Histoire de la Lorraine. Présentation de la Lorraine féodale par Michel (1822)
Au début de son dictionnaire des communes de la Meurthe, Michel publie un abrégé des l'histoire de la Lorraine avec la liste de ses ducs, que je reproduis ici. J'ai ajouté des illustrations : Wikipedia, Gallica, photos personnelles.
J'ai respecté l'orthographe autant que possible. J'ai toutefois adopté des règles actuelles d'écriture des nombres, en remplaçant par exemple 123,456 par 123 456.
Les notes hors-texte sont de moi.
LES Lorrains , comme plusieurs autres peuples, ignorent, dit Durival , l’histoire de leurs premiers ancêtres: Henriquez le redit l’année suivante, et l’abbé Bexon fut leur écho deux ans après. Importe-t-il beaucoup à leur félicité qu'ils connaissent dix siècles de ténèbres et de barbarie, qui remplissent les pages muettes et sanglantes de l’antique histoire de nos pères ?
1°. Les Gaules conquises par les Romains ;
2°. Les Gaules envahies par les Francs;
3°. La formation des royaumes d’Austrasie et de Lorraine.
Là, des plages arides, d’une solitude affreuse, habitées par un peuple demi-sauvage, mais fier et libre, luttant en vain contre le génie de Rome qu'un siècle de gloire admire, mais que l'humanité déteste;
Ici, des irruptions de barbares, menaçant sans cesse nos contrées, s’y fixant enfin, après une succession non interrompue de combats, de crimes et de malheurs ;
Plus près de nous, se forme un royaume tantôt réuni à la couronne de France .et tantôt s’érigeant en monarchie particulière; assemblage monstrueux de fureur et de troubles, d'attentats et de forfaits, de vertu et d'impiété; et, pour ne lever le voile qu’à demi, jetez les .yeux dans ces derniers siècles de terreur, sur les vertus privées d'Arnauld, de Sigibert, sur les crimes atroces de Frédégonde, de Brunehaut, et voyez le caractère national s'effacer dans une avilissante servitude; (1). Souillez donc vos pages de tant de scènes d'horreur, et allez consulter « des ombres qui ne répondent que par des pleurs ou des gémissemens » (2).
(1) Quelques historien; peignent Brunehaut comme un monstre, et d'autres comme un modelé de vertu.
(2) Voilà l’histoire des dix premiers siècles :la Lorraine, qui faisait partie de la Gaule Belgique, passa sous la domination des Romains avant notre ère chrétienne, et sous celle des Francs en 481. Franc voulait. dire fier et libre. Ce peuple est inconnu de toute l’antiquité.
- Le christianisme s’établit dans les Gaules vers le milieu du 3°. siècle : « La religion parut, dit Bexon, elle apportait la paix ; elle annonçait le salut. du ciel et déjà le donnait à la terre. Elle éclairait le sage, elle réjouissait le juste, elle consolait le pauvre, elle modérait. le prince... Elle adoucit les hommes, elle calma les fureurs, elle rendit des vertus, elle apporta des consolations à l’esclavage pour adoucir ses maux, et des ordres au maître de les alléger... Elle a dit ce mot sublime : ils sont frères quel est le cœur que ce nom ne rende pas sensible! Tous nous habitons sous ce ciel bienfaisant; une même terre nom a nourrit; elle-même bientôt va nous recevoir tous dans son sein : un même âge nous a vus naître et nous hâte vers la mort : mêmes besoins, mêmes douleurs, mêmes faiblesses marquent nos jours; nous avons tous versé des larmes !
Dans le 5e siècle, sous l’antique royaume d’Austrasie, la nature avait marqué les limites de la Lorraine, sa plus belle province, sur 7 degrés en latitude et 5 en longitude, entre l'Escaut, la Meuse, le cours de la Saône à l’occident, le Rhône au midi, le Rhin à l’orient et la Mer au nord.
Dans le 9e siècle, divisée en Basse et Haute-Lorraine ou Mosellane, elle fut démembrée de l’Alsace, de l’archevêché de Trêves, du Luxembourg, du Barrois en deçà de la Meuse et des cours du Rhône et de la Saône (1).
Et dans le 11e siècle, sous le règne de son premier duc, cette province était déjà resserrée; comme sous Stanislas, entre l’Alsace, le Luxembourg, la Champagne, le Barrois et la Bourgogne. Elle était naturellement divisée en Lorraine-Propre, Lorraine-Allemande et Vosges : la Lorraine- Propre avait les Vosges à l’orient et au midi, la Meuse et le Toulois à l’occident, et le pays Messin au nord ; la Lorraine-Allemande touchait la Basse-Alsace et le duché de Deux-Ponts à l’orient, le Palatinat et l’archevêché de Trêves au nord, et le pays Messin au midi et à l’occident ; et les Vosges s'étendaient entre la Haute-Alsace et la Comté au midi et à l’orient, et entre la Lorraine-Propre et le Barrois au nord et à l’occident.
