Le 79ème RIF pendant la "drôle de guerre"
La drôle de guerre au 79ème RIF
Et pourtant les “vieux” ont raison de craindre le pire. Car le pire arrive à grandes enjambées.
(....)
Remobilisation, dans l’ordre, par compagnie, dans une grange du village d’Altorf.
Laissons à nouveau la parole au sous-lieutenant SCH·ALCK.
“Je suis affecté, non plus aux engins mais à la CM7 du Il / 79ème RIF. J’hérite d’une section F.V.; avec eux j’ai intérêt à bien connaître le dialecte alsacien si je veux me faire comprendre.
Et on les met en route.
Direction Rittershoffen par rail.
Quant à moi, on me refile la corvée de mener au PC du régiment les véhicules et motos mobilisés. Je passe en revue. Cet ensemble hétéroclite avec ses inscriptions publicitaires n’a rien de militaire, les conducteurs non plus d’ailleurs.
Fort de l’expérience du sous-lieutenant Lamoureux en 1938 qui a mis deux jours pour rallier Kuhlendorf, je réunis mon monde. Nous fixons l’itinéraire, les arrêts d’un quart d’heure tous les 15 km. Enfin j’autorise ceux qui habitent non loin de l’itinéraire d’aller saluer les leurs puis de rejoindre en vitesse. Pas réglementaire tout cela. Mais efficace. A quinze heures pile le convoi au complet pique-nique à la maison forestière du Grand’Chêne en Forêt de Haguenau.
A 16 heures nous filons dans un ordre impeccable au PC de Kuhlendorf. Ouf, c’est fait - décharge m’est donnée.
“Je retrouve ma section à Rittershoffen bien installée dans la rue de l’Eglise.”
Nous ne pouvons pas vous parler de tout ce qui est arrivé à tous les éléments de ce régiment durant cette “drôle de guerre”. Donc de septembre 1939 à juin 1940.
Nous nous restreindrons à vous parler du II/79ème et parlerons en particulier d’une section et de son jeune chef de section.
Comme nous avons déjà cités plus haut SCHALCK et sa section de Fusiliers-voltigeurs (F.V.) pourquoi ne prendrons-nous pas ces garçons comme section-témoin ? Elle est une des sections de la C.M.7.
Allons y donc et racontons la courte vie de cette section soit dix mois à peine.
En effet, ses tribulations sont, à peu de choses près, celles de tout le monde au 7/9. Le Lt. ROHRER est le patron de la CM7; les autres sections sont commandées par les sous-lieutenant FRANTZ et BOILEAU.
Le bataillon est commandé par le Capitaine GAZEAU, très compétent, connaissant parfaitement son secteur jusque dans ses derniers recoins.
Notre section-témoins aura à créer le PA 12 en avant du Château d’eau de Rittershoffen. Heureusement que parmi les soldats il y a des gens des travaux publics, des maçons, des charpentiers.
Nos “Grands-Chefs” commencent cette guerre comme ils ont terminé l’autre. En 20 ans rien n’a donc changé?
On a terminé dans les tranchées, on recommence dans les tranchées.
Cela prend allure, les abris, les postes de tir des F.M.; les créneaux des Voltigeurs, etc. Le barbelé aussi. Nous somme le 1er septembre, le tocsin sonne en plein midi. Toute la zone avant ou proche de la L.P.R (ligne principale de résistance) est évacuée d’urgence. Tristes convois formés par ces gens désespérés. Nous pleurons tous en les voyant passer, beaucoup pleurent en pensant aux leurs qui à la même heure, évacuent sans leur présence.
Le 3 septembre à 17h tout le front est anxieux. A 17h la France sera en guerre avec l’Allemagne.
On monte sur les collines, on scrute l’horizon, 17h - rien - Silence total ! Et cela dure -perplexité chez les spectateurs. (et futurs acteurs)
Vers 19h quelques ponts, quelques rails, quelques nœuds routiers sautent. Peu de bruit, comme un bouchon de champagne qui est libéré.
Et la vie continue.
Le 158 e R.I. s’installe derrière le 79ème RIF, le pousse en avant. Notre section témoin cède le P.A. 12 aux nouveaux arrivants, plie bagage et se rend à Hatten.
