Histoire de la Lorraine. Liste des ducs selon Michel. De Gérard d'Alsace à Mathieu II. 1048-1251
Au début de son dictionnaire des communes de la Meurthe, Michel publie un abrégé des l'histoire de la Lorraine avec la liste de ses ducs, que je reproduis ici. J'ai ajouté des illustrations : Wikipedia, Gallica, photos personnelles, reproductions de timbres-poste.
J'ai respecté l'orthographe autant que possible. J'ai toutefois adopté des règles actuelles d'écriture des nombres, en remplaçant par exemple 123,456 par 123 456.
Les notes hors-texte sont de moi.
J'ai ajouté en dessous du nom de chaque duc les dates de naissance, accession au duché et décès.
PREMIÈRE PARTIE.
comte d'Alsace, premier duc héréditaire de Lorraine, commença à régner en 1048 : l’origine de sa maison se cache dans les révolutions du 7°. siècle. Sa puissance lui fut disputée par Godefroy, duc de la Basse-Lorraine. Gérard fut vaincu et fait prisonnier; mais tout fut pacifié par l’entremise de Léon IX2, et Gérard d’Alsace reçut l’investiture de son duché. Il mourut, après un règne de 22 ans, laissant, dans sa piété, dans sa valeur et dans la sagesse de son gouvernement, un modèle à ses successeurs (1).
L’opinion des millénaires3 (2), répandue sur la fin du 10e siècle, porta une épouvante générale : le 11e siècle parut, il sembla qu'une nouvelle vie ranimait le peuple; mais ce peuple était vassal de ses biens ou de un personne, s'il n’avait quelque propriété : tout appartenait au seigneur, la terre et le cultivateur. Le maître avait sur ses sujets le droit terrible de vie et de mort; et si quelques lois voulurent la venger, le moindre argent suffisait toujours pour la payer. Comme la servitude décourage, anéantit l’industrie, on ne voyait dans ces temps malheureux ni l’agriculture ni le commerce fleurir; les bourgades communiquaient à peine entre elles.4
(1) Les premiers ducs de Lorraine résidaient à Chatenoi; cependant, Thierri habita les environs de Nancy, ainsi que Simon, son successeur. Ferry III fut le premier qui eut un palais à Nancy, dans l’emplacement du monastère des dames prêcheresses.
(2) Qui prétendaient que le monde devait finir avec le 10e siècle
2 Ancien évêque de Toul https://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9on_IX
3 on dirait aujourd’hui millénaristes
4 L’existence de ces terreurs de l’An Mil fait aujourd’hui débat.
https://www.lhistoire.fr/les-terreurs-de-lan-mil-ont-elles-exist%C3%A9
son fils aîné, entra en possession du duché de Lorraine en 1070 ; il reçut de son précepteur Adalberon, évêque de Metz, la fermeté d'esprit, l’amour de la justice et de l’ordre qui formèrent son caractère. Sa bravoure lui valut le surnom de Vaillant ; mais le grand exemple de modération et d'humanité qu'il montra envers ses ennemis, et la grandeur d’âme qu'il fit paraître à l’égard de son frère (1), lui durent celui de Magnanime.
Thierri se couvrit de gloire dans la guerre contre les Saxons, entreprise par Henri, et, comme cet empereur, il fut frappé des foudres spirituels par Grégoire VII, au sujet des investitures2.
Sous son règne, Pierre l’Hermite prêche la. première croisade3: 300 000 personnes s’enrôlèrent pour passer en Palestine. Thierri avait pris la croix; mais la faiblesse de sa complexion ne lui permît pas de passer en Terre-Sainte : il mourut regretté de ses peuples
1095. Concile de Clermont en Auvergne, où il fut décidé que le nom de pape, auparavant commun à tous les évêques, serait un titre de dignité, que le seul évêque de Rome porterait (1)
(1) Gérard de Vaudémont. Leurs différens ne purent. être terminé; que par l'entremise de l'empereur, qui érigea en faveur de Gérard, la terre de Vaudémont en comté. Ce comté subsista quatre siècles ; voyez l’introduction.
(1) Dans le 6e siècle, les premiers pasteurs étaient communément appelés papes et dans le 11e. ils précédaient encore les cardinaux.
