Ouvrages anciens sur Nancy (6/). Dictionnaire de Grosse (6/7). Histoire et célébrités
(Histoire de Nancy)1
Les savants ne sont point d'accord sur l’étymologie du mot Nancy et l'opinion .la plus commune est celle qui fait dériver ce nom du celtique Nant2, mare, amas d'eau; etc. Cette ville est d’ailleurs peu ancienne; les plus vieilles chroniques n'en font aucune mention avant le 10° siècle; mais ce n’est que vers l'an 1069 qu'elle commence à devenir assez considérable et qu'on lit son nom dans les chartres de nos Princes3. A cette époque, Nancy était la propriété seigneuriale d'une famille distinguée du pays; mais, au 12° siècle, le duc Mathieu4 obtint cette terre en échange des seigneuries de Lenoncourt et de Rosières, qui donnèrent chacune leur nom à d'illustres familles. Le duc Théodoric, ou Thierry5, a fondé un prieuré et bâtit à Nancy quelques monuments dans le 11e siècle; mais le duc Mathieu l’agrandit, y construisit un château donné ensuite aux dames prêcheresses. Ferry II6, ou Frédéric, commença le palais qu'on a vu jusque dans ces derniers temps et qui consistait alors en deux grosses tours. Raoul7 fonda le chapitre de St.-Georges. Jean Ier8 établit le haut bourget ou bourgeois, et une rue depuis le palais jusqu'à la porte Notre-Dame, qu'il fit bâtir avec ses deux tours; enfin, la Ville -Vieille doit son étendue et la plupart de ses constructions aux ducs René, Antoine et Charles III.
Ce fut ce dernier prince qui conçut le projet de bâtir une Ville-Neuve en 1587; il en jeta les premiers fondements et entoura les deux villes de fortes murailles. Le duc Léopold se plut à embellir la nouvelle cité et y fit des constructions immenses; mais c’est le roi Stanislas qui la dote de la plupart des riches monuments qui la distingue si éminemment parmi les autres villes de France. Nancy, qui n’était-autrefois qu'un château-fort, devint une modeste bourgade dans le 13° siècle : on la revêtit d'une enceinte; on lui donna une citadelle qui subsiste encore aujourd’hui, mais sans9 aucun moyen de défense. Au temps de Charles III, la magnifique place Carrière n'était encore qu’un marais, et la la ville était peu étendue quand le duc de Bourgogne vint y chercher la mort, comme on le voit dans le poème de la Nanceiade : « parva sub arctœo , urbs sedet, etc. » Nancy a soutenu plusieurs sièges, dont le plus mémorable est celui que cette ville eut à souffrir contre Charles-le-Téméraire, vers la fin du 15e siècle. Ce prince y donna deux assauts terribles qui n'amenèrent cependant aucun résultat. Déjà, en 1218, Nancy avait été pris et brûlé .par les troupes réunies du comte de Bar et de la comtesse de Champagne. Louis XIII vint aussi l’assiéger en personne; il sen rendit maître, et c'est par le traité qui suivit cette conquête que les forteresses de Lorraine furent rasées et les remparts de Nancy entièrement démolis, à l’exception de la citadelle. Charles-le-Téméraire s'en était emparé en 1475; mais la noblesse de Lorraine ne tarda pas à reprendre cette ville, qui éprouva d’ailleurs toutes les horreurs de la guerre et de la famine. Ce fut en 1476 que Nancy prit réellement l’apparence et la figure d'une ville, et qu'on y ajouta trois boulevards et la rue Neuve.
Le plus ancien monument de cette ville est le prieuré de Notre-Dame aujourd'hui détruit; ensuite la collégiale de St.-Georges ; la paroisse St.-Epvre, en 1340; les Cordeliers , avec la magnifique rotonde, en 1477; l’hôtel de la Monnaie, reconstruit par Léopold, et l'arsenal, aujourd’hui consacré à d'autres usages. En 1457, le faubourg St.-Dizier avait encore des seigneurs particuliers; la ville entière obtint de grands privilèges du fameux duc René II, et ils furent confirmés par quelques-uns des princes qui lui succédèrent. Quant à la Ville-Neuve, elle date de 1604 et ne fut terminée qu'en 1620 : ce fut un entrepreneur de St.-Mihiel, nommé Marchal, qui se chargea de l’exécution : il avait par an 200 000 francs. On commença les travaux derrière l'ancien hôtel de Salm; on y éleva des remparts qui furent remplacés, sons le duc Léopold, par de simples murailles. On dit que les vieilles fortifications de cette ville étaient comptées parmi les plus régulières et les plus formidables de l'Europe. La primatiale, aujourd'hui cathédrale, date de 1605; mais elle ne sortit réellement de ses décombres qu'en 1703, sous Léopold, qui la fit construire sur un nouveau plan : elle fut bénie par le grand doyen en 1742. L’église St.-Sébastien devait servir de cathédrale; elle fut démolie en 1719, relevée en 1741 et consacrée par M. de Bégon en 1742 : on y remarque un christ en croix, beau travail de Bagard, et un10 tableau représentant St.-Sébastien, peint par Leclerc. La place Carrière est une création de Stanislas, ainsi que la place qui porte aujourd’hui son nom; la statue de Louis XV, qui l'ornait, fut coulée à Lunéville.