C'est dans le 10e siècle que se forma, en Lorraine cette multitude de petits états élevés par la faiblesse et la division de la France et de l'Allemagne: telle fut l’origine de l’indépendance des premiers ducs de Lorraine; des comtes de Bar, de Lunéville, de Blâmont, de Sarrebourg, etc.; tel fut le principe de la puissance des évêques de Metz, de Toul, de Verdun et de leurs villes épiscopales, qui se gouvernaient comme villes libres, relevant de l’empire, et de là ces forteresses, dont aucun pays n'offre autant de vestiges.
(1) Dans ce siècle parut, pour la première fois, le nom de Lorraine, du nom de Lothaire, souverain d'Austrasie, arrière petit-fils de Charlemagne
Le Barrois formait depuis le 10e siècle, une province particulière; il était gouverné par des comtes ou ducs, lorsqu'il fut réuni à la Lorraine, en 1431, sous René d’Anjou, roi de Sicile, qui hérite du duché par Isabelle, sa femme, fille de Charles II.
La province du Barrois à l’occident de la Lorraine, se divisait en Barrois-Mouvant et en Barrois—non-Mouvant : le premier sous le ressort du parlement de Paris, et le second sous le ressort de la Cour souveraine de Lorraine.
Quant aux terres de Vaudémont, enclavées dans la partie méridionale de la Lorraine-Propre, elles furent, dès l’année 1071, érigées en Comté, en faveur de Gérard, frère de Thierri, et réunies au duché de Lorraine sous René II, fils de Ferri de Vaudémont, appelé à la couronne en 1473, à la mort de Nicolas d’Anjou (1).
(1) Sous nos derniers ducs, la Lorraine et le Barrois étaient gouvernés par les ordonnances du souverain, par la jurisprudence des tribunaux supérieurs et par différentes coutumes. On appelait coutume la loi qui réglait les droits des habitans pour lesquels elle avait été établie: elle tirait son origine et des lois introduites par les Romains, et des usages que les Gaulois suivaient lors du l’invasion de ces peuples : la conquête; du Francs ne les abolirent point. Quant à la différence que l'on remarque entre ces coutumes, elle porte sur quelque diversité que les produits de la terre et les rapport; avec les peuplades voisines mettaient entre elles. On doit à la révolution la suppression de cette multitude de règles différentes, et le bienfait de les avoir remplacées par un code de lois uniforme pour tout le royaume.
Les Trois-Evêchés avaient leur siége respectif à Metz, Toul et Verdun: les évêques étaient suffragans1 de l’électeur de Trêves2.
Cet évêché était situé entre la Lorraine et le Barrois. Metz, sa capitale, fut bâtie, suivant la tradition, 1182 ans avant la naissance de J. C., et sa cathédrale, des plus vastes et des plus renommées par ses antiquités, dans le 11e siècle (1). Le diocèse était divisé en quatre archidiaconés, qui comprenaient 683 paroisses; et de la juridiction du temporel ressortissaient 517 villages. On donnait à l’évêque la qualité de prince du St.-Empire. Il est à remarquer que nos premiers ducs de Lorraine avaient le titre de comtes de Metz, dignité qui s'éteignit en 1220, à la mort de Thiébaut Ier . A la vérité, leur autorité n'y était pas très étendue : ces princes y avaient moins un domaine qu’un droit de primauté et d’honneur. Depuis, s’accrut considérablement l’autorité de la noblesse et des échevins de cette ville.
(1) Sa longueur dans œuvre est de 125 mètres; elle a sous voûte 45 mètres de hauteur; et la nef 23 mètres de largeur, compris les côtés latéraux : on y admire une cuve ovale de porphyre de 3 mètres 54 centimètres de long sur 1 mètre 34 centimètres de haut, qui sert de fonds baptismaux; et la cloche, que l'on nomme Mutte, remarquable par son poids, qu’on évalue de 14 à 15 000 kilogrammes.
Cet évêché confinait au midi les duchés de Lorraine et de Bar ; Toul, l’une des plus anciennes villes du royaume, était sa capitale. Le diocèse, divisé en six archidiaconés, renfermait 1 700 paroisses : la juridiction du temporel s’étendait sur 85 villages. L'évêque prenait le titre de comte de Toul et de Prince du St.-Empire.
Cet évêché était partie situé au nord du Barrois, et partie enclavé dans le duché de Lorraine. Verdun, sa capitale, date des premiers siècles de notre ère. Cet évêché se composait de 400 paroisses pour le spirituel, et de 179 villages pour le temporel. L’évêque, comme celui de Toul, prenait la qualité de comte de Verdun et de prince du St.-Empire.