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Le blog de François MUNIER

Enseigner le fait religieux. Mais comment ?

10 Mai 2024 , Rédigé par François MUNIER Publié dans #Religions, #Histoire

Lu sur le fil X (ex-Twitter) de Daniel Schneidermann

"Acter le retour de l’enseignement du fait religieux à l’école, dès la primaire, voire la maternelle. Pour le grand rabbin de France, Haïm Korsia, « nous avons perdu une génération, il faut travailler sur la suivante. »

Enseigner le fait religieux. Mais comment ?

Quatre éléments de reflexion :

C'est indispensable, et pas seulement pour lutter contre toutes les formes de racisme.

C'est déjà le cas, le principe en est admis par l'Éducation nationale, même si on peut critiquer tel ou tel point.

L'enseignement des faits religieux, examinés d'un point de vue strictement scientifique, peut déplaire à des fidèles des religions, et il faudra l'assumer.

Mais ce n'est pas suffisant.

C'est indispensable

Trop souvent, au cours de voyages, de visites de sites et de monuments, j'ai vu le regard d'incompréhension de certains touristes, lorsque le (ou la) guide parlait de Moïse, des douze Apôtres, etc..

Ne rien connaître aux faits religieux (car ils sont multiples), c'est se condamner à ne rien comprendre à l'architecture, la peinture, la littérature française ou d'ailleurs.

Ne rien connaître à l'histoire des grandes religions, c'est ne pas savoir que le bouddhisme ne se réduit pas à la figure sympathique du Dalaï-lama.

Ne rien connaître à l'histoire des religions en France, c'est surprendre son auditoire en parlant du rabbin troyen "Raki", comme la boisson, alors que son nom est Rachi.

Et je pourrais multiplier les exemples à l'envie.

C'est déjà le cas.

C'est pour cela que l'Éducation nationale a intégré l'enseignement du fait religieux dans les programmes scolaires, et c'est grave de ne pas le savoir, ou de faire semblant de ne pas le savoir.

Je cite :

L'enseignement des faits religieux, dans notre république laïque, est inscrit dans le socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Avec objectivité et méthode, il décrit et analyse les faits religieux comme éléments de compréhension des sociétés passées et de notre patrimoine culturel, par le truchement de disciplines, telles l'histoire, les lettres, l'histoire des arts, l'éducation musicale, les arts plastiques, ou encore la philosophie.

Rites, textes fondateurs, coutumes, symboles, traces matérielles ou immatérielles, manifestations sociales, œuvres sont autant de faits religieux qui ont eu (et qui ont encore) une influence plus ou moins prégnante sur les sociétés antiques, médiévales, modernes et contemporaines. L'enseignement des faits religieux n'est pas une discipline à part entière, mais un enseignement transversal qui encourage le décloisonnement disciplinaire. Inscrit dans le socle commun de connaissances, de compétences et de culture, l'enseignement des faits religieux s'appuie par exemple sur les grands textes religieux, les œuvres d'art, et présente la diversité des représentations et des visions du monde.

Et voici quelques ressources complémentaires :

Tour ceci suppose qu'on recrute et forme des enseignants qualifiés, et il y a beaucoup de retard à rattraper dans ce domaine, en commençant par la rémunération.

Cela suppose aussi qu'on renonce à l'idée que l'école doit se borner à enseigner les fondamentaux (lire, écrire, compter), et au contraire qu'elle doit aussi former des futurs citoyens.

Mais, n'en déplaise à M. Korsia, les étudiants qui manifestent actuellement contre la politique israélienne ont appris des éléments de l'histoire du judaïsme en classe de sixième et dans les suivantes.

Et si on recrute des enseignants du fait religieux, ce sera a priori des gens de cette génération !!

Mais c'est un terrain miné.

Il faut tout d'abord concilier le souci de la vérité scientifique et le fait que certains élèves ont des idées très arrêtées sur des questions à la frontière entre science et religion. Et qu'on doit respecter les convictions religieuses.

