Une guerre de succession en Lorraine. 1431-1473. Dictionnaire de Michel
Au début de son dictionnaire des communes de la Meurthe, Michel publie un abrégé des l'histoire de la Lorraine avec la liste de ses ducs, que je reproduis ici. J'ai ajouté des illustrations : Wikipedia, Gallica, photos personnelles, reproductions de timbres-poste.
J'ai respecté l'orthographe autant que possible. J'ai toutefois adopté des règles actuelles d'écriture des nombres, en remplaçant par exemple 123,456 par 123 456.
Les notes hors-texte sont de moi.
J'ai ajouté en dessous du nom de chaque duc les dates de naissance, accession au duché et décès.
A sa mort en 1431, Charles II de Lorraine n’avait pas d’héritier mâle. C’est sa fille Isabelle qui lui succéda comme duchesse de Lorraine. Elle avait épousé en 1420 René Ier d’Anjou, alors héritier du duc de Bar et ils régnèrent conjointement sur la Lorraine jusqu’à mort en 1453. René abdiqua alors la couronne de Lorraine au profit de leur fils Jean.
Michel occulte complètement le règne d’Isabelle de Lorraine !!
Les droits d’Isabelle furent contestés par son cousin Antoine de Vaudémont, plus proche héritier mâle de Charles II. Isabelle et René étaient soutenus par son beau-frère le roi de France Charles VII et Antoine par le duc de Bourgogne Philippe III. A la bataille de Bulgnéville1 (Vosges), le 2 juillet 1431, René fut fait prisonnier. Après sa libération, il négocia un traité de paix : sa fille Yolande épousa Ferri de Vaudémont, le fils d’Antoine. René II, duc en 1473, est leur fils.
Quant à René d’Anjou, le liste de ses titres et prétentions dynastiques est impressionnante :
D'abord comte de Guise (1417-1425), puis duc de Bar (1430-1480), duc de Lorraine (1431-1453) sous le nom de René Ier de Lorraine, duc d'Anjou (1434-1480) sous le nom de René Ier d'Anjou, roi de Naples (1435-1442) sous le nom de René Ier de Naples, roi de Sicile (en titre) (1434-1480) sous le nom de René de Sicile, comte de Provence et de Forcalquier (1434-1480), roi de Jérusalem en titre (1435-1480), roi d'Aragon en titre (1466-1480).
Il est aussi seigneur de Piémont, comte de Barcelone et marquis de Pont-à-Mousson (1480), ainsi que pair de France et fondateur de l'ordre du Croissant.
SECONDE PARTIE.
Second fils de Louis II, roi de Naples, succède en 1431 au duc Charles II, son beau-père. Le premier acte de son autorité fut de confirmer les privilèges de la chevalerie; privilèges auxquels son prédécesseur avait donné quelques atteintes, et que le peuple vit rétablir avec plaisir. En vain ce prince, ennemi des dissenssions et des combats, apportait-il tous ses soins in rétablir les droits et à fonder la paix ; ses jours furent destinés au trouble et à la guerre, suscités par un compétiteur puissant, Antoine, comte de Vaudémont, guerrier plein de valeur et d'habileté, qui lui disputa la possession du duché de Lorraine, comme plus proche héritier mâle du dernier duc.
Retenu captif, René ne recouvre sa liberté qu’au moyen de subsides prélevés pour sa rançon (1) ; il part aussitôt pour Naples, où l'appelle à la couronne la mort de son frère; et tandis qu'il cherche de nouveaux états en Italie, où il n'éprouve que trahisons et revers, lu Lorraine est ravagée par des aventuriers, 1440. Enfin, il revient, contraint d’abandonner la couronne de Naples à son compétiteur, il revient avec le titre de roi, qu'il transmet à ses successeurs; c'est depuis cette époque, 1447, qu'ils réunirent aussi celui de roi de Jérusalem.
Préférant un loisir tranquille à l’éclat des grandeurs et à la contention sans cesse renaissante des affaires, René d’Anjou abdique sa couronne, et se retire en Provence.
René d'Anjou institua en 1448, l’ordre de chevalerie du Croissant, nous l’invocation de St.-Maurice; il n'y avait que la noblesse titrée ou issue d’ancienne chevalerie qui pût y entrer : les statuts que fit René pour cet ordre, honorent sa religion. -- On rapporte à ce temps l’invention de l’imprimerie, dont on ne peut pas plus préciser l’époque, que faire connaître celui à qui on en est redevable. .