Ou voit qu'on ne saurait trouver à Nancy aucun de ces précieux débris de l’antiquité que d'autres villes offrent à chaque pas, même en Lorraine. Nancy est une cité moderne qui, dans ses monuments les plus vénérable; ne peut remonter au-delà des siècles du moyen âge. Mais son air de jeunesse et toutes ces magnificences laissent dans l’âme une impression délicieuse : les regards du voyageur s'en détachent avec regret; et il est difficile de rencontrer dans les autres capitales du monde autant de beautés réunies.
On conçoit que l’organisation religieuse qui s’y trouve établie n'ait pas aussi pour elle la longue durée des âges. L’évêché de Nancy, érigé à la fin du dernier siècle (voyez le coup d’œil général) ne fut d’abord qu'un démembrement de celui de Toul ; après le concordat, on plaça dans sa juridiction spirituelle trois départements, et il est borné aujourd’hui au seul département de la Meurthe. (Voyez le coup d'œil général.)
4 Mathieu Ier, né vers 1110, duc de 1139 à 1176
5 Thierry II le Vaillant, né vers 1040, duc de 1070 à 1115
6 Duc de 1205 à 1213
7 Raoul « le vaillant », né en 1320, duc de 1328 à 1346
8 Jean Ier, duc de 1346 à 1390
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(Les nancéiens célèbres)
Terminons ici les nombreux détails ou nous sommes entrés, et disons quels hommes célèbres reconnaissent Nancy pour leur mère-patrie; nous ne saurions les énumérer tous, mais nous ferons connaître les plus distingués d'entr'eux.1
Abram, un des avocats les plus éminents du parlement de Nancy ; Dubois de Riocourt, intendant. des armées de Charles IV, lieutenant-général, et son fils, ancien président de la cour royale; Callot , un des graveurs les plus célèbres du monde, et dont les compositions ont une originalité qui les fait vivement rechercher; les frères Adam, sculpteurs fameux, dont l'un a exécuté le tombeau de la reine de Pologne, à Bon-Secours ; Mme de Graffigny, qui se fit une réputation, aujourd’hui déchue, par ses lettres Péruviennes; Palissot de Montenoy, excellent littérateur; Hoffmann, si connu par ses pièces de théâtre, ses vers et ses articles de critique dans le Journal des Débats; le général comte Drouot , dont le nom est devenu le symbole du dévouement , de la fidélité et de la valeur guerrière; Isabey, peintre illustre, dont les miniatures sont recherchées; Silvestre, autre graveur d’une haute renommée; St.-Urbain, graveur non moins estimé pour les monnaies et les médailles; de Solignac, secrétaire de l’académie de Nancy, auteur de quelques productions digues d'éloges;2 le P. Maimbourg, écrivain fécond mais peu fidèle, qui a publié un grand nombre d'ouvrages historiques ; le baron Mallarmé magistrat, député au conseil des cinq cents et administrateur habile ; Bagard, sculpteur estimé; Chavane, jurisconsulte renommé, auteur d"un excellent commentaire sur le code Justinien; Chevrier, écrivain inépuisable , qui a travaillé pour le théâtre et qui est principalement connu par ses ouvrages satiriques; le fameux ministre Choiseul, qui fut maître de la France sous Louis XV; Chompré, professeur instruit, auteur d'un dictionnaire de la fable qui a obtenu la plus grandevogue ; Clodion, sculpteur qui a laissé de magnifiques ouvrages; Durival, né à Commercy, mais qui a vécu à Nancy : on a de lui les plus précieux travaux sur la province de Lorraine; François, dessinateur et graveur du roi ; Gardel directeur de l’académie royale de musique et auteur de ballets pantomimes, qui ont joui d'un grand succès; Georges, officier de l'académie,. auteur de plusieurs ouvrages de mathématiques qui sont fort estimés; le colonel Gérard célèbre dans les fastes de nos dernières guerres; de Gironcourt, professeur habile, qui a laissé plusieurs écrits estimables; de Gourcy, connu par sa traduction de Tertullien ; le lieutenant-général Grandjean, dont le nom est souvent cité avec gloire dans les luttes de l’empire, Guinet avocat distingué; Hardy, graveur d'une haute réputation, le duc de Lorraine Henri, dit le Bon; le peintre Henriet, dont les productions sont innombrables; Herbel, fameux qui se distingua dans nos guerre3
