Histoire d'un officier français qui ne voulait pas être prisonnier.
Le 17 juin 1940, Philippe Pétain avait appelé à la radio à cesser le combat. Cet appel encourage de nombreux soldats à déposer les armes.
Le lendemain 18, le général de Gaulle appelle depuis Londres à continuer ce combat.
Le 19 juin, Albert Contal, mon beau-père, continue à se battre du côté de Faucogney (Haute-Saône).
Que fais-tu ? " Lui demandai-je.
"Je reste avec le colonel." Me dit-il.
"Alors, vous allez vous laisser prendre ici ?"
II hausse les épaules, désespéré. Je lui serre la main et lui dit à peine au revoir, ne voulant pas lui laisser voir que je pleurais.
Je me dirige vers un pain de sucre qui domine Ferdrupt, au nord de ce village, voulant gagner Gérardmer.
Sur la pente, je rencontre un groupe de soldats parmi lesquels se trouvaient Domptail, l'ordonnance du capitaine Bonnet et Géhin André. Aucun officier n'est avec eux. Ils ne savent que faire, disant qu'ils doivent aller dans la montagne. Je leur dis de ne pas se rendre et de venir avec moi. Nous montons et couchons sous les sapins en haut du pain de sucre. Nous trouvons des tracts lancés d'avion. "Armée d'Alsace, ne renouvelez pas le désastre de Dunkerque. Soldats, vous êtes encerclés. Cessez la lutte, vous regagnerez rapidement vos foyers."
Juin 1940. Des combats à front renversé près de Luxeuil (1/) - Le blog de François MUNIER
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Albert Contal prend alors une décision incroyable : ne pas se rendre, rentrer à pied à Nancy, avec quelques camarades pour retrouver sa famille. Une fois arrivé, il a une mauvaise surprise : on lui dit qu'il aurait dû se laisser prendre, qu'il n'a pas été démobilisé dans les règles, et qu'il ne peut donc pas retrouver son poste d'instituteur.
Il décide alors d'aller se faire démobiliser à Bourg-en-Bresse, en traversant, dans les deux sens, deux lignes de démarcation :
- celle entre la "zone fermée ou réservée" et le reste de la zone occupée
- celle entre cette dernière et la zone libre.
Il a raconté son histoire.
Au matin, nous partons à travers la montagne, guidés par Géhin André, bûcheron de Cornimont. En route, nous avons la chance de trouver des boîtes de conserve, des fuyards s'en étant délestés sans doute. Le même jour, nous arrivons à un petit hangar, en pleine forêt, au sud de Travexin. Géhin va en reconnaissance dans une petite ferme habitée par sa sœur.
Quand il revient, il nous annonce que Gérardmer est occupée. Je décide donc de rester provisoirement à cet endroit. Nous avons du foin pour dormir, de l'eau d'un clair ruisseau et des conserves pour quelques jours. Les Allemands recherchaient les soldats dans la montagne, mais nous sommes bien abrités à flanc de coteau et cachés entièrement par les sapins.
La nourriture commence à faire défaut. Géhin allait au ravitaillement, mais dans ce coin si pauvre, il ne peut y suffire. Je prends la décision de nous diviser par groupes de 2 ou 3, pour rejoindre des Français qui, croyons-nous, poursuivaient la lutte. Nous n'avions aucune connaissance de l'armistice, la sœur de Géhin n'ayant pas de poste de T.S.F. Au soir de cette journée, nous ne sommes plus que trois sur 26 (Géhin, Domptail et moi ). J'ai décidé de partir le 26 au matin vers le nord. Géhin m'a apporté une carte de calendrier du département des Vosges.
Avec l'aide de sa sœur, Géhin va chez lui à Cornimont. Domptail reste avec moi.
