Ouvrages anciens sur Nancy (3/). Dictionnaire de Grosse (3/). La vie intellectuelle
Instruction Publique. Nancy est le siège d'une académie fondée par édit de Stanislas, le 28 décembre 17501 : elle a aujourd’hui, dans son ressort, les départements de la Meurthe, de la Meuse et des Vosges. Ce corps littéraire est présidé par un recteur : deux inspecteurs lui sont adjoints ainsi qu’un secrétaire ; les bureaux sont ouverts tous les jours de 9 à 3 heures. Le conseil académique est composé de seize membres, en y comprenant trois inspecteurs honoraires.
La commission d'examen, pour le baccalauréat, compte cinq membres; dans le ressort de l’académie il y a sept officiers de l’université, et six officiers de l’académie ; vingt-quatre membres titulaires, forment la société royale des sciences, lettres et arts de Nancy; mais une foule d’hommes illustres, dans tous les rangs et dans tous les pays, sont inscrits sur ses registres et lui prêtent l’éclat de leurs noms. L'académie enferme dans son sein des savants et des littérateurs du plus haut mérite; il faut dire cependant qu'il y a en France des sociétés plus brillantes et plus actives; celle de Nancy poursuit une carrière tant soit peu obscure.
Une école secondaire de médecine a été fondée dans cette ville sous la restauration : elle a un directeur, quatre professeurs et cinq professeurs-suppléants pour les cours d'hiver, les ours d’été et les cours permanents. Le collège royal2 , qui marche toujours dans une voie prospère , est dirigé par un proviseur, un censeur , un économe, un aumônier, et par quinze professeurs en y comprenant les maîtres d'anglais et d’allemand ; le dessin et les arts d’agrément y sont également enseignés, et cet établissement a déjà produit plusieurs hommes distingués. En descendant vers des régions inférieures nous trouverons encore à3 Nancy une école normale4 pour les instituteurs: elle a un directeur et six professeurs qui font des cours d’histoire, de mathématiques, de pédagogie, d'écriture, d’arpentage et dessin linéaire , de musique, etc. Une commission d'examen tient deux séances annuelles pour la concession des brevets élémentaires: cette commission est formée de huit membres, pris dans les notabilités religieuses et scientifiques. Il y a également à Nancy un comité d'arrondissement pour la surveillance de l’instruction primaire; ce comité compte seize membres, en y comprenant les' propriétaires qui font partie du conseil-général. L’école primaire supérieure a un directeur, un aumônier et cinq professeurs, qui enseignent les mathématiques , les langues françaises et allemande, la tenue des livres, le dessin linéaire, etc.; on y fait un cours d’instruction religieuse, comme à l'école normale; cependant les résultats moraux et chrétiens de cette deuxième école n'ont pas toujours été satisfaisants dans nos campagnes.
1 Grosse confond les académies, circonscriptions universitaires créées par Napoléon Ier en 1808, avec des fonctionnaires nommés, et l’Académie de Stanislas, société savante créée en 1750 par Stanislas à l’image de l’Académie française créée par Richelieu, dont les membres sont cooptés. Le début du paragraphe concerne l’administration universitaire. Elle se nomme à l’époque de Grosse « Société royale des sciences, lettres et arts de Nancy ». Elle siège encore aujourd’hui à la même adresse que la Bibliothèque municipale de Nancy. Je mets en rouge ce qui concerne la société savante.
2 Actuel lycée Henri Poincaré.
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4 Derrière l’église des Cordeliers.