Une rue de ce village, la rue du Ruisseau est occupée par le 7/9, le reste est occupé par le 23ème R.I.F.
Nos héros sont pris en charge par la CM6. Le Lieutenant DELIGNIERE son commandant, a de multiples missions:
le PA/4 - aspirant ROLAND
le PA/5 - lieutenant SCHNEIDER
le PA/5 - lieutenant DILLER
le PA/7 - lieutenant ALIBERT
En plus nous voyons à la popote un sous-lieutenant ERB, un lieutenant SCHWARTZ un aspirant HAURY aux missions aussi peu définies que celles de notre section F.V.
Profitant de ce moment d’inaction notre s/Lt. parfait l’instruction: montage et démontage des armes, les yeux bandés, Il a même l’idée saugrenue, pour une unité en guerre avec son voisin depuis deux mois, de vouloir constater où en est son équipe au tir.
Eclats de rire, haussements d’épaules, même haussement sévère des sourcils chez le nouveau chef de bataillon MACKER un seigneur sortant des spahis portant burnous s.v.p
Enfin un vague adjudant dans un aussi vague bureau, au PC du régiment alloue généreusement aux 45 bonshommes : 400 cartouches et dix chargeurs de fusil-mitrailleur à condition d’exécuter le tir “réglementairement” au champ de tir de Oberroedern. On pousse une reconnaissance. Cet ensemble du temps de paix existe bel et bien; est entouré d’un haut grillage muni d’une impressionnante porte cadenassée.
Et voilà notre sous-lieutenant comme un bleu, à la recherche de “la clé du champ de tir”.
Elle se trouve accrochée à un impressionnant tableau parmi toutes les clés des logements militaires, du casernement, etc. du temps de paix. Un adjudant-chef ancien veille sur ce tableau depuis 1936 et n’abandonne pas. Les portes des maisons sont forcées, les cantonnements ouverts à tous les vents, mais lui est là et veille sur les clés. Grandeur et Servitude militaire.
Résultat du tir : lamentable. Il faudrait renouveler cet entraînement un certain temps. Non, ce n’est pas prévu au règlement .... En temps de guerre!
D’ailleurs pour se défendre notre section-témoin possède pour 45 fusils et trois F.M.; 900 cartouches et 30 chargeurs F.M. pleins, pas de grenades, pas de tromblon V.B. De quoi tenir de 15 à 30 minutes.
Sur l’insistance de notre s/Lt afin d’avoir une mission pour sa section on lui donne, entre le fromage et la poire, ... comme çà ... à la popote, à fortifier deux petites maisons sans aucune valeur stratégique.
Ca occupe et coûte à la communauté deux hectares de beaux résineux de 30/40 ans. Mais, profitant du bûcheronnage en forêt quelques spécialistes-braconniers ont fourni régulièrement la section en gibier.
Arrive décembre. Sous le sceau du secret, à 8 h du matin le commandant de compagnie rassemble certains officiers pour leur annoncer qu’à la nuit tombée (20h) ils partiront furtivement avec leurs sections pour huit jours de repos à Haguenau. Secret total, la nouvelle sera diffusée aux heureux élus vers 16h, le temps de se préparer. Vers 11h nouveau rassemblement à la popote pour d’ultimes recommandations. Puis on boit ensemble un verre et, pour égailler le tout, la radio est branchée sur “Radio Stuttgart”, la seule station à diffuser à cette heure-ci de la musique.
Au bout de dix minutes, oh divine surprise, la voix de FERDONET, un journaliste français renégat (nommé le traître de Stuttgart par nos journaux) retentit à la travers la pièce. Entre autre il souhaite au tiers du 7/9 qui va partir le soir au repos à Haguenau de jouir pleinement de ces quelques jours de détente. Il y a de quoi réfléchir n’est-ce pas ? Où est la fuite ?
Ce repos n’est pas bien glorieux. La troupe couche dans la paille, par terre à la caserne AIME. Vitres cassées, froid vif. C’est avec délice que tout le monde a réintégré les positions, nous voulons dire leurs lits moelleux, les édredons épais, leurs chambres chauffées, cette bonne intimité autour d’une table.
