Cousins généalogiques : Charles-Joseph Dusaulx (1835-1919)
Ce serait un des inventeurs du moteur à explosion.
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Arbre généalogique munierf - Geneanet
Eulmont, 54186 | Préporché, 58219 | Völklingen, 66301 | Amance, 54012 | Bouxières-aux-Chênes, 54089 | Laître-sous-Amance, 54289 | Nancy, 54395 | Villapourçon, 58309 | Serres, 54502 | Saint-A...
Est Républicain 30 juin 1911
LA SCIENCE AU XX' SIÈCLE UN INVENTEUR LORRAIN
Une « voiture sans chevaux en 1884.
Dans le médaillon, le portrait de M. Charles Dusaulx, inventeur du moteur à explosion.
Un tour violent de manivelle — et l'automobile impatiente trépide avant de s'élancer sur la route. Deux tours d'hélice pour mettre en marche le moteur — et l'aéroplane file au ras du sol, puis, d'un bond, saute dans l'infini, ailes ouvertes.
L'automobilisme et l'aviation ont donné la mesure de l'audace et du génie humains ; ils ont accompli une immense révolution dans la science et dans l'industrie ; ils ont surtout jalonné les étapes de la civilisation et du progrès par toute une série d'inventions qui sont l'apanage de la France. L'an dernier, le gouvernement songea à récompenser un des hommes dont les études et les patientes recherches avaient créé le premier moteur à explosion — et c'est ainsi que M. Forest reçut le ruban rouge. On avait alors estimé que la Légion d'honneur pouvait seul couronner d'une gloire légitime les services rendus par tant d'intelligente initiative, tant de généreux efforts, tant de résultats dans les domaines où se développe l'activité de notre pays.
Par malheur, il semble que la hâte apportée à décorer l'ingénieur Forest ait commis une erreur et, qui pis est, une injustice.
Nous avons publié une sorte de rectification à ce moment-là. Elle passa presque inaperçue. Quelques organes de la presse parisienne résumèrent brièvement la note qui restituait à M. Charles-Joseph Dusaulx la priorité d'une invention attribuée à M. Forest.
Un an a passé. Le hasard d'une excursion m'a conduit hier à Lorey, près de Bayon. C'est là qu'habite M. Charles Dusaulx, un bon vieillard, presque un anachorète, retiré dans son moulin qu'entourent des vergers pleins de cerises, des prairies émaillées de fleurs et de charmants coteaux où la vendange s'annonce fort belle :
— Allez donc lui rendre visite,me conseillèrent des amis... Il en sait long, naturellement, sur l'affaire... Ses documents vous convaincront bien vite... C'est lui qui devrait orner d'un ruban rouge sa boutonnière.. »
J'ai vu M. Dusaulx. Je me suis longuement entretenu avec lui. Les documents, en effet, abondent. Mais je n'ai point rencontré, chez cet homme de soixante-seize ans, la moindre parole d'amertume :
— Il me paraît inutile d'entrer en polémique avec l'Automobile-Club de France… Pour quels motifs cette association puissante a-t-elle sollicité et obtenu la croix pour M. Forest ? Je l'ignore. La lutte contre ; elle serait inégale ; je n'aurai garde de ? l'entreprendre. Je n'ai qu'un seul désir : mettre toutefois les choses au point, pour éclairer la religion d'amis et de savants dont la sympathie a bien voulu s'intéresser à mon oeuvre... »
L'ambition de M. Dusaulx se borne à la satisfaction de ce désir. Sa modestie lui défend les protestations :
— Je ne demande rien,ajoute-t-il. J'ai cru agir en honnête Français, en accomplissant ma tâche. Mais pas de polémique ! II me ,. suffit d'avoir attiré sur mon cas l'attention d'hommes tels que M. le doyen Floquet à Nancy et d'autres qui m'ont rendu justice... »
Parmi les papiers jaunis qu'il étale maintenant sur la table, nous lisons la copie du brevet d'invention de- quinze années, en date du 19 mars 1870, n° 89281 pour système de moteur à gaz aéro-hydrocarburé, par MM. Dusaulx et Lafrogne.