Nous partons dans la montagne, à travers bois. Une grosse pluie survient. Heureusement, de la fumée sort de la cheminée d'un petit refuge. Nous observons. Ce sont des Français, six soldats du 20ème train, qui l'occupent. Ils nous apprennent que la radio avait annoncé l'armistice. L'un d'eux, habillé en civil, allait travailler dans une ferme et avait rapporté la nouvelle. Grande fut ma peine. Nous nous déshabillons complètement pour sécher nos vêtements trempés. Les six soldats voulaient rester là un moment. Je leur recommande de ne pas se rendre car la guerre n'est pas finie. Je décide alors de regagner Nancy pour avoir des nouvelles de ma famille et d'emmener Domptail chez lui à Roville aux Chênes, près de Rambervillers, en passant.
Le lendemain 27, nous continuons vers le nord. Près de Rochesson, nous devions passer une route où circulaient sans arrêt des convois allemands. Nous entrons par derrière dans une maison en bordure de la route, chez Madame Germand qui eut bien peur en nous voyant mais ne voulut pas nous laisser prendre. Elle avait des fils soldats, dont elle était sans nouvelle. Sur notre demande, elle nous cherche de vieux vêtements et nous transforme en bûcherons vosgiens. Elle nous ravitaille. Je ne peux la payer, car j’avais vidé mon portefeuille pour le prêt des soldats, vous aussi d’ailleurs, le 13 juin, avant de descendre de la ligne Maginot, le comptable n’ayant plus assez d’argent pour cela.
D’ailleurs, cette brave femme n’aurait rien accepté. Ainsi habillés, nous continuons en direction de Bruyères. Mais, entre Rochesson et Le Tholy, nous rencontrons des patrouilles allemandes dans la montagne. On ne nous demande rien. Aussi décidé-je de suivre les routes. Nous couchons chez un petit fromager non loin de Rehaupal. Le lendemain 28 nous voulons atteindre Roville-aux-Chênes dans la journée, malgré les ampoules qui rendent notre marche excessivement pénible. (Nous avions tordu nos chaussettes et les avions remises à demi-sèches.) nous traversons bruyères où nous sommes arrêtés deux fois, à l’entrée et au milieu. Les fritz nous demandent nos papiers. Je leur réponds en français que nous n’en avons plus et que nous regagnons nos foyers à Brouvélieures. Ils nous laissent passer. Avant ce village, nous sommes à nouveau arrêtés. C’est plus sérieux et on nous garde un quart d’heure. Mais je répète que nous allons chez nous, qu’on nous a laissé passer ailleurs. S’ils nous avaient fouillés, ils auraient trouvé nos papiers militaires que j’avais recommandé de toujours conserver. Finalement, quel soupir ! nous partons.
A Jeanménil, mes pieds me font tellement mal que nous sommes obligés de nous arrêter. Nous entrons dans une maison où j’ai la chance de retrouver un de mes anciens élèves, Charlier, chez sa grand-mère. Celle-ci nous donne de l’eau chaude pour me baigner les pieds, nous procure des chaussettes propres, nous restaure et en route. A 15 H nous sommes chez Domptail où je compte me reposer avant de repartir. Servi par la chance, je vois arriver un bonhomme qui va en auto à Nancy. Il a un laisser-passer pour rapatrier des civils. J’endosse un costume civil plus convenable et nous partons vers 6 heures ; A Jarville, un gendarme vert nous arrête. Il me demande les papiers, je lui montre le chauffeur. Il fait le tour de la voiture pour d’adresser à ce dernier et tout se passe bien ; le 28 juin au soir, j’étais à Malzéville, chez ma cousine.
Quelques jours après, j’allai trouver l’Inspecteur d’Académie à Nancy pour reprendre le travail. Il alla lui-même trouver le préfet qui répondit que je n’étais pas démobilisé et qu’il ne pouvait rien pour moi. Un peu après, je vais à la gendarmerie. J’apprends qu’on ne peut rien non plus. Le secrétaire de l’inspection me dit d’aller à la kommandantur et que, puisque je n’ai pas été prisonnier, on me délivrerait un papier me permettant de reprendre mon service. Je m’y rends seulement le 15 juillet. (Je suis complètement à la charge de ma cousine, Madame Contal étant partie en mai dans la région de Bordeaux et je n’ai plus d’argent.)