Puis arrive la partie la plus pesante de cette “drôle de guerre”. Froid vif, neige, glace, verglas. L’inaction durant ces semaines est néfaste pour l’esprit d’une troupe.
Notre section-témoin, malgré quelques grognements a exécuté quelques travaux (2 x 1/2 h par jour).
Nous vous avons parlé de l’arrivée du 158e RI qui a pris le relais au PA12 de Rittershoffen.
D’autres renforts arrivent successivement: des éléments des 43ème , 23ème et 16ème D.I.
Ces éléments renforcent, se superposent au 7/9. Ils fourniront la garnison des avant-postes et des parties arrières de la position.
Inutile de vous dire qu’il en résulte des différences de conception de défense et de plans de travaux.
Fin février 1940 on sent tôt les prémices du printemps, notre s/Lt propose au chef de Bataillon d’apprendre à sa section-témoin l’art du patrouilleur.
Accordé. On s’organise. Et tous les soirs un autre groupe se glisse derrière son chef de section le long du réseau-rail où des guetteurs signalent d’ailleurs régulièrement des bruits suspects, des lumières, etc.
Bonne opération. La troupe fait un travail intelligent, développe l’esprit de groupe, apprend à rester calme, patient, attentif, silencieux, à se dominer. Tous en redemandent. Et maintenant laissons pour un temps notre sympathique section entre les mains du sous-officier adjoint HAASER et partons vers une autre section-témoin une section de mitrailleurs.
Et voilà pourquoi. Dans la nature quelques part se trouve le P.A.5 du Lt. SCHNEIDER. Quand il en parle, il parle d’eau, de gadoue, avec beaucoup de dégoût. Il rentre toujours crotté. Le commandant de compagnie n’y va pas souvent.
Et voilà que SCHNEIDER nous quitte pour se faire hospitaliser. Il mourra en 1947. Tous ont regretté son départ. Il était un bon compagnon.
Pour le remplacer on refile le canard boiteux à notre S/Lt.
Nous sommes mi-mars 1940. Sur place un désastre. Selon le commandement il y a de l’eau en creusant un trou de dix centimètres.
Tous sont réunis autour de leur nouveau chef de section. On réétudie ensemble les problèmes.
Le P.A. suit le tracé de la pente. Donc le premier nid de mitrailleuse est de quatre vingt centimètres plus haut que le dernier. En drainant loin on pourrait s’enfoncer dans le sol. On essaye et c est une réussite.
On désenglue les mitrailleuses. On les emmène l’une après l’autre au cantonnement pour enlever la rouille, les démonter, les remonter, les graisser.
On construit un pont lourd pour relier le P.A. à Oberreodern et ainsi pouvoir approvisionner le P.A. en bois, fer, tôles etc..
En rentrant à la Popote, notre S/Lt est aussi boueux que l’était SCHNEIDER.
“Ca va ? - “Ca va”. Tout le monde on est gentil, tout le monde on est content.
Est construit un poste de tir provisoire et est détruite la termitière ancienne. On crée une tranchée de 1m80 de profond avec drainage: on y ajoute un poste de tir sec, bien enterré, protégé et ainsi de suite.
Tous travaillent vite et bien.
En un mois le P.A. est recrée, presque invisible, mieux sécurisé, et sec.
Les repères pour tir de nuit sont la cerise sur le gâteau.
Plus de gadoue aux habits, peu aux chaussures. On s’étonne, on s’interroge en haut-lieu. Et les premières visites arrivent. En les écoutant, la section a l’impression que ce sont ces curieux qui ont projeté, préparé, exécuté ce beau travail.
Ils en restent ébahis. On a bien ri.
Ce 10 mai 1940, nous sommes réveillés tôt par un fort bruit d’avions. Il en passe, il en passe. Ils sont allemands.
Et nous apprenons et par la radio allemande puis par nos chefs que la drôle de guerre est terminée..
Dans la nuit du 9 au 10 mai nos principaux aéroports en arrière du front du secteur fortifié sont sévèrement bombardés.