Un inspecteur-général des écoles primaires est établi à Nancy; son inspection est de 2me classe. Il est un établissement précieux que bien des départements nous envient et que Nancy a le bonheur de posséder, c'est l’institut1 des sourds-muets : il est dirigé par M. Piroux, homme éminemment distingué, qui en est le fondateur; il s'est adjoint deux professeurs, un médecin et un aumônier; une commission de surveillance, composée de cinq membres, seconde ses efforts : on y compte 56 élèves des deux sexes. Des cours industriels et gratuits sont établis à Nancy en faveur des ouvriers : il y un directeur et six professeurs qui expliquent l’astronomie, l’architecturer, la chimie, l’hygiène, le droit élémentaire, l’arithmétique, la géométrie, le dessin linéaire , etc. Sept pensionnats existent également dans cette ville,pour les enfants qui désirent avancer dans les sciences humaines, sans s'exposer aux dangers des collèges. Quinze autre pensionnats, tenus par des religieuses ou par des dames très recommandables, offrent aussi d’abondantes ressources pour l’éducation des jeunes personnes. Nancy a cinq écoles d'enseignement mutuel, et une école de frères, qui est extrêmement fréquentée;,enfin, on a fondé récemment deux salles d’asile, dont l’existence commence à s'affermir, mais qui ne pourront suffire aux besoins de la ville quand elles seront appréciées. Nous ne dirons rien des écoles protestantes et israélites, parce qu'elles se confondent avec les autres.
On voit à Nancy une belle bibliothèque2, composée d'environ 20 000 volumes; on y trouve beaucoup d’ouvrages de droit, d'histoire3 générale et particulière, entr'autres sur la Lorraine : quelques manuscrits sont précieux, mais ils sont en petit nombre.
Un bibliothécaire et un sous-bibliothécaire sont attachés à ce précieux établissement, et les jours d'ouverture sont le lundi, le mercredi et le vendredi de chaque semaine, de dix heures à quatre heures du soir. Le musée, sans être fort remarquable, mérite cependant d’être visité; il renferme quelques curiosités naturelles et d'assez belles collections. Le musée des tableaux est placé à l’hôtel de ville, sons la garde éclairée d’un bon peintre; il offre quelques chefs-d'œuvre, mais l’ensemble n’approche point des superbes galeries qu'on trouve dans plusieurs de nos villes françaises : certains amateurs ont même prétendu que le musée d'Épinal était plus riche en tableaux de maîtres que celui de Nancy. On y remarque le sabre qui fut donné au général Drouot par Napoléon, .ainsi qu'un médaillon renfermant des cheveux de ce grand homme. La société philharmonique a fait une perte immense dans la personne de M. Lebrun : elle s’assemble rarement et les concerts ne se reproduisent plus qui des époques lointaines , et pour favoriser les artistes étrangers qui désirent se faire entendre : il y a d'habiles musiciens à Nancy et d’excellents maîtres pour tous les genres d’instrumentation.
1 Aujourd’hui Institut des sourds de La Malgrange. A l’époque rue du Faubourg Stanislas (Avenue Foch)
2 Bibliothèque municipale, rue Stanislas.
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Nancy possède une société d’agriculture fort nombreuse: des hommes éminents par leurs connaissances en histoire naturelle, se font une gloire d'avoir une place au sein de cette académie dont la réputation est devenue européenne. Elle est présidée par le Préfet, sens compter un président particulier et un vice-président; il y a de plus un secrétaire-archiviste et un secrétaire-adjoint. La société d’agriculture publie un journal mensuel, le Bon Cultivateur1, qui se distingue par une foule d’articles utiles: les journaux d'Allemagne, de Suisse et d’Angleterre en ont reproduit un grand nombre. La société décerne annuellement des médailles, des encouragements et des mentions honorables : une exposition des produits de l’industrie agricole, ou de l’horticulture, a lieu tous les ans, sons la direction de la société. Nancy a deux feuilles politiques : le Journal de Meurthe, défenseur-né du gouvernement, dont la rédaction pourrait être plus brillante, et le Patriote2 , organe de l'opposition. Deux autres journaux mensuels existent à Nancy : la Revue de Lorraine, qui poursuit péniblement une carrière