1106 et 1110 - Origine des commues. On appelait ainsi les nouvelles sociétés que formaient entre eux les bourgeois des villes, par la concession de leurs seigneurs, pour se garantir de la violence de la noblesse et du clergé : de là, la naissance des corps des villes.
1 Connu comme Thierry II de Lorraine https://fr.wikipedia.org/wiki/Thierry_II_de_Lorraine
fils du duc Thierri, commença à régner en 1115. Il était à peine sur le trône de Lorraine, qu'il eut å résister aux forces réunies de l’évêque de Metz et du comte de Bar, qu’il soumit après une succession de revers et de succès. La carrière de ce prince fut bornée ; il mourut en avril 1138, à son retour d’Italie, où il était allé à la tête des armées impériales, contre Roger2, Roi de Sicile. Simon Ier était un prince recommandable par toutes les vertus qui font un bon souverain. Voilà ce que dit de lui l'histoire; mais un titre tout aussi glorieux, c'est la qualité d'ami de saint. Bernard (2) et de saint Norbert ; il eut en différents temps le bonheur de les posséder à sa cour.
(2) Peu d'hommes ont joui d'une aussi grande considération que saint Bernard : il était l’oracle de son siècle.
Saint Bernard
son fils, parvint au duché de Lorraine en 1159. Il accompagna son beau-frère, Frédéric-Barbe-Rousse, à la guerre de Lombardie, et se trouva aux sièges de Milan et de Plaisance, en 1160 ; de retour dans ses états, il eût de grands démêles avec Henri, son oncle, évêque de Toul : Mathieu s'étant saisi de biens de l’église, fut excommunié. Pour expier ses torts, il entreprit le pèlerinage de St.-Jacques, qu'une maladie ne lui permit pas d’achever. Son règne n'offre que quelques courtes guerres, et un grand nombre de fondations pieuses.
On vit alors une grande famine: l’évêque de Toul vendit jusqu'à ses meubles pour secourir les malheureux.
C'est sous Mathieu II que fut prêchée la seconde croisade2 : elle eut un succès prodigieux (1)
(1) Dans son enthousiasme, saint Bernard écrivait au pape Eugène III: « Les villes et les châteaux deviennent déserts, et l’on voit par-tout des veuves dont les maris sont vivans »
fils aîné du duc Mathieu Ier succéda à son père en 1176 : il était jeune, mais son âme était des plus belles ; la justice et la générosité présidaient à toutes ses actions ; il ne mit l’épée à la main que pour défendre ses états contre les Messins, pour secourir l'évêque de Verdun et le comte de Bar et pour soumettre son frère, Ferry de Bitche, mécontent de son apanage. A un généreux pardon, Simon II, préférant le repos de son peuple au triste avantage de triompher d’un frère, y joignit plusieurs fiefs ; il fit plus, plein d’amour pour la retraite et la piété; il prit la résolution d'abdiquer en sa faveur.
Il tint à son peuple, la promesse qu'il lui avait faite lors de son avènement, de le gouverner avec équité. Ami de l’opprimé, il lui servit de barrière contre l’oppresseur, et fut le chevalier de tous les malheureux. Sa réputation de droiture était telle, que ses voisins remettaient à son jugement leurs plus importantes affaires; ses réglemens pour modérer le luxe de la noblesse et réprimer la licence des troupes, suffiraient pour éterniser sa mémoire (1)
Ces réglemens, comme les plus anciens monumens du pays, furent pris ou brûlés. Dans une charte, donnée un commencement de son règne, il y dit : « Qu'il tient ses états de la bonté de Dieu et des prières des gens de bien; qu'en reconnaissance Il doit donc être le défenseur des églises, le consolateur des pauvres, le protecteur et l'appui des orphelins et des veuves. »
Sous son règne se fit la troisième croisade (1187) : elle n’eut que de fâcheux résultats. Les annales de ce temps ne sont remplies que d’excommunications portées contre les seigneurs qui avaient des démêlés avec les églises. Dans toute la Lorraine, on terminait encore les procès à coups de mains3 ; ces combats avaient lieu en présence de juges, et le vaincu était coupable!