Là, à mon grand ébahissement, on me dit que je suis prisonnier car une clause de la convention d’armistice y stipulait que tous les militaires de la zone occupée par les Allemands au moment de la signature de l’armistice étaient considérés comme PG. Heureusement que le Schleu me dit de rester où j’étais mais de ne pas m’absenter. Au début d’août, je remarquai des départs d’officiers français vers l’Allemagne. Aussi, ma décidai-je à filer en zone libre ; le 13 août au matin, je pars à bicyclette ; le 15 au soir je suis en zone libre. Je me fais démobiliser à Bourg et le 21 septembre j’étais revenu à Nancy.
A Bourg, j’ai retrouvé le sergent Stoss qui ne s’était rendu que le 28 juin et évadé de Verdun. J’ai voulu le faire citer et décorer. Le Commandant du Centre de Démobilisation me dit qu’il fallait, pour cela, attendre le retour du Commandant de Cie et de Bataillon. J’étais écœuré, car j’avais vu dans le sud tout le monde décoré, dont certains n’avaient même pas vu le Boche.
Maintenant, au dépôt de PG où j’ai repris le service, je vois passer bon nombre d’Alsaciens. Je regarde si parmi eux ne se trouvent pas quelques uns de ceux qui se sont battus sous mes ordres et ont fait tout leur devoir en 40.
Je voudrais qu’on sache ce qu’ils ont fait et considère comme un devoir de le faire connaître.
Ci-joint la liste de ceux qui se sont distingués et les citations que je propose.
Sergent-chef Guislain : excellent sous-officier, plein d’allant. Au combat de Saint-Sauveur, a pris le commandement d’un groupe de F.V. pour remplacer le chef de groupe incapable. A protégé le repli des groupes de mortiers.
Sergent Guéninger. Jeune sous-officier d’une grande bravoure ; a fait continuer le tir de ses pièces malgré le tir ennemi. S’est armé d’un mousqueton pour se battre dans Saint-Sauveur. A abandonné son sac pour aider au transport des munitions de mortier.
A Faucogney, par un tir très bien commandé, a réduit au silence un canon anti-char allemand.
Sergent Stoss. sous-officier énergique et d’un grand sang-froid ; a participé à la destruction d’une colonne ennemie au combat de Saint-Sauveur.
Ayant épuisé les munitions du mousqueton qu’il avait ramassé, n’a pas hésité à aller chercher un fusil des Allemands qu’il avait tué pour continuer la lutte.
Caporaux et soldats : Kautzler, Gérard, section de mortiers, CEF 1er bataillon, Lentz, Musson, Richert, Zehner, Spies, Schlichter, Schott, Gangloff (3ème bataillon CEF) . Au combat de Saint-Sauveur, ont participé à la destruction d’une colonne ennemie en continuant à assurer le tir de leur groupe de mortiers malgré le feu ennemi. Ont fait preuve d’un véritable esprit militaire en abandonnant leurs sacs pour emporter à dos matériel et munitions, quand fut donné l’ordre de repli.
Soldat Gangloff. dans Saint-Sauveur, armé d’un mousqueton abandonné, s’est battu avec une grande énergie par les fenêtres des maisons, réussissant à découvrir un chemin de repli en direction de Faucogney.
Soldat Denis. Conducteur. Sous le feu ennemi, a réussi à rattraper un cheval qui s’était sauvé de la maison bombardée où étaient les équipages, s’est battu dans Saint-sauveur où il fut grièvement blessé à la tête.
14 août 1940.
C’est une journée particulièrement chaude, mais contrairement à ce qui est habituel dans l’Est, nullement orageuse. Par cette chaleur supportable, je pédale sans hâte, conservant le même rythme. Les kilomètres succèdent aux kilomètres. Je suis calme, décontracté, tant est grande ma certitude de réussir.
