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Le blog de François MUNIER

Souvenirs de guerre de Georges Lucot (3/). Du 21 au 26 août 1914.

28 Janvier 2025 , Rédigé par François MUNIER Publié dans #Histoire, #Histoire du 79ème RI, #Histoire et témoignages

Souvenirs de guerre de Georges Lucot (3/). Du 21 au 26 août 1914.

Vendredi 21 août

Nous nous attendions à rester toute une journée ici pour nous remettre de nos fatigues et manger un peu, car depuis trois jours nous avons épuisé nos vivres de réserve et nos estomacs crient famine. A 9 heures, en route pour Arracourt, Athienville et nous nous installons au coin du bois au nord de Serres. Nous touchons enfin nos vivres. On commence la cuisine et il faut manger avant que cela soit parfaitement cuit, car on repart de suite.

On traverse la ferme de Sainte-Libaire, Courbesseaux où se trouve le 153e puis Haraucourt. On nous avait dit devoir cantonner ici, aussi. tout le monde est atterré quand on traverse le village sans s’arrêter. On est encore plus fatigués qu'hier et pourtant il faut encore continuer car nous allons cantonner à Varangéville. Arrivés à 11 heures on fait un bifteck et on se couche.

Samedi 22 août :

Enfin on peut se ravitailler. On trouve ici à peu près tout ce qu'il faut et on en profite. Hier soir on nous avait annoncé 24 heures de repos. mais a 9 h, un ordre arrive, il faut partir de suite. Tout le monde est éparpillé dans le village et c'est pénible à rassembler.

Nous traversons Dombasle, nous allons inspecter à la lisière du bois à 1 km sud-ouest de Hudiviller. Je suis chef d'un petit poste dans le bois; nous avons pris nos dispositions pour y passer la nuit, quand à 8 heures nous arrive l'ordre d'aller cantonner à Hudiviller. Cela fait plaisir car on espère faire enfin une bonne nuit, quoiqu'installés en cantonnement d’alerte.

Dimanche 23 août :

A minuit, c'est-à-dire après deux heures et demie de sommeil, le cri « debout » retentit. Le bataillon se rassemble et nous partons par Rosières-aux-Salines. Arrêt d'une heure. L'artillerie nous suit, puis le génie tait sauter les ponts sur la Meurthe. Nous continuons et arrivons à Coyviller où nous nous installons en cantonnement.

Le commandant rassemble le bataillon et nous explique la situation. La bataille engagée de Morhange à Dieuze a eu deux phases. La première sur notre front et à gauche était à notre avantage, car c’était le 20e Corps et la 11e Division en particulier, qui était engagé, La deuxième, à droite, a été presque une déroute. Nous avons été forcés d'intervenir et manquer une victoire qui eut été certaine le lendemain avec des troupes comme celles de l'Est.

Aussi nous croyons tous que le plan aujourd'hui change depuis cette aventure, est de s'asseoir le mieux possible sur la rive gauche de le Meurthe et de la rendre infranchissable et surtout sur la défensive, bien protégés par notre artillerie qui en toutes circonstances s'est montrée d'une supériorité écrasante sur l'artillerie allemande, car chez eux, malgré une canonnade des plus nourries du matin jusqu'au soir, nous n'avons essuyé que des pertes insignifiantes. Et pas une pièce endommagée, alors que nos petits canons de 75 détruisent les leurs en quelques coups bien portés.

Il est dit que nous ne resterons pas longtemps dans le mème cantonnement, à 7 h, nous partons nous installer comme avant-postes dans une ferme à 2 km.

Nous sommes là deux compagnies et c'est ma section qui doit fournir deux petits postes en avant. Je commande l'un d’eux. Le lieutenant est venu nous installer en bas d'un coteau, auprès d'un petit ruisseau. Nous arrivons là tout trempés d'avoir traversé un grand champ de trèfle et une sorte de marécage. Il faut dormir, ou mieux, veiller dans un champ de chaume et ce fut aussi une des nuits les moins bonnes que j'aie déjà passées en guerre. Nous sommes complètement gelés et il faut remuer pour ne pas s'engourdir.

Heureusement que dès le jour, je porte mon poste en arrière de la crête et nous faisons un bon feu et du café. La canonnade ne cesse pas depuis trois jours et d'après les renseignements recueillis, les Allemands subiraient de grosses pertes, alors que nous, c'est à peine si chaque jour amène trois ou quatre blessés.

Lundi 24 août :

Ce fut une vraie journée de repos, couché dans un champ de trèfle sous un soleil radieux. Cependant la canonnade ne cesse pas, surtout de notre côté, car les Allemands ne répondent guère. Le soir vers six heures, nous rentrons à la ferme du Nouveau-Lieu1 où nous passons une très bonne nuit après un repas succulent avec lapin, poulet, etc.

Mardi 25 août :

Nous quittons la ferme vers 7 heures car nous reprenons l’offensive. Tout le monde est remis de la terrible et fatigante retraite. Notre artillerie qui se surpasse depuis deux jours a détruit en partie l'artillerie allemande et causé dans les rangs de son infanterie de terribles ravages.

Une belle ruse à signaler :

Tous les ponts sur la Meurthe avaient sauté grâce à notre génie. Les Allemands avaient rétabli un passage et deux compagnies étaient déjà sur la rive gauche quand quelques obus bien placés vinrent détruire le pont et anéantir les deux compagnies avec l'aide des hussards.

Notre marche est lente mais sûre, nous traversons Rosières-aux-Salines dans l'après-midi et les paysans nous assurent que les Allemands ont eu de huit à dix mille hommes hors de combat. Ils se retirent progressivement et nous avançons sous la protection de notre artillerie. Nous passons la nuit dans le bois.

Bulletin de 1976

Mercredi 26 août :

Vers 4 heures, nous quittons notre emplacement à l'est d'Anthelupt, nous traversons une plaine balayée par les shrapnells allemands mais pas un de nous n'est touché. Nous attendons à l'abri jusqu'au crépuscule où nous recevons l'ordre du général d'aller passer la nuit en cantonnement d'alerte à Deuxville. Sur tout le parcours, une odeur nauséabonde nous incommode et l'on aperçoit, ou mieux on devine, les hommes et les chevaux morts.

Nous arrivons au village à peine une heure après le départ des Allemands. Les paysans sont tous cachés dans les caves mais ils ont été réquisitionnés pour transporter les nombreux blessés allemands dans le courant de la journée.

1Au sud-est de Rosières-aux-Salines

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