Dictionnaire de Michel. Les derniers ducs de Lorraine. François III et Stanislas. 1729-1766
Au début de son dictionnaire des communes de la Meurthe, Louis-Antoine Michel publie un abrégé des l'histoire de la Lorraine avec la liste de ses ducs, que je reproduis ici. J'ai ajouté des illustrations : Wikipedia, Gallica, photos personnelles, reproductions de timbres-poste.
J'ai respecté l'orthographe autant que possible. J'ai toutefois adopté des règles actuelles d'écriture des nombres, en remplaçant par exemple 123,456 par 123 456.
Les notes hors-texte sont de moi.
La présentation des ducs à partir de René II me semble plus sujette à caution que celle des ducs du Moyen-Âge (ou je connais mieux cette période)
J'ai ajouté en dessous du nom de chaque duc les dates de naissance, accession au duché et décès.
J'ai tout d'abord travaillé sur une version mise en ligne par Google Books, puis cette dernière étant incomplète (il manquait deux pages), j'ai consulté le site de la BNF. J'aurais dû le faire avant : la version en ligne est de bien meilleure qualité, l'OCR est intégré.
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La Pologne qui, unie à la Lituanie2, avait été une puissance majeure en Europe, avait perdu beaucoup de sa puissance. C’était une monarchie élective, où la noblesse est très puissante, et soumise aux influences étrangères, notamment celles de la Russie et de la Pologne. Stanislas Leszczynski est le protégé des Suédois, contre les Russes. Il fut roi de 1704 à 1709 et remplacé à cette date par Auguste II de Saxe, protégé des Russes (Pierre le Grand). Il maria sa fille Marie au futur roi de France Louis XV. Il tenta un retour sur le trône en 1733, soutenu par la France, et échoua.
Il s’ensuivit un marchandage à l’échelle européenne :
- Stanislas renonce au trône de Pologne, en gardant toutefois le titre ;
- il reçoit en compensation les duchés de Lorraine et de Bar à titre viager, à sa mort les duchés reviendront à la France ;
- François III de Lorraine reçoit en compensation la Toscane (le dernier Médicis n’avait pas d’héritier)
- la France donne son accord à son mariage avec l’archiduchesse Marie-Thérèse, héritière des possessions des Habsbourg.
Ce qui permet à la France d’incorporer l’enclave lorraine, déjà bien amputée par les guerres précédentes.
fils de Léopold, monta sur le trône de Lorraine en 1729. La sensibilité qu'il montra à la mort de son père, fit présager ce qu'il devait être un jour : il ne fit aucun changement dans le gouvernement ; et si quelque chose fut capable de calmer la douleur publique, ce fut de retrouver dans le fils ces grandes vues du bien public qui avaient été l'âme de toutes les actions du père. Comme Charles II, François se fit remarquer dans une foule d'occasions éclatantes, et comme Charles III, économe de son bien et avare de celui de ses sujets, il imposait avec modération et donnait avec discernement : jaloux des bienfaits qu'il aimait à répandre, lorsqu'on s'y attendait le moins, on le vit comme Léopold aussi sourd aux sollicitations et à l’importunité, qu'attentif à prévenir le mérite et à récompenser les services.
François III fut le dernier prince de l'auguste maison de Lorraine qui ait gouverné ce pays.; 700 ans après que Gérard d'Alsace en eut reçu l'investiture : le fameux traité du 3 octobre 17352, ratifié le 13 février 1737, par lequel le duc François est appelé au grand-duché de Toscane, et Stanislas, roi de Pologne, au duché de Lorraine, pour être réuni après sa mort à la couronne de France fut pour les Lorrains, attachés à leur souverain, non par cette espèce d'habitude si commune chez les autres peuples, mais par un sentiment naturel devenu chez les premiers une véritable passion ; un de ces événemens extraordinaires qui porta dans les familles le deuil et la consternation (1).
1730. Règlement pour l'académie de Lunéville, où l'on enseignait le droit public, l'histoire, la physique expérimentale, les antiquités romaines, les mathématiques, etc.