Le paysage n’existe pas. Dans mon esprit, il est remplacé par l’image d’un petit ruisseau enjambé par le canal de la Marne à la Saône, aux environs de Piépape, dans la Haute-Marne. Ce canal constitue la ligne de démarcation entre « zone interdite » et « zone occupée ». Ponts, écluses sont soigneusement gardés, mais ce petit passage ne l’est pas. Le franchir doit être aisé, le ruisseau étant peu profond à cette époque de l’année. Le renseignement mérite d’être vérifié. Vers 17 h, je m’approche du village, désireux de reconnaître de loin le passage que j’emprunterai de nuit. Sur la route, je rattrape une voiture, chargée de luzerne, conduite par un jeune homme. Je descends, marchant à ses cotés « Vous allez à Piépape ? questionnai-je ? – Oui – de l’autre coté du canal ? - Oui – Les Allemands ne vous demandent rien ? Non, ils me connaissent. J’ai un laisser-passer pour aller chercher les récoltes. – Alors, laissez moi me cacher dans votre voiture, il faut que j’aille en zone libre ! »
Je puis affirmer que l’hésitation du jeune homme fut de courte durée. « Oui, mais le vélo dit-il ?» -« Je le laisse dans une haie et vous venez le chercher » Ainsi fut fait ; il lui fallait une certaine dose de courage à ce garçon car il habitait la deuxième maison après le pont, celle qui était voisine du poste de garde allemand. Après avoir déposé le vélo derrière un buisson, je monte sur la voiture, creuse un trou et rassemble de la luzerne sur moi ; le conducteur n’est pas tranquille bien sûr ! Il monte pour vérifier l’état de mon installation et à larges brassées rend au chargement une allure parfaite. L’esthétique y gagne, mon bien-être diminue d’autant ; Cependant je m’y trouve fort bien, malgré la chaleur, tant il est vrai que les sensations produites par une même cause varient selon l’état d’esprit du moment ; après avoir parcouru quelques mètres, l’attelage fait halte ; j’entends : « Vous ne vous montrerez pas au premier arrêt, car je serai devant la maison. J’ouvrirai la grange et je rentrerai la voiture » Ainsi tout se déroule parfaitement ; le père est heureux du bon tour réalisé par son fils mais la mère ne recouvre sa tranquillité que lorsque le jeune homme revient, tout fier, sur la bicyclette. Je partage bien volontiers le repas familial et continue ma route non sans emporter quelques lettres que je dois poster en zone libre. Je couche à Selongey.
15 août 1940.
Partant de bonne heure, par une journée ensoleillée, je roule allègrement vers le sud. A onze heures, traversant Dijon, je m’arrête pour acheter des cigarettes. Entrant au bureau de tabac je m’entends appeler. La chance est toujours avec moi. Elle se manifeste par la présence d’une dame de Rosières-aux-Salines que l’exode avait poussée là. « Madame S » m’invite à déjeuner et me fournit l’adresse d’une brasserie à Chalon-sur-Saône où des indications me seraient données. La route est belle et facile entre Dijon et Chalon, ça roule tout seul, mais un bon demi frais est le bienvenu au bord de la Saône.
Le patron m‘indique un lieu de passage. A quelques kilomètres, une petite rivière, large de deux ou trois mètres sert de frontière. Dans cette journée du 15 août, les pêcheurs sont assez nombreux sur la rive de la zone occupée. L’un d’eux me dit « C’est bon va, la patrouille a dû passer, vous pouvez y aller. ! » Il m’aide à passer mon vélo. Il est 18 heures ; je suis en zone libre. Par la suite, plusieurs évadés furent tués en cet endroit, les Allemands ayant installé un service de surveillance permanent dans la vallée.
Ce jour-là, je m’arrête à Sennecey-le-Grand et le lendemain gagne le centre démobilisateur de Bourg-en Bresse.
14 septembre 1940.
