaseux, mérite bien le nom de Kara sou que lui ont donné les Turcs. Il est très probable que les marais de Sazlik sont le reste d'un lac qui emplissait autrefois tout le bassin d'Erzeroum; néanmoins Radde n'a pu, malgré de longues recherches, y trouver aucune espèce de coquillages lacustres4 : les débris végétaux, qui ont formé dans la plaine une épaisse couche d'humus, et les couches de cendres volcaniques rejetées des volcans ont recouvert l'ancien lit des eaux.

1Hamilton, Researches in Asia Minor.

2Moritz Wagner, Reise nach dem Ararat und dem Hochlande Armenien.

3Strecker, Zeitschrift der Gesellschaft für Erdkunde, vol. IV.

4Izv'estiya Kavkazskavo Otd'ela, tome V, 1878.

N° 48. — ITINÉRAIRES DES PRINCIPAUX EXPLORATEURS DE L'ARMÉNIE.

N° 48. — ITINÉRAIRES DES PRINCIPAUX EXPLORATEURS DE L'ARMÉNIE.

N°49. - BlNGÖL-DAGH.

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