(1) François III fut fait empereur d'Allemagne, le 19 septembre 1745, après des guerres qui ébranlèrent toute l'Europe3
Timbres polonais en hommage aux rois cette époque troublée
La réalité du pouvoir appartenait à Antoine-Martin Chaumont de La Galaizière1, puis à son fils Antoine Chaumont de La Galaizière2, intendants de Lorraine et du Barrois de 1737 à 1758 et de 1758 à 1778, sous Stanislas puis dans la Lorraine devenue française.
Stanislas disposait d’une liste civile généreuse, versée par la France qui percevait les impôts des Lorrains. Il l’employa en grande partie à des œuvres de bienfaisance et à des constructions remarquables.
QUATRIÈME PARTIE.
roi de Pologne, grand- duc de Lithuanie, duc de Lorraine et de Bar, si célèbre par ses malheurs, sa cons- tance et ses vertus, Tint enfin consoler par sa présence ses nouveaux sujets.
Ce prince, un des meilleurs qui régnèrent sur les hommes, fit des fondations qui attestent son humanité, ses bienfaits, sa magnificence et la félicité de son règne : par ses soins, une chambre est chargée d'écouter l'indigent, de lui donner des conseils sans aucune rétribution ; des greniers d'abondance défendent des horreurs de la disette. Nancy, Lunéville, Commercy offrent des merveilles ; les abus sont réprimés ; les arts lorrains sont sans modèles ; l'agriculture, le commerce atteignent un degré de perfection inconnu jusqu'alors ; des chaires de mathématique, de philosophie et d'histoire, et des écoles gratuites sont formées, persuadé « qu'un peuple ignorant est toujours vicieux: » qu'échappa-t-il à ce roi magnifique, ce père tendre, ce philosophe éclairé pour faire le bonheur de son peuple? Longtemps il vivra dans la mémoire des hommes, éternellement dans l'esprit et le cœur des Lorrains (1). L’on a pleuré et l'on pleure encore la fin malheureuse de ce bon prince, surnommé le Bienfaisant; de ce prince, dit M. Michel, dans son discours sur les fondations de ce monarque, de ce prince «l'appui des familles » nobles, le père des orphelins, ces tristes rejetons que la Providence ne semble oublier que pour montrer au monde les ressorts de sa sagesse ; la ressource, et presque la seule, des pauvres honteux, d'autant plus malheureux qu'ils rougissent de leur indigence, parce qu'ils redoutent l'avilissement ; le consolateur des infortunés, dont la grêle a ravagé les champs, dont le feu a consumé les habitations ; l'asile de ceux dont les maladies épidémiques menaçaient les jours ; enfin, le médecin de ceux dont les infirmités attaquaient la constitution;» de ce prince qui perdit la vie par un accident funeste, que la Providence divine, toute grande, tout équitable qu'elle est, ne réserve qu'aux grands coupables (1 )
(1) Et pas encore un autel ! ô Stanislas, ô Léopold! que pensez-vous du céleste séjour !
(1) Le 5 février 1766, Stanislas s'étant approché de trop près de la cheminée de son appartement, sa robe, extrêmement légère, fut attirée par la flamme qui lui dévora en peu de temps toute la partie gauche; il ne mourut que le 23 : quelle agonie longue et douloureuse ! Il pressentait ce cruel événement; car, en racontant les grands périls dont la providence l'avait préservé jusqu'alors, il ajoutait : J'ai éprouvé, comme vous voyez, toute sorte de dangers, hors un : il ne me manque plus que d'être brûlé !!!
1738. Erection de la chapelle de Bonsecours.
1739. On découvre les ruines de la ville d'Herculanum près de Naples ; elle avait été bâtie 1242 ans avant J. C. et fut détruite par une irruption du Vésuve l'an 79 de notre ère.
1742. Réunion du chapitre de Saint-Georges, qui subsistait depuis quatre siècles, à celui de la Primatiale ; construction d'un aqueduc sur le ruisseau du moulin de St.-Thiébault qui passe au Pont-Mouja à Nancy.
