Histoire de la Meurthe-et-Moselle par Adolphe Joanne (2/4). De Charlemagne à René II
Par le traité de Verdun (843), la Meuse devint frontière de la France, et les terres de la rive droite furent attribuées à l’empereur Lothaire; son fils, Lothaire II, premier roi de Lorraine (855-869), donna son nom au pays. Il se tint alors au palais royal de Savonnières, à deux kilomètres de Toul, une grande assemblée politique et religieuse.
Les souverains carlovingiens1 de France et d’Allemagne se disputèrent longtemps la possession de la Lorraine, qui perdit le titre de royaume2. Toul fut prise et pillée, en 954, par les Hongrois, et, en 957, par les soldats de Lothaire; Scarponne, un instant relevée, eut le même sort.
1 Carolingiens
2 Otton Ier le Grand, fonde le 9 février 962 le Saint-Empire romain germanique, qui rassemble les Francie orientale (ancienne part de Louis le Germanique) et médiane (part de Lothaire Ier). Ce sont 4 fleuves, l’Escaut, la Meuse, la Saône et le Rhône qui délimitent approximativement l’Empire et le Royaume (des Francs puis de France). Jusqu’à son rattachement à la France en 1766, la Lorraine fera partie du Saint-Empire. En 1542, le duc Antoine obtient de Charles-Quint l’indépendance du duché, qui reste nominalement rattaché au Saint-Empire.
Arès la division de Prüm, le royaume de Lothaire sera encore divisée : Basse-Lorraine (grosso modo le Benelux), Haute-Lorraine, qui deviendra la Lorraine actuelle, et Bourgogne.
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2]: Le fils du roi défunt, Pépin II, réclama énergiquement l'héritage de son père, et eut recours à la voie des armes. Un accord intervint enfin, en 847, entre les deux prétendants : par ce...
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Les évêques de Toul, qui avaient acquis une grande puissance depuis le septième siècle, reçurent, en 928, d’Henri l’Oiseleur1, empereur d’Allemagne, le comté de Toul en fief. Leur diocèse avait une grande étendue. En 984, l’évêché de Toul, distrait de la Haute-Lorraine, formait une souveraineté indépendante qui ne relevait que de l’empereur.
La Lorraine mosellane, distraite de la Basse-Lorraine par le duc Brunon, archevêque de Cologne, continua à avoir des ducs bénéficiaires jusqu’en 1048 : Briey en faisait partie.
A cette époque, la Haute-Lorraine fut constituée en duché et gouvernée par Gérard d’Alsace et ses descendants jusqu’en 14512. Ces seigneurs furent des amis fidèles de la France et moururent à son service.
En 1072, l’empereur Henri VI créa le comté de Vaudémont en faveur de Gérard 1er3. Gérard II augmenta la ville et y construisit une tour près du château. Le fief relevait directement de l’empereur ; sa capitale était Vézelise, et le comté comprenait 57 villes ou villages. Au douzième siècle, les bourgeois de Toul perdirent une bataille assez considérable contre le comte de Vaudémont; le château de Dieulouard fut pris deux fois par les Messins, qui le rasèrent.
En 1112, Renaud, comte de Bar, ruina de nouveau Scarponne, déjà détruite lors de l’invasion d’Attila. Mathieu, duc de Lorraine, qui se distingua par sa charité envers les pauvres, établit la capitale de son duché à Nancy (1153), qui jusqu’alors n’était qu’un village et qui lui fut cédé par Drogo, fils du sénéchal de Lorraine, en échange de la châtellenie de Rosières et d’autres terres. La résidence des premiers ducs avait été jusque-là à Saint-Dié. Mathieu fonda l’abbaye de Clairlieu (1159). Liverdun fut affranchi en 1178 par l’évêque de Toul, seigneur de ce lieu. C’est à la fin du douzième siècle que commence à être connue en Lorraine la loi ou coutume de Beaumont-en-Argonne cette fameuse loi de Beaumont, donnée en 1182 par Guillaume de Champagne, archevêque de Reims, réglait les droits des seigneurs, l’organisation municipale, la justice, la police, etc.