général comte Hugo, quel beau nom littéraire a obtenu son fils Victor Hugo4;
Maire, littérateur qui travaille au journal de-Francfort, et qui a publié le Gil-Blas Français; Jeanroi ; célèbre médecin; Laflize, autre médecin habile ; Laurent, excellent peintre, né à Grôlot , hameau dépendant de Gelaucourt, mais qui a passé la plus grande partie de sa vie à Nancy; Leclerc, autre peintre distingué; Legrand, qui se fit une si belle réputation par ses portraits; Nicolas Lepoix, médecin, et auteur fameux du 16e siècle; Mandel, pharmacien renommé et homme de lettres; Marquet, botaniste et médecin illustre; Martin, littérateur et publiciste ; Maurice, peintre estimé ; Mollevaut , administrateur, député au conseil des cinq cents et proviseur du collège royal de Nancy : il avait été membre de la convention et a joué un certain rôle politique; Mollevaut, son fils, littérateur connu, traducteur et poète agréable; Nicolas, chimiste qui a publié l’analyse des Eaux de Lorraine5; Henri de Lorraine, célèbre évêque de Metz; Marguerite d’Anjou, qui devint reine d’Angleterre ; de Mique, ingénieur en chef et architecte du roi, tombé sous la hache révolutionnaire; Piroux, directeur habile et recommandable de l'école des sourds et muets, fondée à Nancy; Guilbert de Pixérécourt, auteur dramatique dont la carrière a été remplie de succès et .qui a laissé de nombreux ouvrages; de Raigecourt, noble victime de nos troubles, révolutionnaires; Élisabeth de Ranfaing, sainte fondatrice du Refuge; Renard, sculpteur qui a obtenu une grande renommée; Renaudin, médecin distingué, auteur de plusieurs productions estimables; St.-Lambert, auteur du beau poème des Saisons, est né à Affracourt, près de Haroué; St.-Ouen, (madame de) a composé plusieurs ouvrages qui lui ont mérité une brillante réputation; le baron Saladin, magistrat et député recommandable; Saulnier, préfet d'Orléans, directeur de la Revue Britannique, un des littérateurs les plus instruits de l’époque actuelle ; de Sivry, autre littérateur estimable; Spierre, deux frères qui excellèrent dans la peinture; Thiébault, magistrat éminent et littérateur distingué; Mme de Vannoz, qui fut poète dès ses jeunes années, et qui s'est s’est acquis une haute renommée par ses beaux vers; Willemet, savant botaniste qui a laissé de bons ouvrages; Paul Willemet, son fils, médecin et littérateur; le président Thierry Alix, Nicolas de Lescut , Rose de Mitry, comtesse Desplassoms, poètes; Jean Lhoste, esprit pénétrant, et le P. Levréchon Remi Constant, Capêchon, Charles Meslin, dit Le Lorrain, de Ruot, peintres dont les œuvres sont recherchées, Jean et Étienne Racle, Collignon, Crock, graveurs fameux; les Chaligny et les frères Cuny, célèbres fondeurs; de Boutillier, magistrat plein de vertus et de lumières; Cusson, imprimeur; de Nay, comte de Réchicourt , administrateur habile; Harmant, médecin d'une réputation brillante; Lecreulx, ingénieur d’un mérite éminent, à qui nous devons le magnifique pont de Frouard et le manège de Lunéville; Orphée de Galéon, autre ingénieur qui fit élever les belles fortifications de Nancy; Lamour, serrurier, qui a fait les belles grilles de la place Stanislas; et le baron de Vires, général au service de l’Autriche.