1743. Translation des monumens et tombeaux des princes de la maison de Lorraine, de l'église St.-Georges en celle des Cordeliers à Nancy.
1745. Achèvement de l'église St.-Remi à Lunéville : les tours ne furent terminées que deux ans après.
1747. Une aile de bâtiment considérable est ajoutée à l'hôpital St.-Julien à Nancy ; vingt-quatre nouvelles places sont créées.
1748. Les levées de milices en Lorraine sont telles, qu'on ne voit à la suite des charrues que des vieillards, des femmes et des enfans.
1749. Etablissement des frères des écoles chrétiennes à Maréville. — Construction du beau pont d'Essey.
1750. Fondation de la bibliothèque publique à Nancy.
1751. Formation de la société royale des sciences et belles-lettres de cette ville.
1752. On jette les fondations du superbe pont sur la Moselle à Pont-St.-Vincent.
1753. On voit s'élever avec célérité, l'arc de triomphe ou porte Royale à Nancy, qui fut terminée en 1755 ; la place Royale qu'on acheva deux ans après ; la place d'Alliance (1), la rue de ce nom, celles de la Congrégation, de Monsieur, de Ste.-Catherine et la chaussée de Toul, qui a fait abandonner celle qui passait devant Turique.
(1) Ainsi nommée, pour conserver la mémoire de l'alliance de la France avec l'Autriche, après 3oo ans de dissention.
1755. Erection de la statue du vainqueur de Fontenoi, du pacificateur de l’Europe, de Louis XV, monument qu'on eût pu croire immortel, et qui périt avec le repos des nations et le meilleur des rois. -Tremblement de terre, qui causa de si affreux désastres à Lisbonne et en Afrique.
1757. Mort du célèbre dom Augustin Calmet, dans l'abbaye de Senones, âgé de quatre-vingt-six ans,
1758. Formation du jardin botanique à Nancy.
1759, Concession faite à l'hôtel de ville de Nancy, par Stanislas, des bâtimens construits en cette ville, des sources, fontaines et files de corps, à charge de les entretenir à perpétuité.
1760. Arrêt du conseil des finances, qui supprime les salines de Rosières. Christine de Danemarck les avait fait rétablir en 1563 ;elles ont subsisté jusqu'en 1760, lorsqu'un aventurier les détruisit entièrement, en ôtant une pierre qui séparait la source d'eau salée d'avec celle d'eau douce. — Réparation de l'obélisque de l'étang St.-Jean, pour perpétuer le souvenir de la mort de Charles- le-Téméraire : ce monument entièrement détruit, vient d'être relevé. -Institution de la société royale des sciences et des arts de Metz.
1761. Formation d'une chaire d'histoire et de philosophie au collége de Nancy.
1762. Erection de la porte Saint-Stanislas.— Arrêt du parlement de Paris, qui supprime l'ordre des jésuites en France : ce qui détermina l'expulsion de cet ordre, c'est qu'il fut prévenu d'avoir été l'instigateur de l'attentat de Jean Chatel, contre Henri IV, en 1595.
1763. Formation de la chaussée de Ste.-Catherine, qui conduit de Nancy au pont d 'Essey. — Confection et pose des corps dans la Meurthe, sous le pont de Malzéville, servant à conduire des eaux de Pixerécourt au quartier Royal.
1764. Construction de la caserne Ste.-Catherine, un des plus beaux quartiers de l'Europe. — Eclipse de soleil, 1er. avril, à dix heures du matin ; ce fut une des plus extraordinaires qui aient été observées en France : tous les curés avaient été prévenus de dévancer la grand'messe.
1765. Etablissement de la Pépinière royale à Nancy.
1770. Erection de la porte Ste.-Catherine.
1772. Premier démembrement de la Pologne par l'empereur d'Allemagne,le roi de Prusse et l'impératrice de Russie.
Là se lie l’histoire de Lorraine à l'histoire de France, dont elle devint une province, qu'on divisa en départemens, en 1790.
FIN DE L'HISTOIRE DE LORRAINE,
Place Stanislas à Nancy