Au treizième siècle, l’affranchissement des communes s’étend dans la Lorraine, et la loi de Beaumont est accordée à un grand nombre de villes et de villages. En 1200, Pont-Saint-Vincent la reçoit d’Hugues, comte de Vaudémont, qui y avait bâti une ville neuve. D’autres villes et villages la reçurent alors de leurs seigneurs, comme Frouard (1255), Haumeville (1261), Saint-Nicolas-du-Port, Nancy, Lunéville, Gerbéviller, du duc Ferry III (1265) ; Saxon (1260). Essey et Maizerais furent affranchis et mis sous la loi de Stenai par Thibaut, comte de Bar, en 1289.
1876-936 Père de Othon Ier le Grand
2Date de naissance de René II (1451-1508)
3De Vaudémont (ca 1057-1108), fils de Gérard Ier d’Alsace, duc de Lorraine
En 1230, eut lieu, dans les plaines de Frouard et de Champigneulles, une bataille sanglante entre Henri II, comte de Bar,1 et Mathieu II,2 duc de Lorraine ; celui-ci la perdit.
Le treizième siècle vit encore d’autres guerres locales en 1250, entre les bourgeois de Toul et leur évêque; entre Thibaud, comte de Bar, et les troupes de l’évêque de Metz, qui brûlèrent Thiaucourt (1258). En 1288, Ferry III, duc de Lorraine, qui, pendant son long règne, avait développé dans ses états l’affranchissement des serfs, fut enlevé par des barons de son duché dans les bois de Heys et emmené dans le château de Maxéville, où il resta longtemps prisonnier.
Fn 1298, le comte de Vaudémont, faisant la guerre au duc de Lorraine, envahit la Lorraine avec 600 hommes et brûla Maxéville. Après la ruine du château de Velaine, au treizième siècle, une nouvelle ville s’éleva, celle de Vézelise, qui devint plus tard le chef-lieu du comté de Vaudémont.
Au commencement du quatorzième siècle, des guerres locales causent de grands dommages aux villages de la Lorraine. Vers 1306, Laxou est brûlé par le comte de Vaudémont, qui guerroyait contre le duc Thibaud II. En 1308, le même duc bat devant Frouard Renaud de Bar, évêque de Metz, ligué avec les comtes de Bar et de Salm ; ces derniers sont faits prisonniers et l’évêque demande la paix. Les Toulois étaient alors fort belliqueux; réunis aux Messins, ils mirent en déroute à Dieulouard et à Gondreville cinquante gentilshommes du pays, qui leur avaient déclaré la guerre à cause de leur esprit d’indépendance.
Toul était au quatorzième siècle sous la protection du roi de France cependant, l’empereur Charles IV, qui était venu dans cette ville en 1356, accorda, dix ans après, aux habitants une charte confirmative de leurs privilèges, appelée la Bulle d’Or à cause du sceau en or qui y était suspendu.
Les ducs de Lorraine du quatorzième siècle combattent avec dévouement dans les rangs de l’armée française. Ferry IV fut tué à la bataille de Cassel (1328). Raoul, dit le Vaillant, après avoir bataillé contre les Maures en Espagne et le comte de Montfort en Bretagne, fut tué à la journée de Crécy (1346). Jean Ier chassa de ses états les Grandes compagnies.
1 1190-1239
2 1193-1251
De nouvelles guerres locales troublèrent encore la Lorraine au milieu du quatorzième siècle. Les Messins l’envahirent (1350), en représailles des courses faites par la duchesse Marie de mois sur leurs terres, ils prirent et pillèrent le château de Frouard, et Rosières, qu’ils reprirent encore vingt ans après.
La même année 1350, la duchesse de Lorraine s’empara de Liverdun pour se venger des ravages que les troupes de l’évêque de Toul avaient exercés en Lorraine. Cette ville appartenait aux évêques de Toul, qui avaient le droit de battre monnaie.
Les bourgeois de Toul se montrèrent plusieurs fois très-belliqueux contre le duc Chartes Il. Ce prince ayant exigé la somme de cent livres qui lui était due comme gardien de Toul, les bourgeois la refusèrent. Le duc assiégea la ville, et les bourgeois capitulèrent après deux mois de siège. En 1421, une nouvelle querelle entre les Toulois et le duc ramena celui-ci encore devant la ville, et les habitants se soumirent.