Parmi les contemporains, il nous sera permis de citer les noms suivants et la postérité ajoutera encore å nos éloges: Élise Voart , poète et romancière dont le talent est connu; Serrières, médecin distingué, auteur de plusieurs ouvrages; Soyer-Willemet, bibliothécaire érudit, qui a publié quelques mémoires intéressants6 sur diverses parties de l’histoire naturelle; de Thiriet, avocat-général qui a fait paraître deux discours remarquables; Bertier de Roville, agronome d'un rare mérite, auteur d'une foule de mémoires estimés; Mathieu de Dombasle , autre agronome dont la réputation est européenne et qui par ses écrits et ses découvertes s'est placé parmi les hommes les plus honorables de notre époque; Michel Berr, littérateur connu par un grand nombre d’ouvrages ; Braconnot, l'un des chimistes les plus habiles de notre siècle; Bresson , jurisconsulte d'un talent éminent qui a illustré le barreau de Nancy ; ses fils parcourent une carrière non moins brillante : l’un d’eux s'est fait un haut renom dans la diplomatie; de Caumont , poète agréable , mathématicien profond et recteur de l’académie; Guerrier de Dumast, non moins recommandable par ses vertus privées que par ses talents : il a publié diverses productions littéraires qui le placent à un rang élevé dans ls république des lettres; Jacquot, un des premiers sculpteurs de l'époque présente : c'est lui qui a exécuté la belle statue de Stanislas qui orne la place de ce nom; Grillot, architecte habile qui s'est révélé par un grand nombre de monuments précieux; son fils, également architecte, a construit le beau château de Cirey, où l'on admire .surtout le grand escalier : il marche dignement sur les traces de son père; Jacquiné , ingénieur d'un mérite distingué; de Pange, maréchal-de-camp , qui s'est signalé dans les guerres de l'empire ; Gérard Grandville, poète, traducteur d'Horace et connu par plusieurs poésies légères; Mangin, ingénieur d'un profond savoir, connu par ses magnifiques travaux a Anvers; Zangiaconi, dont le nom honore la magistrature de la Capitale, après avoir figuré parmi les noms les plus distingués du parlement de Nancy.
Parmi les ecclésiastiques dont la science, les veilles et les vertus ont honoré Nancy, -nous citerons encore : l'abbé Charlot, curé de la cathédrale, qu'il suffit de nommer pour rappeler les plus touchants souvenirs de charité; M. Jacquemin; évêque de St.-Dié, professeur doué de talents rares, prélat vénéré, auteur d'un excellent traité de théologie; Mollevaut, ancien curé des Trois-Maisons, docteur et vicaire-général : il coopéra à la rédaction du catéchisme du diocèse; Latasse, professeur, auteur de plusieurs ouvrages estimés; l’abbé Lyonnais7, principal du collège ; il est connu par son histoire de Nancy, ouvrage qui atteste une profonde-érudition ; Marguet, ancien supérieur des missions , qui a publié divers écrits fort estimables; Michel, curé de la cathédrale , né à Haraucourt : on lui doit aussi quelques ouvrages: il dirigea long-temps le séminaire avec gloire; Leslie, autre supérieur8 de la mission, qui a laissé d’utiles travaux sur la maison de Lorraine; les deux abbés Coster, prédicateurs distingués, l'abbé Rollin, qui consacra sa fortune à une foule d'institutions utiles.
1 Les liens suivants renvoient à des articles Wikipédia. J’ai choisi comme illustrations des timbres-postes français.
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3 Cette page et la suivante ont été pliées avant le scannage. des paragraphes ne sont donc pas visibles/
4 qui a 36 ans à cette date
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6 page 296
7 Jean-Jacques Bouvier dit Lionnois (1730-1806), né à Nancy, professeur puis principal du Collège de Nancy. Il fut le premier historien de Nancy et de la Lorraine.
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(Détails topographiques)
On nous permettra de terminer ici cette longue nomenclature, malgré tout le désir que nous aurions de l’étendre : nous ajouterons seulement quelques détails topographiques à ceux que nous avons déjà offerts à nos lecteurs.
L’arrondissement de Nancy confine, d'une part, au département de la Moselle, à l’arrondissement de Château-Salins et à celui de Lunéville, à l’est, à arrondissement de Toul, à l’ouest, et au département des Vosges, du côte du sud. Il présente une surface de 156 415 hectares, et une longueur de 55 kilomètres du sud au nord, sur une largeur de 20 kilomètres. On y compte 187 communes, dont 155 succursales et 54 annexes; 52 hameaux, 149 maisons de campagne ou fermes, plus ou moins considérables. Il y a 8 cantons où siègent autant de juges-de-paix. La seule ville de Nancy est le chef-lieu de 3 justices de paix : le canton est renferme 18 succursales, 9 annexes, etc. (Voyez le coup d'œil général.)
Quant au département, il est borné à l'est par le département du Bas-Rhin; au sud par celui des Vosges; à l’ouest par celui de la Meuse, et au nord par le département de la Moselle. Sa longueur est de 155 kilomètres (27 lieues) de l’est å l'ouest; sa largeur, de 70 kilomètres (14 lieues), et sa population , d’après le recensement officiel de 1836, est d’environ 425 000 habitants.
On lui donne 6455 kilomètres, ou 1287 lieues carrées; il y a 500 000 hectares cadastrés. Nous achèverons de présenter ailleurs les rectifications exigées par le premier volume de notre ouvrage.