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Le blog de François MUNIER

Voltaire, Buffon et les "coquilles"

22 Juin 2024 , Rédigé par François MUNIER Publié dans #Histoire, #1492-1789, #Sciences

Il y a bien longtemps, j'avais lu quelques planches dessinées (dans Cœurs Vaillants ?) sur la vie de Buffon et une polémique avec Voltaire à propos des fossiles "les coquilles" d'animaux marins qu'on trouvait sur les plus hautes montagnes. Buffon pensait, à raison, qu'il y avait eu des mers à ces endroits, et Voltaire se moquait de cette idée en affirmant qu'il ne s'agissait que de coquilles perdues par des pèlerins.

Mes souvenirs étaient bons, j'ai retrouvé le récit de cette polémique :

On peut citer ici une querelle entre Buffon et Voltaire qui, si elle ne concerne pas directement l'âge de la Terre, concerne les fossiles et l'interprétation qu'on pouvait en donner, et éclaire les relations qu'il y avait au XVIIIème siècle entre ce qu'on appelle aujourd'hui des deux mots de « science » et « philosophie ». Voltaire en effet ne voulait pas croire en l'existence des fossiles, du moins à certains d'entre eux. Dans des billets (officiellement) anonymes et dans des lettres "privées" mais dont tout le monde avait connaissance, on peut reconstituer l'échange suivant :

  • Voltaire : « On a vu aussi dans des provinces d'Italie, de France, etc., de petits coquillages qu'on [Buffon] assure être originaires de la mer de Syrie. Je ne veux pas contester leur origine ; mais ne pourrait-on point se souvenir que cette foule innombrable de pèlerins et de croisés qui porta son argent dans la Terre Sainte en rapporta des coquillages. »
  • Buffon "': « Et, à l'égard des coquilles, ce sont, dit-il [Voltaire], les pèlerins de Syrie qui ont rapporté, dans le temps des croisades, celles des mers du Levant qu'on trouve actuellement pétrifiées en France, en Italie et dans les autres États de la chrétienté. Pourquoi n'a-t-il pas ajouté que ce sont les singes qui ont transporté les coquilles au sommet des hautes montagnes et dans tous les creux où les hommes ne peuvent habiter ? Cela n'eût rien gâté et eût rendu son explication encore plus vraisemblable. [...] Comment se peut-il que des personnes éclairées, et qui se piquent même de philosophie aient encore des idées aussi fausses ? »

Cet échange, plus que vif, et qui brouilla Voltaire et Buffon pour quelques années, a un double intérêt. Tout d'abord, il met en valeur la différence entre deux modes de pensée qui devenait particulièrement évidente en ce siècle des Lumières. Voltaire, comme beaucoup, privilégiait souvent la réflexion et les idées intellectuelles basées sur la « raison pure » (ou supposée telle). La raison et le bon sens indiquaient à l'évidence qu'il ne pouvait y avoir de coquilles au sommet des montagnes, à moins que le Déluge (une fable pour beaucoup, et sans doute pour Voltaire) ait vraiment eu lieu ; il n'y avait donc pas de coquilles au sommet des montagnes ! Et un bon mot fait parfois office de « preuve » et de fin de débat. Pour Buffon, au contraire, observations, calculs et expériences sont prépondérants. Il n'est pas le premier, mais pousse cette attitude très loin en ce milieu du XVIIIème siècle. On peut également remarquer que cette querelle, célèbre à l'époque, et qui montre les limites

Voltaire, Buffon et les "coquilles"
Voltaire, Buffon et les "coquilles"

C'est le même Voltaire qui avait raconté, et ce fut répété par beaucoup, qu'au Moyen-Âge, les gens croyaient que la terre était plate. Et c'est faux.

La circonférence de la Terre avait notamment été calculée par Ératosthène (276-194 BC) avec une précision remarquable avec les moyens de l'époque.

Et si Christophe Colomb a eu du mal à convaincre des commanditaires pour sa première expédition, c'est non pas parce que les gens croyaient que la Terre était plate, mais parce que ses arguments n'avaient pas convaincu, à juste titre :

- il avait sous-estimé la circonférence de le terre (30 000 km selon lui et non pas 40 000 km)

- il avait surestimé la taille du continent eurasiatique

et donc selon lui, "Cipango" (le Japon) se trouvait à l'emplacement des Açores, et donc facilement joignable en naviguant vers l'Ouest.

C'était faux, mais il y avait un continent complet entre l'Europe et l'Asie.

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