Les radios allemandes parlent de ‘Panzer-verbände”, unités qui nous sont totalement inconnues. On parle déjà de « percée »
Le 14 mai, aux premières heures du jour l’ennemi, franchissant la Lauter, exécute un coup de main, avec préparation et encadrement d’artillerie, sur le moulin St Rémy (entre Wissembourg et Scheibenhardt) Le meunier sert au II / 79ème .
On retire par précaution le détachement de sûreté de la Lauter. Il s’agit du Il/2ème R.I.
Vers le 20 mai nous voyons partir des troupes de renforcement de la 16ème D.I. vers d’autres horizons. Ça se dégarni vite.’
Nous sommes en alerte maxima.
Dans notre petit coin du Il / 79 on reprend en main le problème du “Bec de Canard”.
De quoi s’agit-il?
Sur la crête des Aschbach face à Stundwiller se trouve l’ouvrage du Lt VIALE, la Oberroedern-nord.
Et voilà le problème, les Aschbach vers l’est (Stundwiller), se terminent en pente douce, un boulevard. Par contre vers le sud (Oberroedern) cette colline va par une pente abrupte vers la Oberroedern-sud, l’ouvrage du Lt RIEFFEL.
Les deux ouvrages ne se voient pas, ne croisent par leurs feux. Donc VIALE est en l’air du coté sud et RIEFFEL du coté nord.
Comment en est-on arrivé là ?
Eh bien, on n’est pas arrivé à réaliser l’ouvrage prévu pour fermer le trou.
L’artillerie du Schoenbourg est limite ici.
Elle arrive à garantir des interventions sur Aschbach. Par contre Stundwiller est hors-limite. Seul le mortier de RIEFFEL peut battre ce village.
Au départ était prévu, sur le plan daté du 8 novembre 1932 que Roger BRUGE a consulté, un gros ouvrage à huit blocs avec une tourelle de 75, une de 81, et une casemate à deux 75.
Selon un spécialiste de la fortif, le colonel Stroh, la ligne de crédits allouée à l’armée pour la ligne Maginot est restée constante.
Malheureusement les sommes prévues pour les travaux neufs dont l’ouvrage du “Bec du Canard” ont dû être transférées à d’autres postes (problèmes de dernière minute, renforcement des postes déjà construits etc.)
Les pépins, non prévus ont absorbé des sommes considérables.
On nous a aussi parlé d’un problème d’eau en sous-sol (15/20 mètres) ce qui aurait considérablement augmenté le coût de l’ouvrage prévu; ce qui a peut-être incité les décideurs à mettre à plus tard cette construction.
Est-ce vrai, est-ce faux, allez savoir.
Puis un autre projet. Un projet ouvrage de liaison “Oberroedern-Est sera construit. C’est promis, c’est juré. Il ne s’est jamais fait, aussi modeste soit-il.
Les Lts RIEFFEL et VIALE signalent depuis le mois d’octobre 1939 cet inquiétant problème à tous les responsables de passage.
Réponse invariable : on étudie la question depuis un moment. Une solution est imminente.
Fini, la drôle de guerre. Et le problème est solutionné illico.
Nous vous le donnons en mille.
A la place des bétons, canons, mitrailleuses, mortiers etc. on installe d’urgence une section.
Et devinez qui ? Notre section témoin, et son S/Lt. Celui-ci est retiré du PA5 et ira commander cet imposant point d’appui dénommé PA 4 bis.
Une impressionnante puissance de feu:
3 fusils-mitrailleurs
40 fusils.
La section repasse à la CM 7.
Bon, puisque déjà cette section, aux missions multiples - défense du boulevard Stundwiller, liaison VIALLE-RIEFFEL, défense d’une partie est de Oberroedern - doit faire bonne figure, qu’elle se mette au travail.
“Après étude du terrain et des problèmes de liaison à faire entre VIALE et RIEFFEL on passe à l’action.
Trois groupes se mettent au travail.
Le premier groupe construit le P.A., s’enfonce dans le sol sans rencontrer d’eau. Le deuxième groupe consolide une cave-abris pour les hommes au repos.
