Première guerre mondiale. Souvenirs de Georges Degardin
19 Décembre 2024 , Rédigé par François MUNIER Publié dans #Histoire, #Histoire du 79ème RI, #Guerre 1914-1918, #Histoire et témoignages
MES SOUVENIRS
Affecté à la 1ère Cie du 79e R.I., j'ai passé l'hiver 1914-15 dans des tranchées parsemées de cadavres qu'il n'était guère possible d'évacuer.
L'Yser, Saint-Julien, Langemark, Bois triangulaire, etc... Tout cela, en fin de compte, me valut les pieds gelés. Attaque de Neuville-Saint-Waast le 9 mai 1915, laissé pour mort sur le terrain, donc sans soins, pendant 44 heures. Enfin ramassé blessé, je suis évacué dans l'église de Mareuil, puis Haute-Avesne et enfin train sanitaire qui m'amène à l'hôpital installé au Lycée Jeanson de Sailly à Paris. J'avais eu l'aîne traversée par balle. Après convalescence, arrivons au dépôt à Decize. Je suis rééquipé avec 200 camarades et nous arrivons à Valmy, à midi, le 30 septembre 1915.
Le 3° bataillon ayant été pour ainsi dire anéanti lors de l'attaque, notre détachement se transforme en 9e et 10e compagnies. Personnellement je suis affecté à la 9e sous les ordres du lieutenant Richard. Le soir même, c'est-à-dire le 30 septembre, nous prenons le fameux boyau des « 7 Valkyries » où je rencontre notre brave aumônier l'abbé Marchal. Pendant 3 mois, corvées de tous ordres puis arrivée devant la Butte-du-Mesnil où, heureusement, un contre-ordre nous évite de subir le même sort que les camarades le 25.
Long séjour à « l'Entonnoir », à moins de 10 mètres des Allemands, puis c'est l'hiver, le dégel dans la Champagne Pouilleuse puis enfin la relève par des camarades Ecossais en grande tenue. Notre relève, dans la boue liquide, trempés jusqu'à la ceinture, nous amène enfin dans la plaine où nous arrivons par petits groupes à Hans. Cantonnement rien moins que confortable dans une grange en planches à claire-voie, il gèle maintenant à pierre-fendre, aussi nos couvertures, capotes et brodequins sont raides ; ceci n'arrange rien et je dois être évacué, malade, près de Valmy, puis à Vendeuvre-sur-Barse et enfin Troyes où je suis rééquipé mais non guéri. On m'envoie à Benney retrouver mon unité, puis je suis hospitalisé au Château d'Haroué. A peu près rétabli je vais rejoindre la 1e Cie en forêt de Champenoux, patrouilles sur les bords de la Seille, mais nous voici bientôt en route vers le canon qui gronde. Nous arrivons près de Verdun, au bois de Bethelainville, où nous campons sous nos tentes individuelles, le 23 mars 1916. Les obus allemands tombent en lisière du bois. Le 26, ordre de remonter les sacs, il neige. A l'abri des vues de l'ennemi, nous allumons du feu puis après extinction nous partons. Un chef du Génie nous trace une tranchée à environ 50 mètres à droite et en avant de la cote 304, face au ruisseau de Forges. Nous n'avons que nos outils portatifs et le sol est très dur. Au bout de trois nuits nous avons approfondi et relié nos trous individuels. Nous voyons les Allemands arroser 304 à coups de 210, les madriers des abris sautent en l'air. Me voilà maintenant avec de la fièvre, pas question d'aller à la visite, j'aperçois une source, je bois, je mange du « singe ››... et mon mal d'intestin me reprend. A la nuit je pars, avec un sergent et 4 camarades, en petit poste dans un gros trou d'obus entre les lignes, je suis malade, le- sergent me renvoie vers la Cie avec mission de me faire remplacer, je perds mon orientation et il paraît que je me dirigeais vers les Allemands. Heureusement, un camarade me remet sur le droit chemin. Le 5 avril, nous subissons un bombardement avec obus de gros calibre ; nos 75 font un tir de barrage sur le Ruisseau de Forges. Le calme revient, corvée de soupe, à Esnes, je suis désigné. Pris sous un bombardement, un obus de 105 tom- be près de moi. Je sens comme des charbons ardents dans les cuisses ; nous étions tous les quatre blessés, mon voisin meurt en arrivant à Esnes, les autres, arrivons au poste de secours.
Le médecin-major me fait mes pansements mais comme il n'y a pas de moyens de transport je refuse de quitter 304. Un infirmier valide et un autre blessé au bras reçoivent l'ordre de m'emmener ; bras dessus, bras dessous, à travers la plaine, il fait nuit, je tombe de trous d'obus en trous d'obus, la gorge et les cuisses en feu. Nous arrivons à un abreuvoir où je bois deux quarts d'eau glacée qui me font un grand bien. Je n’ai jamais oublié cette nuit terrible, le médecin-major et les infirmiers avaient fait tout leur devoir et j'étais encore un privilégié car tous les camarades du 79e devaient encore en endurer d'autres jusqu'au 10 avril.
Du poste de secours souterrain de l'Eglise ou Château d'Esnes, une auto-ambulance nous emmena à Froidos à travers les trous d'obus. Là, je passe sur le « billard ›› et de là je suis hospitalisé à Vierzon. Après un nouveau séjour au dépôt de Decize, j'abandonne mon cher 79e , avec d'autres camarades, et prends maintenant l'écusson du 171° R.I. pour aller renforcer ce régiment fin juillet à Curlu-Bouchavesnes où j'ai le plaisir de retrouver mon ancien chef du 7-9, le bon et brave capitaine Le Guillou, décoré de la Légion d'honneur, et qui me sauva la vie avec quelques autres. Je devais finir la guerre à ce bon régiment tout en récoltant vingt petits éclats de grenade à Wissembach, en août 1917, et deux lésions au poumon, par gaz, aux environs de Saint-Quentin en 1918. Non évacué, reconnu et soigné après l'armistice seulement, j'ai contribué à la poursuite finale et nous avons reçu les parlementaires ennemis à la Capelle. Je m’étais marié à ma dernière permission avec une jeune fille, comme moi, sans famille. J'ai dû la quitter, dans le coma, alors qu'elle était atteinte de la grippe espagnole, elle s'en est remise, aussi l'armistice a été le plus beau jour de notre vie.
Georges DEGARDIN,
Ancien du 79e R.l. - 1ère et 9e Cie puis 171e R.l. - 1ère et 10e Cie
Chevalier de la Légion d'Honneur en mai 1960
Médaillé Militaire - Croix de Guerre 14-18.
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