Cette pièce est fournie par le cabinet industriel de M. Armengaud, à Paris. Elle contient la description du moteur,dont « le système est fondé, d'une part, sur le principe nouveau de la formation du gaz expansible à l'intérieur même du cylindre au moyen de l'introduction simultanée de l'air atmosphérique par aspiration et d'un hydro-carbure liquide par refoulement, l'inflammation du mélange ayant lieu par l'effet d'une étincelle électrique, et, d'autre part, caractérisé par les dispositions ci- dessus décrites, en particulier celles qui se rapportent au double piston-tiroir, à l'injection du liquide carburé, au commutateur électrique et enfin par son agencement général qui en fait une machine à double effet. »
C'est en M. Floquet, doyen de la Faculté des sciences de Nancy, et en M. Armengaud, que l'inventeur de Lorey a placé toute sa confiance, tout son espoir ;
— Ils me connaissent... »
Et, dans ces simples mots passe comme un souffle de fierté. La carrière de M. Charles Dusaulx est des mieux remplies; elle est faite de travail, de droiture et de probité. Avant la guerre franco allemande, M. Dusaulx était chargé, aux usines Cail, des installations extérieures ; il passa bientôt dans les ateliers de Puteaux. Il a vécu quarante-cinq ans à Paris et il rappelle avec émotion divers incidents qui ont vivement frappé son esprit :
— A l'Exposition universelle de 1878, dit-il, les représentants de plusieurs nations, les Etats-Unis entre autres, composaient le jury qui s'arrêta un instant devant mon moteur… Je fournis de courtes explications. Le délégué français s'éloignait sans prononcer un mot ; il se retourna et revint sur ses pas en entendant le délégué américain qui m'adressait ce compliment : « Votre invention, monsieur, vous procurera des millions ! »
L'invention du moteur à explosion n'a pas procuré à M. Dusaulx la fortune ; elle aurait pu du moins lui rapporter, à défaut de rentes, un peu de gloire.
— Je ne me suis pas découragé... En 1881, j'ai inventé le palier graisseur... Peu s'en fallut qu'une nouvelle déception récompensât ma patience et mes expériences... Une société s'est fondée. Mon nom n'y figure pas-; mais je touche tout de même quelque argent ; c'est là le principal... Je suis venu me reposer au moulin de Lorey... »
A ce moment, un visiteur s'approche de la fenêtre ouverte : — Je viens livrer quelques sacs de seigle.
— Bien. Mettez-les dans la cour. J'interroge le brave homme sur la prospérité de ses affaires :
— Les cultivateurs du pays sont presque tous mes clients. Le moulin marche. Seulement, ajoute M. Dusaulx en souriant, j'oublie assez souvent de me faire payer ! » On devait plus tard m'apprendre à Bayon qu'en fournissant aussi du raisin de ses vignes, des cerises de ses vergers, il oublie assez souvent de se faire payer le vin rose et le kirsch que l'on tire de sa générosité et qu'on boit à sa santé. Il propose :
— Si mon fameux moteur excite votre curiosité, je puis vous le montrer.
— Volontiers.
— J'ai construit deux moteurs... Le premier, celui qui fait l'objet de mon brevet de 1870, est à Nancy, dans une des salles de l'Institut électro-technique auquel je l'ai donné... L'autre est chez moi. Il fonctionna sans panne, sans incident, pendant toute la durée de l'Exposition de 1878... Oh ! vous ne verrez point une merveille de mécanique ! »
Nous suivons le vieil inventeur dans l'atelier qu'il s'est aménagé. Le moteur est là. La plupart des organes emplissent une caisse de ferraille. Les araignées ont tissé leurs toiles au-dessus du cylindre. La rouille a immobilisé les écrous :
— Dire que vous avez sous les yeux, soupire M. Dusaulx, le modèle des appareils qui ont fait tant de bruit dans le monde !»
Pilotes lancés sur les routes, en plein vertige, de toute la vitesse de vos 60 HP, sublimes aviateurs attaqués dans les nues par la jalousie des aigles, c'est avec attendrissement que vous vous seriez comme nous arrêté devant ces débris et vous auriez pensé comme nous qu'il convient de réparer une injustice.
A chacun selon ses oeuvres.
Achille LIÉGEOIS.