Histoire de la Lorraine. Liste des ducs selon Michel. De Ferry III à Charles II (1251-1431)
Au début de son dictionnaire des communes de la Meurthe, Michel publie un abrégé des l'histoire de la Lorraine avec la liste de ses ducs, que je reproduis ici. J'ai ajouté des illustrations : Wikipedia, Gallica, photos personnelles, reproductions de timbres-poste.
J'ai respecté l'orthographe autant que possible. J'ai toutefois adopté des règles actuelles d'écriture des nombres, en remplaçant par exemple 123,456 par 123 456.
Les notes hors-texte sont de moi.
J'ai ajouté en dessous du nom de chaque duc les dates de naissance, accession au duché et décès.
succède au duc Mathieu, son père, en 1251. Durant la minorité de ce prince, la duchesse, sa mère, fut tutrice et régente ; sous elle on se battait, non pour la gloire, mais pour le pillage et le butin; la duchesse s'était adjugé la quatrième partie des prises.
Dès que Ferry eut quinze ans, époque de la majorité des ducs, suivant l’usage du pays, il débuta par des actions de modération et de justice. Il donna ses soins à agriculture, et allégea le joug de l’esclavage, apportant à ce noble devoir une âme forte et sensible (1): ce trait fait assez son éloge, je laisserai à l’histoire ses exploits guerriers (2).
(1) Il faut dire à l’honneur de l’église qu’elle fut la première à faire poindre l’aurore de la liberté, 1251; les seigneurs l’imitèrent. en 1258. Déjà en 1096, la servitude avait été abolie on Allemagne: on dut ce bienfait aux croisades
(2) Sa prison de cinq ans dans la tour de Maxéville, en 1283, et, suivant d'autre historiens en 1302, la découverte du lieu de son emprisonnement et de sa délivrance par le moyen d’un couvreur, annobli à cette occasion, est un fait entièrement démenti par la plupart des historiens contemporains.
C'est seulement sous le règne de Ferry II, que le corps de la chevalerie de Lorraine, aussi ancienne que la maison régnante, paraît clairement distinguée du reste de la noblesse. Ce corps, qui représentait l'Etat, et qui joignait à la science militaire la connaissance des lois, jugeait souverainement dans les assises : du tribunal de la justice il passait à la tête des armées. Un chevalier avait le droit de plaider lui-même sa cause, celle du son ami et celle des pauvres : hommage précieux rendu à l’humanité! Ce corps illustre subsista jusqu’au temps où la Lorraine devint la conquête de la France (1).
(1) Voyez Charles IV, Aussi puissant que les ducs, ces chevaliers les traitaient souvent d’égal à égal, et les jugeaient même: ou voit un Lenoncourt promettre à Ferry de ne le pas gager devant les assises, à moins que lui ou ses officiers ne lui refusent la justíce. Les quatre plus anciennes maisons de Lorraine, aussi anciennes que l’état même, et dont une existait encore à la révolution, étaient celles des Châtelet, de Ligniéville, de Lenoncourt et d’Haraucourt. Pour être fait chevalier; il suffisait de la noblesse depuis deux ou trois générations : il y avait des chevaliers Bannerets, .c'étaient les plus puissans, qui entraînaient plusieurs gentilhommes sous leur: bannières; les autres, sans fortune, seuls, libres de leur personne, cherchaient les aventures, on les nommait Bacheliers. Voyez le règne de Charles III.
1270. Saint Louis meurt de la peste devant Tunis; les malheurs qui terminèrent son expédition, éteignirent l’enthousiasme des croisades.
1282. Fameuses Vêpres siciliennes.2
1285. Mort de Philippe-le-Hardi, roi de France; c’est de son règne que datent les premières lettres d’anoblissement. Léonard de Pise3 apporte en Europe l'arithmétique et les principes de l’algèbre, c’est-à-dire de l’usage des lettres dans le calcul, qu'i1 apprit des Arabes à Burgir4 en Afrique.
1289. Découverte en Pologne des premières salines.
1292. Ferry fait construire un château à Plombières, afin de protéger les malades qui viennent y chercher un remède à leurs maux : il en confia la garde à son fils.
1299. Origine de la maison Ottomane actuelle5. -Invention des moulins à vent: celle des moulins à eau date de l’an 555.
1 Connu aujourd’hui comme Ferry III https://fr.wikipedia.org/wiki/Ferry_III_de_Lorraine
4 Bejaïa en Algérie
signala son événement au trône de son père, en 1308, par un acte de fermeté envers sa noblesse : de nouveaux privilèges lui étant refusés, elle parut en armes de tous côtés; Thiébaut, quoique fort jeune, marcha à elle, la battit, et la punit par la réduction de ses privilèges dans d’équitables bornes : il voulut que ses nobles fussent aussi des sujets.