Le troisième groupe obstrue l’entrée du village d’Oberroedern côté est par une ligne de rails enfoncés profondément dans le sol (réseau-rail) consolidé par un épais mur en béton armé. En effet, la Oberroedern-sud est armée d’un canon de 37 mm, canon qui n’est pas antichar. On travaille d’arrache pied car de fortes patrouilles ennemies tâtent notre dispositif et apparaissent à Stundwiller à un jet de pierre de nos travaux sur la route et au P.A..
L’abri est terminé et ce groupe va poser jour et nuit du barbelé, du haut, du bas sur cinquante mètres vers le boulevard de Stundwiller. Le réseau disparaît en 15 jours sous la poussée de l’herbe.”
Cette montée-boulevard nous parait être le point fragile. Le Lt VIALE, aussi longtemps que ses cloches sont intactes, pourra arroser cette montée ; puis ce sera le problème du seul PA 4 bis.
L’ennemi bombarde tous nos villages. Oberroedern est pas mal abîmé.
Un soir on amène en camion 120 mines antichar dans des caisses en bois clair, un gros tas au bord de la route. Il faut les monter au PA 4 bis et les poser de nuit sur le boulevard Stundwiller et les camoufler naturellement. Tous travaillent ferme; tout va bien sauf..
Un bruit énorme, des sifflements, de la lumière aveuglante. La section entourée de ses 120 mines croit ses derniers instants arrivés. Tous mouillent leur caleçon.
Derrière eux une batterie a exécuté un tir-surprise sur un point névralgique des crêtes de Croetwiller et les obus, passent en sifflant à quelques mètres au dessus du P.A.. Il a fallu à tous un quart d’heure pour se ressaisir.
A 3h30 le travail est terminé, les caisses vides ramenées au bord de la route.
Repos pour tous.
A 10h du matin, un courrier: déterrer les mines, les ranger dans les caisses qui seront embarquées dans l'après midi.
Qu’auriez-vous fait à la place du Chef de Section ? Que pensez-vous qu’il a dû encaisser de la part de ses hommes..
L’ordre est exécuté. C’est un moment pénible non pour le donneur d’ordres du PC mais pour le PA 4 bis et son moral.”
Et durant cette période “drôle de guerre” malgré des situations burlesques comme celles relatées par nous et qui heureusement ne se sont pas présentées à toutes les sections, le 79ème RIF à rempli sa mission.
Outre la garde de la position, tâche première de l’unité, on a perfectionné toute l’organisation défensive du sous-secteur.
- amélioration des défenses accessoires
- communications enterrées
- construction de nombreux petits ouvrages bétonnés
Au camp d’Oberhoffen se fait par roulement l’instruction des éléments des équipages d’ouvrages.
A Haguenau on a entraîné quelques petites unités d’intervalles.
Un groupe-franc est crée le 15 janvier 1940. Il fait des patrouilles et de petits coups de main le long de la frontière. Il comprend trois groupes. Ses chefs sont le lieutenant BECK puis le lieutenant BOUILLOC.
On forme une défense contre avions avec les FM et les mitrailleuses.
On s’entraîne au canon de 25, aux mortiers.
Nous arrivons au 11juin 1940.
Et par ordre supérieur les 2/3 du Régiment vont quitter les positions et former le 79ème Bataillon de marche qui est destiné à aller se battre sur d’autres fronts.
Ceci est une autre histoire.
Pour notre section-témoin il y a aussi du changement. Elle reste pour défendre le PA 4 bis mais sous la direction du Sergent HAASER.
Et le S/Lt prend le commandement d’une section de mortiers de 81 mm et suivra les destinées du bataillon de marche.
Oui, bataillon de marche. Des Unités qui marchent. Napoléon déplaçait déjà ses unités d’un bout à l’autre de l’Europe. Avec le binôme infanterie-artillerie comme bible. Nos chefs, eux, entre les deux guerres préparaient une guerre de position. Et ils n’étaient pas les seuls.
De nombreux politiciens et non des moindres rejetaient toute idée de forces véritablement offensives et étaient profondément hostiles à la mise sur pied d’un corps blindé mécanisé. (binôme blindés-aviation)
Même les éléments anti-chars n’étaient pas nombreux et peu développés.