Au début de septembre, il est permis aux évacués de regagner leur demeure en zone occupée mais non en zone interdite. Je me fais démobiliser le 13 et le 14 décide de regagner la région parisienne où j’ai des amis employés à la SNCF. Cette fois, je veux faire comme tout le monde, rentrer par le train pour franchir la première ligne. C’est en pédalant entre Bourg et Mâcon que j’en prends le parti. Des papiers me sont nécessaires.
Je possède de belles photos. J’achète une carte d’identité à couverture rouge, un timbre et me rends à la mairie de Macon. Il faut rendre hommage à la compréhension des Français ! Le brave secrétaire complète les formules sous ma dictée. Je devins ainsi un nouvel habitant de Bondy (Seine). Il n’a rien exigé qui confirme mes déclarations. Avec un bon sourire, il me rend la carte ornée de ses beaux tampons et me souhaite bonne chance. Un peu plus tard, confortablement installé dans le train de Paris, je subis le contrôle à Chalon-sur-Saône. « Gut » dit l’Allemand qui vient de vérifier ma carte.
20 septembre.
La solde perçue à Bourg s’épuisant, il me faut rentrer. Un train circule en direction de l’Est via Chaumont, limite de la zone occupée. Le 20 septembre, dans l’après-midi, je sors de la gare de cette ville. Après avoir récupéré ma bicyclette, j’aborde un cheminot, lui demandant comment passer la ligne. Il me donne l’adresse d’un café à Choignes à quelques kilomètres de là. Il est environ 17 heures lorsque j’y parvins. La patronne, bien gentiment me dit « Les Allemands ont coulé les barques, je ne puis plus vous passer. Mais présentez-vous à la sentinelle. Vous lui direz que vous rendez visite à la cousine « M.. » ; elle habite de l’autre coté, sur la gauche, derrière les arbres. » Confiant, j’avance vers le soldat qui garde le pont. Présentant ma carte d’identité, je lance « Je vais voir la cousine M.. » et tente le passage. « Nein ! Nein ! bureau! Schreiben!» crie l’homme en vert. Dans le bureau voisin, le chef de poste s’exprime en français. « Alors, que désirez-vous ? – Je désire rendre visite à la cousine M.. » Elle habite de l’autre coté. – Ah ! Vous aussi ? » me dit-il en ouvrant son cahier sur lequel tous les passages étaient notés. A sa vue, il apparaît clairement que ce mobile de franchissement du pont est beaucoup utilisé. A ce moment, qui me paraît légèrement critique, je me mets à parler allemand disant que je l’ai appris à l’école mais que je n’en connais plus guère. Oh ! magie du verbe, puissance de la langue maternelle, même très écorchée ! la physionomie de du sergent se fait plus avenante. Il explique alors à son voisin que « cousine M… » est une petite femme qui habite de l’autre coté, puis me demande « Combien de temps vous faut-il ? – Oh ! une heure !- Bien, ça va, seulement vous repasserez bien par ce pont, par l’autre vous ne pourriez pas rentrer » Il note fort consciencieusement, nom, prénom, adresse, motif de passage sur son cahier et me rend ma carte d’identité. Maintenant encore je suis étonné en revivant le déroulement de cette scène. Imaginez un peu la réaction d’un Français mis à la place du chef de poste allemand. On ne peut la concevoir que suivant un cours tout différent. Je ne trouve qu’une explication. Cette pauvre « cousine M.. » qui m’est encore inconnue. Elle devait avoir mauvaise réputation.
Vers 18 h, 20 septembre.
Je franchis ainsi canal et Marne mais au lieu de me rendre chez la cousine, je pars dans un chemin sur ma droite et sans le savoir me dirige vers la ligne de chemin de fer Chaumont-Neufchâteau que j’atteins quand il fait nuit. Une gare éclairée Briaucourt peut-être ? Un dernier train vers 21 heures pour Neufchâteau. Je couche sur un divan à l’hôtel. Le lendemain, je regagne Nancy à bicyclette.
De retour en Lorraine, Albert Contal devint professeur d'éducation physique. Il s'engagea dans la Résistance (Libération-Nord).