(1) Ce fut le premier impôt que les Lorrains supportèrent, et depuis ce temps, 1437, on continue d’en lever, réglés et ordonnés par les états. La chevalerie jouissait du privilège de ne contribuer qu'à volonté : ainsi furent perçus les subsides jusqu’au temps où la France occupa la Lorraine. Avant René, les revenus des ducs ne consistaient que dans leurs domaines.
entra en possession du duché de Lorraine en 1453. Comme son père, il fut trop tôt ravi à l’affection des Lorrains, et partagea son sort inconstant et malheureux.
Appelés à différentes époques à la tète des Florentins, des Génois, des Arragonais et des Catalans, Jean montra une hauteur de courage et une noblesse de caractère peu communes ; longtemps il obtint des avantages signalés sur Alphonse et son fils, ses antagonistes à Naples, mais il ne sut pas en profiter ; et, trahi dans ses entreprises, ses revers furent aussi rapides que l'avaient été ses premiers succès. Ce prince mourut à Barcelonne, non sans soupçons d’empoisonnement, 14762.
Jean était le prince le plus courageux et le plus entreprenant de son siècle ; le siège de Trojat, entre cent actions d’éclat, en fournit un exemple: resté seul, dans une sorte où le peu de soldats qui l’avait suivi fut pris ou massacré, il se fit jour au travers des bataillons ennemis. Un autre trait qui peint la grandeur d’âme du héros : dans un moment où de prompts secours lui étaient nécessaires, on l’exhortait à s'emparer, dans l'église de Manfredonia3, d'une cloche et de plusieurs statues en argent, qu'on eût converties en monnaies ; Jean s'y refusa par piété. Le roi de Naples ne l’imita pas.
Quelqu’étrangère que parût à la Lorraine la guerre de Naples, on vit de quelle ressource est pour un bon prince l’amour de ses peuples; les ordres de l'état, la noblesse s'empressèrent de fournir aux frais de l’expédition ; des dames engagèrent leurs pierreries, et l’on vit des femmes du peuple se défaire de ce qu’elles pouvaient avoir de quelque valeur (1).
1464. Etablissement des postes en France, par Louis XI.
1469, 1er août. institution de l'ordre de St.- Michel, par Louis XI également.
(1) Il est à observer que le courage des Lorrains fut toujours remarqué, et que partout où ils se présentèrent, par tout des actions d’éclat eurent lieu. La Lorraine eut joui d’un bonheur inaltérable, sous des ducs tels que les siens, si des guerres lointaines, quelques états chimériques ne les eussent point occupés; mais ce malheureux pays a continuellement été en proie aux grands vassaux, aux petits tyrans et aux aventuriers rassemblés, tantôt pour le compte de l’ennemi et presque toujours pour leur propre compte.
2Erreur de Michel : 1470
succéda au duc Jean, son père, en 1470; ce prince, le mieux fait de son temps, et le plus brave qu'on connût alors, était, à la mort de son père, retenu à Paris, par des liens peu dignes de sa grandeur et de la haute opinion que donnèrent du lui sa libéralité et son courage; mais au nom de patrie et de gloire, il oublie ses faiblesses, et vole en Lorraine, pour périr trois ans après dans des convulsions qui firent violemment soupçonner qu'il mourait de poison: les larmes du peuple furent sans doute le plus bel ornement de ses funérailles, qu'on dit avoir été faites avec beaucoup de magnificence. Sa déclaration de guerre à Louis XI, ou sa conduite envers les Messins, tout en faisant douter si elles n’influèrent point sur ses destinées, contrastent singulièrement avec cette bravoure, cette libéralité qu'on a dit former son caractère (1).
(1) Nicolas d'Anjou cachait depuis longtemps de grands desseins sur la ville de Metz2: il se présenta devant cette ville dans l'intention de la surprendre, aidé de Krantz, capitaine hardi et entreprenant. Ce dernier, déguisé en marchand, entre dans la ville, suivi de plusieurs charrettes, chargées de tonneaux remplis de soldats : il a déjà tué les premières sentinelles ; et par ses cris de victoire il s’attend à voir paraître le duc Nicolas, qu’une armée de 10 000 hommes accompagnait, mais les bourgeois ont pris l’alarme, de toutes parts ils accourent, repoussent les soldats de Krantz, qui seul, avec une valeur extraordinaires, protège leur retraite; enfin, couvert de blessures, ce brave et imprudent capitaine est pris et lâchement massacrés par les Messins.