Les ducs de Lorraine furent, au quinzième siècle, plus intimement mêlés aux affaires de la France, et Chartes le Hardi1 donna sa fille unique en mariage à René d’Anjou, prince français, déjà assuré du duché de Bar et de la terre de Briey par son oncle le cardinal, duc de ce pays. Mais les Bourguignons avaient en Lorraine un allié, le comte de Vaudémont, neveu de Chartes le Hardi, qui prétendit qu’en vertu de la loi salique le duché de Lorraine lui appartenait. Vaincu à Bulgnéville (1431) par Antoine de Vaudémont et les Bourguignons, René d’Anjou fut emmené captif à Dijon, où il demeura longtemps prisonnier dans une tour du palais des ducs qui existe encore. Les pays de Meurthe-et-Moselle furent fort maltraités par les troupes des deux partis. Vézelise fut pris et pillé (1425 et 1439). Enfin, la guerre se termina par la médiation du roi de France qui engagea René à donner sa fille à Ferry2, fils de son adversaire, le comte Antoine de Vaudémont (1441).
René II, fils de Ferry, hérita du duché de Lorraine en 1475. Il fut le chef de la branche de Lorraine-Vaudémont, qui gouverna le duché jusqu’en 1737.
1 Charles II de Lorraine (1364-1431)
2 Ferry II de Vaudémont, Ferry VI de Lorraine
René II, duc de Lorraine et de Bar, est le fils de Yolande d'Anjou (Bar) et de Ferry VI de Lorraine-Vaudémont.
La Lorraine eut alors à subir la terrible invasion de Chartes le Téméraire, duc de Bourgogne, qui rêvait la fondation d’un nouveau royaume par la réunion de tous ses états disséminés sur la frontière de la France, depuis le Rhône jusqu’à la mer du Nord. Dans ce but, il voulait s’emparer de la Lorraine et faire de Nancy sa capitale. Après s’être fait céder quelques places fortes et le libre passage dans le duché de Lorraine, il témoigna de nouvelles prétentions, auxquelles René, soutenu en secret par Louis XI, répondit par une déclaration de guerre. Charles le Téméraire envahit bientôt la Lorraine. Il entra à Toul, qui n’opposa pas de résistance, prit Lunéville, Briey et Pont-à-Mousson. Nancy, assiégé, capitula après une longue défense. Lorsqu’il eut terminé sa campagne contre les Suisses, le duc de Bourgogne se tourna de nouveau contre René; mais il fut mis en déroute à la bataille de Nancy, où il fut tué (14761). Le théâtre principal de l’action fut sur le territoire de Jarville, à 3 kilomètres de Nancy. « Le lendemain soir de la bataille, dit Guizot, le comte de Campo-Basso amena au duc René un jeune page romain qui, disait-il, avait vu de loin tomber son maître et saurait bien retrouver la place. A sa suite, on se dirigea vers un étang voisin de la ville; là, à demi enfoncés dans la vase de l’étang, étaient quelques cadavres dépouillés. Une pauvre blanchisseuse s’était, comme les autres, mise à cette recherche; elle aperçut briller la pierre d’un anneau au doigt d’un cadavre dont on ne voyait pas la face; elle avança et retourna le corps:
« Ah! mon prince ! » s’écria-t-elle; on accourut; en dégageant la tête de la glace où elle était prise, la peau s’enleva ; une large blessure se découvrit. En examinant le corps avec son médecin, son chapelain, Olivier de la Marche, son chambellan, et plusieurs valets de chambre reconnurent sans hésiter le duc Charles ; des signes certains, entre autres la cicatrice de la blessure qu’il avait reçue à Montlhéry et deux dents qui lui manquaient, mirent leur affirmation hors de doute. » Une croix commémorative s’élève encore sur le lieu où se passa l’événement.
1 En réalité, le 5 janvier 1477
Duché de Lorraine, duché de Bar, Trois-Evêchés, la Lorraine est très morcelée. Ces cartes vous aideront à y voir plus clair.
Français : Carte de la région Lorraine montrant les Etats et provinces existant au XVIIIe siècle.
Légende
Duché de Lorraine
Duché de Bar
Les Trois Évêchés (Metz, Verdun, Toul)
Champagne et Clermontois
Prévôté de Montmédy, partie du Luxembourg français
Duché de Carignan |
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