2 Date de l’abdication
Ferry de Bitche n’hérita pas du gouvernement de son frère, comme quelques historiens l'ont avancé : quoiqu'il ait pris le titre de duc, il n'en eut point l’autorité; Ferry, son fils, eut cette qualité, et régna à la retraite de son oncle en l'an 1205.
Le comte de Bar, mécontent de l'alliance de son gendre, Ferry Ier., avec l’évêque de Metz, désole. les terres Lorraines. Ferry use de représaille; il est fait prisonnier, et n’obtient sa liberté qu’en cédant des places importantes qui établissent le comte de Bar au cœur de la Lorraine ; mais une expédition contre les Albigeois, délivre Ferry du despotisme de ce dernier. Le règne de Ferry Ier se borne à un acte de bravoure au siège d'Agueneau, qu’il prit sur Othon IV, et à un trait d’humanité envers les habitans de Saint-Diez. On a vanté sa bienfaisance et ses libéralités: éloge que l’intérêt pourrait bien avoir seul dicté.
succède à Ferry, son père, en 1215. La chronique le peint comme le prince le plus violent, mais le plus libéral et le plus beau de son siècle ; elle lui reproche la mort de Mathieu de Toul, son oncle, qui menait, il est vrai, une vie indigne de son caractère et de sa naissance, mais elle donne à ce prince son tribut d'admiration pour les legs pieux qu’il institua et pour les prodiges de valeur qu'il fit à la bataille de Bouvines2.
Flatté par quelques projets d’ambition, ce prince voulut d’agrandir du côté de l'Alsace ; ses entreprises eurent des suites bien funestes : fait prisonnier et emmené en Allemagne, il n’obtint sa liberté qu'en cédant plusieurs terres de son duché, et en assurant une rançon considérable, dont l’évêque de Metz se rendit garant. Une mort déplorable l’enleva un un après, à la fleur de son âge
(1) C'est à sa mort, que s’éteignit la dignité de comte de Metz, qu'avaient eue jusqu’alors les ducs de Lorraine ; voyez l’introduction à cette histoire de Lorraine.
1 N’est pas mentionné par Michel
2 A l’époque deux princes s’affrontent pour la couronne du Saint-Empire : Otton IV de Brunswick et Frédéric II de Hohenstaufen. Thiébaut soutient le premier et combat à ses côtés à Bouvines, en 1214, contre le roi de France Philippe II Auguste. Otton est fait prisonnier, et Thiébaut s’opposera ensuite à Frédéric à propos de la succession de Champagne. Après son expédition en Alsace, la Lorraine est envahie par Frédéric, la comtesse de Champagne et le comte de Bar. Nancy est incendiée, et Thiébaud est assiégé dans le château d’Amance où il s’était réfugié.
J’ai publié ailleurs un bel exemple de contresens historiques à propos de cette dernière affaire :
https://amance.over-blog.com/2018/05/combats-pour-amance-ne-pas-plaquer-1914-sur-1218.html
Bataille de Bouvines
hérita en 1220, de son frère Thiébaut, mort sans enfant. On vit sous ce prince l’abaissement de plusieurs vassaux trop indépendans ; une ligue jurée contre le comte de Bar, dont l’humanité eut à gémir des maux incalculables qu’elle occasionna ; et, treize ans après, une guerre aussi funeste, entreprise contre les bourgeois de Metz, à la suite de laquelle Mathieu investi dans la retraite où il s'était retiré, est réduit à demander la paix. Ce duc mourut avec la réputation d'un des plus grands princes de son temps, ayant donné des preuves de valeur, de sagesse, de justice et de libéralité (1).
C’est nous ce prince qu’on créa en Lorraine des tabellions ou notaires, et qu'on vit les actes publics écrits en langue vulgaire, c’est-à-dire en français dans le Roman-Pays, et en allemand dans la Lorraine allemande. 1250. St. Louis est fait prisonnier en Égypte, à la suite de la bataille de Massoure2.
(1) S’il faut en croire le P. Saleur, Mathieu aurait fait écorcher vif un gouverneur qui avait prévariqué dans sa charge, en cette charge aurait été donnée au fils, qui dut rendre la justice assis sur la peau de son père, afin qu’il redoute un pareil supplice.