Ces combats et la suite ont été racontés par l'historien Roger BRUGE dans le tome II de "Les combattants du 18 juin" (Fayard) :
Le lieutenant Albert Contal, chef de la section de mortiers du III/79e RIF, a appris dans l'après-midi du 20 juin, que le colonel Duluc constituait un centre de résistance au col du Rhamné. C'est le lieutenant Fix, de la section de 25 qui le lui a appris : « C'est fini, le colonel a dit qu'on prenait le maquis l — Que fais-tu? a demandé Contal.
— Je reste avec le colonel.
— Alors vous allez vous laisser prendre ici ? »
Contal :« Fix a haussé les épaules, désespéré. Je lui ai serré la main, lui disant à peine au revoir pour ne pas lui laisser voir que je pleurais. »
Le lieutenant s'écarte de la route du Thillot et s'enfonce dans la forêt avec l'intention de se rendre à Gérardmer où subsisterait une poche de résistance. Sur son chemin, il rencontre des hommes du 79e RIF, sans grades, sans ordres. Il en regroupe 26 parmi lesquels André Géhin, de Cornimont, qui connaît bien la forêt, et Domptail, l'ordonnance du capitaine Bonnet.
« II ne faut pas se rendre. Jamais ! » leur dit Contal.
Les fugitifs acceptent de le suivre. Ils se nourrissent de conserves abandonnées par d'autres. Géhin les guide et les conduit à un petit hangar proche de Travexin où habite sa sœur. La nuit venue, il rend visite à celle-ci et les nouvelles qu'il rapporte au lieutenant assombrissent le moral de tous : les Allemands sont aussi à Gérardmer, ils sont partout. La nuit portant conseil. Contal décide de la passer dans le foin du hangar. Pendant quelques jours, ils vont se reposer, buvant l'eau du ruisseau et épuisant leur petit stock de conserves. Lorsque se pose le problème de la nourriture. Contal divise son détachement en groupes de deux ou trois qui tenteront de rentrer chez eux ou d'aller vers la zone libre. La sœur de Géhin ne possédant pas la TSF, ils ne savent pas que l'armistice est signé. Géhin a apporté une carte des Vosges arrachée au calendrier des PTT et la remet au lieutenant en lui annonçant son intention d'aller chez lui, à Cornimont. Contal l'approuve, le remercie d'avoir pensé à la carte du calendrier et repart dans les bois avec Domptail.
Le 26 juin, sous une pluie battante, ils s'abritent dans un refuge où des « tringlots » ont allumé du feu pour se réchauffer. Ce sont eux qui apprennent aux deux hommes que l'armistice est entré en vigueur.
Contal : « Je décide alors de regagner Nancy pour avoir des nouvelles de ma famille, et de laisser Domptail chez lui, à Roville-aux-Chênes, en passant. »
L'officier met son projet à exécution et, une fois rassuré sur le sort des siens, prend une décision frisant l'inconscience : il veut aller se faire démobiliser en zone libre afin d'être en règle et ne plus vivre en proscrit comme il le fait depuis le 20 juin. Le plus fort, c'est qu'il réussira ! Le 15 août, il franchit la ligne de démarcation en fraude près de Chalon-sur- Saône et le 13 septembre, il est démobilisé à Bourg-en-Bresse.
« Je suis rentré à Nancy le 23 septembre, écrit-il, ayant passé la ligne de la zone occupée dans le train grâce à une carte d'identité établie à Mâcon, et celle de la zone interdite à Choignes, près de Chaumont, celle-là plus difficilement. Démobilisé, j'ai pu reprendre mon poste d'instituteur »
Les combattants du 18 juin Tome 2 ; les derniers feux
Succédant à un prodigieux tome 1, " Le sang versé ", tout foisonnant d'événements enfin tirés des oubliettes de l'Histoire, le tome 2 des COMBATTANTS DU 18 JUIN _ " Les derniers feux " _ ouvr...
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