“Nous nous rappelons avoir reçu sur les positions la visite d’un grand chef qui en réponse à notre demande de matériel antichar nous a recommandé d’utiliser des cocktails Molotov contre les blindés. Nous continuons à questionner. Agacé, le “Big-Boss” nous a avoué n’avoir jamais vu ces engins et ne pas savoir comment les fabriquer.
Ce chef n’était pas du 79ème R.I.F”
Enfin, c’est de bouche à oreille que l’on se transmet les dernières “inventions” des bricoleurs des PA. du secteur.
C’est ainsi que nous voyons notre PA 4 bis mettre de nuit en avant du barbelé quelques batteries de grenades Fl. On dégoupille. A la place de la goupille on introduit un fin fils de fer fixé préalablement à un piquet.
Résultat, celui qui s’emmêle les pieds ou qui, rampant, arrache ce fil-goupille provoque de gros dégâts sur sa personne. Quant à 1’ artificier en herbe qui pose pour la première fois ces chapelets de grenades, il risque gros.
Parlons un peu des autres P.A.
Le P.A.6. a comme point central un moulin “la Rottenmuhl”. C’est une solide bâtisse avec des épais murs constitués par du grès des Vosges. Le Lt Diller en fait une “Wasserburg”, un petit château-fort entouré d’un fossé rempli par l’eau d’une petite rivière. Un travail impressionnant. Là aussi beaucoup de conifères sont employés pour protéger, fortifier.
Le PA 7 est un PA de liaison, construit un peu en arrière du réseau-rail. Il prolonge sur la gauche de l’ouvrage Hatten-Nord. la défense de ce secteur. Le Lt Alibert, un ancien de la guerre 1914/18 dispose d’une section de mitrailleuses et hérite de la première coupole de char Renault pour protéger une de ses mitrailleuses.
Cette coupole se trouve actuellement à la Casemate Esch, à Hatten.
Il y a le PA 4 derrière l’ouvrage du Lt RIEFFEL. Ce PA est commandé par l’aspirant ROLAND secondé par les sergents de réserve Bigeard, (eh oui, celui d’Indochine, d’Algérie), et Droce.
ROLAND a osé taper dans les grenades pour tester le savoir faire de ses troupes. Le capitaine X. l’a menacé de conseil de guerre. Qu’y aurait-il encore à dire? Le Lt Y, un cadre supérieur de Nancy a gardé l’esprit “Caserne”. Il dirige « fonctionnairement » sa compagnie comme en temps de paix.
Son adjoint le Lt Z, dit “l’Encensoir”. Ses conseils à son supérieur n’étaient pas toujours heureux.
(.....)
Revenons un peu à l’aspirant ROLAND vif, intelligent, matheux, cet étudiant de 20 ans a dû interrompre ses études pour venir faire la guerre.
Remarqué par ses chefs il est convoqué au PC du régiment. On lui fait signer sa demande pour passer le prochain concours d’entrée à 1’Ecole Spéciale Militaire. Nous passons sur les détails de ces transactions.
Quelques jours, après le 10 mai, l’aspirant ROLAND, qui entre temps a comblé les lacunes (de chimie) grâce à BIGEARD qui a pris en main provisoirement la section, reçoit une convocation pour passer ce fameux concours à Paris. Il est précisé, que même au combat le candidat doit rejoindre Paris.
Au PC du Régiment on veut lui refuser le déplacement car une note de l’armée interdit tout mouvement de l’avant vers l’arrière. C’est ROLAND qui a le dernier mot,
Il se présente au concours. Ils sont 3 000 candidats dont mille qui veulent vraiment entrer dans cette prestigieuse Ecole.
Uniquement un “Ecrit” bien tassé et les voilà renvoyés à leurs corps de troupe. Avec beaucoup de peine ROLAND rejoint. Combats, armistice.
ROLAND est prisonnier en Bavière avec son ami, l’aspirant RIVIERE. Il reçoit une missive de son père qui lui fait comprendre à mots couverts qu’il est 58è sur 170 reçus au concours d’entrée à St Cyr et qu’il aura à rejoindre l’Ecole repliée à Aix-en-Provence.