J'ai enseigné la biologie en classe de seconde. J'ai parlé de la théorie de l'évolution, etc.. et un élève Témoin de Jéhovah n'était pas d'accord. Dans ce cas, on fait quoi ?

L'historien français Marc Bloch a raconté (je n'ai pas retrouvé la référence) qu'en 1912, nommé comme professeur au lycée Montpellier, près du pays cévenol, le proviseur lui a dit : "Ici, vous pourrez parler sans problème des révolutions du siècle passé, mais soyez très prudents quand vous parlerez des conflits religieux du XVIème siècle et suivants, ici, c'est encore très sensible".  

Les trois grandes religions monothéistes ont un socle commun, des prophètes communs. Doit-on dire qu'on n'a pas de preuves historiques de l'existence du déluge universel, d'Abraham, de Moïse, etc ?

J'ai reçu, en remerciements, un exemplaire du livre d'Histoire-géographie (6e) des éditions Magnard. Très bien fait à mon avis. Ce qui est écrit de l'historicité de la Bible hébraïque peut avoir du mal à passer auprès de certains élèves.

Enseigner le fait religieux. Mais comment ?

C'était le programme de 2009, celui de 2015 est plus succinct, mais évoque aussi

Ce thème propose une étude croisée de faits religieux, replacés dans leurs contextes culturels et géopolitiques. Le professeur s’attache à en montrer les dimensions synchroniques et/ou diachroniques. Toujours dans le souci de distinguer histoire et fiction, le thème permet à l’élève de confronter à plusieurs reprises faits historiques et croyances. Les récits mythiques et bibliques sont mis en relation avec les découvertes archéologiques.
Que sait-on de l’univers culturel commun des Grecs vivant dans des cités rivales ? Dans quelles conditions la démocratie naît-elle à Athènes ? Comment le mythe de sa fondation permet-il à Rome d’asseoir sa domination et comment est-il mis en scène ? Quand et dans quels contextes a lieu la naissance du monothéisme juif ?
Athènes, Rome, Jérusalem... : la rencontre avec ces civilisations anciennes met l’élève en contact avec des lieux, des textes, des histoires, fondateurs d’un patrimoine commun.

Remarque personnelle : le BO qui détaille les programmes du primaire et du collège fait 250 pages. Si les élèves ont appris et assimilé tout ce qui est prévu, c'est merveilleux et je ne vois pas comment on peut rajouter quelque chose.

L'existence historique de Jésus est admise par tous les historiens sérieux, ce que n'est pas Michel Onfray. Mais le Jésus de l'Évangile a-t-il bien fait et dit tout ce qu'en disent les évangélistes ?

Quant au Coran, peut-on dire que la version labellisée par le calife Othman n'est peut-être pas incontestable ?

Ensuite, toutes les religions ont connu des phases différentes. Le christianisme commence par des communautés de gens qui mettent leurs biens en commun en attendant le retour du Christ, il y aura ensuite Théodose, l'Inquisition, les papes de la Renaissance, les télévangélistes américains, etc..

Idem pour les autres religions.

Et je ne pense pas qu'on puisse dire que les programmes scolaires sont défaillants.

Mais ce n'est pas suffisant.

Bien sûr, il faudra veiller à ce que ces programmes soient effectivement suivis, qu'il y ait les professeurs qualifiés pour cela, et que les établissements confessionnels sous contrat en respectent la lettre et l'esprit.

Il faudra aussi qu'à chaque événement, journalistes ou responsables politiques ne racontent pas de c.. sachent et prennent le soin d'expliquer le contexte :

- la différence entre sunnites et chiites n'est pas une question de degré dans l'intransigeance religieuse;

- certains temples shintoïstes au Japon ont une présentation négationniste des horreurs de la guerre sino-japonaise qui met en rage les Chinois;

- pourquoi le pape Jean-Paul II a pu se rendre dans des pays divers (Syrie, Cuba, etc..) sans problèmes, mais n'a jamais pu aller à Moscou, même après la fin de l'URSS ?

Et là, il y a du travail, quand on voit tout ce qui peut être raconté comme bêtises.

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