Thiébaut fut en guerre avec le comte de Vaudémont l’agresseur, ou en ignore le sujet; réduit à demander la paix, on la cimenta par un mariage, 1305. Plus heureux dans la guerre que lui fit l’évêque de Metz, quatre ans après, à l’occasion de subsides, destinés à armer contre les infidelles, il remporta sur les Messins une victoire complète, et fit prisonniers les comtes de Bar et de Salm, leurs alliés. Thiébaut mourut en 1312, revenant d’Italie, d'où il apporta le germe de sa mort (1).
(1) Un trait de ce prince caractérise son amour pour la gloire : il était en Flandre à l’armée de France contre les Flamands; apercevant dans le mêlée un soldat français qui après s’être arraché du milieu d'une troupe ennemie, tuait des Flamands avec leurs propres armes il court, embrasse le soldat et lui donne l’agraffe de rubis qui attachait son armure.
La perte des templiers, résolue au concile de Lyon, en 1310, remplit d'horreur ce moment du 14e siècle: on sévit sur leurs terres. Une vie manuscrite du duc Thiébaut assure qu'il y eut plusieurs templiers exécutés en Lorraine, et qu'un village fut entièrement détruit (1).
1308. Origine de la république helvétique. Trois cantons se révoltent contre la maison d'Autriche : l’empire reconnut la souveraineté des Suisses à la paix de Munster ; c'est à l’époque de la conjuration des Suisses, arrivée en 1307, que l’on rapporte l’histoire de Guillaume-Tell, qui n’est pas très-certaine.
(1) Quelques historiens prétendent qu’on se contenta en Lorraine de les disperser dans les monastères pour y faire pénitence, avec une pension prise sur les revenus de leur ordre. Quoi qu'il en soit, Philippe-le-Bel a fait brûler le grand-maître de cet ordre, et soixante chevaliers.
fils aîné du duc Thiébaut, est à peine entré en possession du duché de Lorraine, que de grandes inondations, causées par des pluies excessives, perdent les récoltes, et détruisent les habitations. Une famine affreuse et des maladies pestilentielles succèdent à ce fléau; on dévore des hommes et les cadavres desséchés des gibets !!! La troisième partie de la population succombe: longtemps encore les peuples furent effrayés de cette épouvantable calamité. Ferry fit la guerre avec divers succès pendant presque tout le cours du son règne, contre les comtes de Bar, de Deux-Ponts, et les évêques de Metz et de Strasbourg. Son attention à ne manquer aucune occasion de signaler son courage, lui fit donner le surnom de Lutteur.
La reconnaissance décida du grand nombre des événemens de ce prince. Prisonnier au combat de Mulhdorff2, livré à la Bavière, Charles-le-Bel lui avait procuré la liberté : Ferry, en défendant la cause de ce monarque périt à la bataille de Cassel3, où les flamands furent défaits; beau dévouement à l'amitié
Un acte, donné dans ce temps, fit connaître que le vassal était valablement et assez fréquemment pris, gagé et contraint en place de son seigneur ; comme un bien appartenant à ce dernier
1308 Mariage de Ferry avec Isabelle d’Autriche, qui ne contribua pas peu à cimenter l’étroite union qui a toujours subsisté entre les maisons d'Autriche et de Lorraine.
1316. Clément V était mort depuis deux ans et les cardinaux irrésolus dans leur choix; conviennent de s’en rapporter à Jacques d’Ass ??4, évêque de Porto, qui répondit ego sum papa : la nomination fut unanimement approuvée.
1 Ferry IV actuellement https://fr.wikipedia.org/wiki/Ferry_IV_de_Lorraine
fils de Ferry, lui succéda en 1329. Animé par cette bravoure qui fit son caractère et qui enflammait sa jeunesse, il prit la croix et vola à Gibraltar, pour combattre les Maures d’Espagne, que les Chrétiens n’avaient pu soumettre par près de 600 ans de combats et de victoires, et qu’une campagne ou deux avaient rendus maîtres de cette florissante monarchie ; il y fit des prodiges de valeur : plus de 200 000 infidèles périrent2 1340; on dut ce succès à Raoul. Aussi preux chevalier que grand guerrier, il parut dans tous les tournois avec un éclat et une valeur effacèrent tous ses rivaux.
Edouard d’Angleterre avait pris terre en Normandie: la voix de l’amitié, héréditaire alors entre les princes Lorraine et les rois de France, appelle, en 1346, Raoul près de Philippe. Un combat des plus sanglans, des plus mémorables, se donne à Crécy; les foudres3 de la guerre pour une des premières fois se font entendre. Nul ne pénétra si avant dans les bataillons ennemis que Raoul, qui fit en ce jour des actions d'une valeur extraordinaire : son corps fut trouvé parmi les morts, le plus avancé d côté de l'ennemi.
L’histoire dit que sous le vaillant et magnanime Raoul, on ne vit en Lorraine que ravage et qu’incendie, tristes effets des petites guerres auxquelles le plus léger mécontentement déterminait dans ces premier; temps nos ducs et les princes, leurs voisins ; mais elle dit aussi que Raoul honora sa maison et son pays, et que longtemps sa perte jeta la Lorraine dans la consternation.