Les deux aspi se mettent en route et réussissent à rejoindre la France libre.
Comme les cours de 1941 ont déjà commencés il est convoqué pour 1942. Ils sont 300 élèves. Notre aspi ROLAND est reçu 36ème. Il a 22 ans. Il choisit la cavalerie. Malheureusement les Allemands occupent la France libre. L’armée est dissoute. Il essaie de passer en Afrique du Nord par l’Espagne.
Pour ce faire, il est hébergé par le chantier de Jeunesse n° 1, au plus près de la frontière espagnole.
Un accident de moto et une grave blessure à la jambe lui feront quitter la Cavalerie pour les Services des transports.
Nous nous rappelons du jeune capitaine avec qui nous avons dévoré avec gourmandise une impressionnante et succulente côte de bœuf. Un battant ce Roland.
[I a continué sa route, a réussi avec succès l’Ecole de Guerre et a obtenu le brevet d’officier d’ E. M. Le colonel Roland quitte l’armée pour convenance personnelle et part dans l’enseignement. Là encore pleine réussite. Bravo l’aspi.
Et maintenant quelques réflexions personnelles qui n’engagent que l’auteur.
La “Drôle de Guerre” a duré de septembre 1939 au début mai 1940, donc 8 mois.
Nous, les jeunes officiers, avions plein de lacunes dans nos connaissances militaires.
Nous avions des sections dont nous ne savions au début rien de leur préparation. Roland, Schalck et quelques autres ont eu la possibilité ou l’ont prise., de tester tant soit peu les possibilités de défense de leurs hommes tir, lancement de grenades.
Nous ne savions rien de notre futur adversaire, de ses matériels, de sa façon de combattre. Nous ignorions ses canons de 88, leur efficacité.
Que l’on puisse avec des bombes incendiaires transformer nos belles défenses exécutées avec des conifères, en dangereux brûlots, nous n’en savions rien.
La précision du 37 et la force de pénétration de ses balles perforantes nous étaient inconnues. Le Sergent-chef KERNEÏS l’a payé de sa jeune vie.
A quelle sauce allions nous être manges. nous l’ignorions.
Et nous en passons.
Et Dieu sait qu’une masse de renseignements que le Haut Commandement possédait nous aurait aidé au combat.
Pourquoi nous a-t-on laissé ainsi dans l’ignorance pendant cette longue période au lieu de nous perfectionner?
Pourquoi ce temps perdu?
Ce précieux temps perdu est impardonnable. Et si le Haut Commandement et le Gouvernement étaient dans la plupart des choses aussi ignorant que nous les jeunes gradés?
Et si tous ces généraux de 1914-1918 ne pouvaient, ne voulaient pas voir les réalités que les services de renseignements leur amenaient logiquement tous les jours sur leurs bureaux?
Fantasmagorez un peu avec nous.
Peut-être trouverez-vous une réponse.
Nous n’en avons aucune.
EPILOGUE
Vous devez être étonnés, chers lecteurs, de découvrir dans ce chapitre autant de détails sans importance aucune.
Vous vous attendiez sûrement à une étude, sérieuse, sévère qui vous raconte des haut-faits, des actes héroïques. Hélas il n’y en avait pas.
Avant de passer aux choses sérieuses qui vont bientôt vous être racontées, nous voulions vous montrer comment les soldats ont vécu cette mauvaise drôle de guerre.
Nous voulions vous montrer et vous faire comprendre que malgré cet état d’inutilité dans lequel on vivait, ces homme n’ont pas perdu le moral.
Ils sentaient bien que cette guerre commençait mal. Ils comprenaient que notre façon de voir la guerre n était pas la bonne. Ils avaient suivi à la radio la guerre éclair de Pologne.
Et pourtant malgré ce temps perdu. le moral était à peine entame.
Les équipages des ouvrages étaient par contre en alerte permanente.
Et bientôt vous verrez ces mêmes hommes, sur les Aschbach, dans les Vosges, se défendre, rendre coup pour coup.
Le 79ème RIF ne décevra pas.