de science et de dévouement : elle a publié plusieurs articles remarquables , entr'autres sur l’histoire de la province. Cette création littéraire mérite plus d’intérêt, de bienveillance et d'estime; elle a droit à un plus grand3 succès que celui qu’elle a obtenu. Le Littérateur Lorrain exploite le roman : il se plaît dans les vieilles légendes et emprunte à la poésie des inspirations qui ne sont pas toujours dignes d’être écoutées. Ce journal pourrait s’élever à un haut degré dans l’opinion des hommes éclairés,qui aiment la science et l’étude; mais il est trop léger de fond et de forme. il nous faut autre chose que de l’imagination dans un siècle comme le nôtre. Les libraires et les cabinets de lecture sont nombreux à Nancy; la plupart ont de belles collections de nos plus grands écrivains, anciens et modernes. Quelques bibliothèques particulières-sont également remarquables; nous mentionnerons celle du séminaire, renfermant environ 10 000 volumes, dont jusqu’ici on n’a pu tirer aucun parti : on y voit de belles édifions des SS.Pères, de Gallia Christiana, des ouvrages précieux sur l’histoire, les voyages, etc. La bibliothèque de M. Noël, si riche en matériaux sur les antiquités de notre Lorraine; les bibliothèques de quelques magistrats -légistes ,etc. Nancy possède enfin une école royale forestière4 qui a le privilège d'être encore sans rivale en France : elle est de création récente, puisqu’elle date des premières années du règne de Charles X. On n'y recevait autrefois que 24 mais d'après une une ordonnance de Louis-Philippe, le nombre de jeunes gens admissibles est illimité. Celle école a un directeur, un sous-directeur,et quatre professeurs pour les mathématiques, l’histoire naturelle, le dessin et la langue allemande; Les cours sont ouverts à 8 heures en hiver, à. 7 en été, et ils se terminent à 4 heures. Nancy a un jardin des plantes, assez vaste; on y fait un cours de botanique, les lundi, mercredi et vendredi chaque semaine, à 5 heures et demie du soir.
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4 Rue Girardet.
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La salle de spectacle de Nancy est magnifique1; le répertoire de la scène suit les variations de celui de Paris, et on y joue le Vaudeville, l'Opéra et quelques uns de ces drames sans nom, enfantés par la monstrueuse littérature de l'époque: le théâtre donne une représentation tous les deux jours : les acteurs sont payés par abonnement, sans compter les pièces à bénéfice. Comme cs comédiens changent souvent de résidence et qu'ils ne sont pas à poste fixe, nous nous abstiendrons de juger leur talent.
Ln ville de Nancy possédait une université , à la fin du dernier siècle : on y avait transféré celle de Pont-à-Mousson qui obtint une si grande célébrité. L’enseignement qu'on donnait dans celte université comprenait la théologie, le droit, la médecine, la philosophie, les mathématiques, la géographie, l’histoire2 les humanités et les langues : il y avait une faculté des arts, .et on y voyait des massiers3 et des officiers. Nancy avait, en outre, une école royale militaire, où l'on enseignait la religion, les langues latine, française et allemande, l’histoire, la géographie , le dessin, les armes, la musique, la danse, etc. : le prix de la pension était de 400 livres de France. Le collège royal de médecine, établi en 1752 , avait un président des associés d'honneur et des agrégés honoraires; sans compter la faculté de médecine, qui fut associée au collège en 1755. Le collège royal de chirurgie datait de 1771; le lieutenant de monsieur le premier chirurgien du roi recevait à la maîtrise; il y avait des prévôts (?) en charge et des maîtres en chirurgie, non exerçants, des associés honoraires et des associés correspondants. On voit que la science a toujours brillé à Nancy; et cette ville fait encore aujourd’hui les plus louables efforts pour répandre le bienfait de l’instruction et pour offrir, dans ses murs, toutes les ressources désirables à ceux. qui désirent s’initier dans les secrets de la science et qui .aiment les doux loisirs de l’étude.
1 A l’emplacement de l’actuel Musée des Beaux-Arts.
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3 huissier porteur d’une masse