2 Bataille de Tarifa. l’armée mérinide ne comptait que 67 000 hommes.
3 débuts de l’artillerie
fils de Raoul, hérite du duché de Lorraine en 1346 : né vertueux, comme son glorieux père, il se montra, dans tout le cours de sa vie, brave, prudent et juste. Sous un prince rempli d’aussi belles qualités, la Lorraine eût dû être heureuse ; mais une valeur téméraire le porta continuellement à des exploits lointains. La bataille de Poitiers2 lui fut honorable et des plus périlleuses; il y fut fait prisonnier avec Philippe de Valois : libre par le traité de Bretigny, en 1360, il vole, trois ans après, sur la Vistule, livre aux Sarrasins un combat mémorable et les soumet3. Fait de nouveau prisonnier en 1364, avec le valeureux du Guesclin, à la bataille d’Aurai4, où le roi Charles5 fut tué; remis presque aussitôt en liberté, il ne revient en Lorraine que pour être témoin des maux affreux dont elle était déchirée. A la suite de ravages causés par le comte de Vaudémont et des aventuriers , une peste était survenue et avait réduit le peuple dans un état d’épuisement et de misère tel qu'il n'y avait' pas une famille qui ne fût frappée du sceau de la plus effroyable misère. Jean, dont Puma élevée et courageuse le rendait supérieur aux événements du siècle, s'attacha à adoucir, par la piété et la bienveillance, les maux dont ses sujets étaient déchirés. Mais l’histoire peut-elle taire que l’esprit d'un siècle barbare rendit sanguinaire ce prince doux et humain! sous lui périrent par le supplice du feu plusieurs Vaudois aveuglés sur la religion. Enfin, Jean mourut de poison, si l'on en croit quelques historiens, après s’être signalé en Flandre, comme il ne préparait à passer en Italie.
2 en 1356, défaite cuisante des troupes françaises, commandées par Jean II, fils de Philippe de Valois.
3 Les Sarrasins sur la Vistule !!! ????
5 Charles de Blois, qui n’était pas roi !!
Bertrand du Guesclin
succéda au duc Jean; son père, en 1390 (1). Né bouillant et hardi, tout prit un air martial sous la règne guerrier de ce prince. Il se signala contre les mahométans d'Afrique, sur lesquels les Français remportèrent une victoire complète en 13922, il défit l’armée prussienne près de Vilna3, s'empara de son roi, 1399, et donna fièrement sur Louis, duc d'Orléans, en armes pour Veneslas4. Le choc fut rude, le combat opiniâtre ; mais enfin, l’armée française fut enfoncée, quoique bien supérieure en nombre, 1407 (1)5. Ennemi généreux, Charles secourut depuis la France avec la même valeur lui en faisait repousser les attaques.
Sous son règne, les arts commencèrent à fleurir ; il fit agrandir la ville de Nancy, 1431 : à côté des égarements de sa jeunesse, l'histoire retrace ses vertus qui le rendent bien supérieur à son siècle.
(1) On ne trouve point de Charles Ier, duc héréditaire de Lorraine. La chronique aura probablement compté Charles de France, qui ne fut que duc bénéficiaire et seulement de la Basse-Lorraine.
(1) L’histoire rapporte que le maréchal de Luxembourg, les comtes de Saarwerden, de Salm et de Sarbruck avaient, avant la bataille, sommé Charles de leur préparer à dîner dans son palais ; : ils dînèrent en prison.
C’est de son temps que parut Jeanne d'Arc, surnommée la Pucelle d’Orléans, née à Domremy, près de Neufchateau. Présentée à Charles VII, elle s’arma et parut à la tête des troupes : soit enthousiasme, soit merveilleux, le soldat marcha avec audace sous ce chef extraordinaire. Elle fit lever le siège d’Orléans, plaça le roi de France sur son trône, après l’avoir fait sacré à Reims; et prise par les Anglais, l’héroïne de la Lorraine périt sur l’échafaud, à Rouen (2)
1418. Réunion du comté de Bar à la Lorraine.
1421. Enlèvement par les Lorrains du corps de saint Sigebert6, pris dans l’abbaye de Saint- Martin près Metz, et transporté à Nancy.
(2) On lui a élevé une statue à Domremy; l’inauguration s’en est faite le 10 septembre 1820.
La Lorraine à produit d’autres héroïnes ; voyez Laneuveville-devant-Nancy et Vaudémont
2 Expédition de Tunis en 1391.
3 Vilnius. Aux côtés des Chevaliers teutoniques contre les Baltes (Borussiens ou Prussiens).
4 !!! ???
5 Dans le conflit qui oppose en France les Armagnacs partisans de Louis d’Orléans aux Bourguignons de Jean Ier, Charles II soutient ce dernier. Bataille en 1407 à Corny-sur-Moselle.
6 Sigisbert III, roi d’Austrasie https://fr.wikipedia.org/wiki/Sigebert_III
Jeanne d'Arc dans la philatélie française
Les autres héroïnes de l'histoire de Lorraine