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Le blog de François MUNIER

L'Iran (Perse) vu par Élisée Reclus (1884). Persépolis et les sites antiques

12 Mai 2018 , Rédigé par François MUNIER Publié dans #Iran

Pages 266 à 269

Chiraz et Persépolis. page 265

Chiraz et Persépolis. page 265

Les savants sont unanimes à chercher l'emplacement de l'ancienne Persépolis, la « cité des Perses », au lieu dit Istakhr, situé à une cinquantaine de kilomètres au nord-est de Chiraz, sur la route d'Ispahan. En cet endroit commence une chaîne de collines de marbre gris qui se continue dans la direction du sud-est, dominant une large plaine, aujourd'hui marécageuse, le Merv-Dacht, dans laquelle le Band-Emir, affluent du lac Neris, serpente, à l'ombre des saules; un barrage, surmonté d'un pont de treize arches, retient les eaux de la rivière pour les faire refluer dans les mille canaux de la plaine; trois rocs isolés, les monts Istakhr, se dressent au milieu des alluvions. Les terrains en pente douce qui s'inclinent des coteaux et des rochers vers les campagnes du Band-Emir et vers son tributaire le Polvar ou Poulvar, présentent un admirable site pour la construction d'une ville et sans effort la pensée relève l'amphithéâtre de palais. D'ailleurs il en reste quelques fragments. Cette ruine, la plus belle de la Perse, est un ensemble de murs et de colonnes que les indigènes, avec une admiration mêlée de terreur, nomment le « Trône de Djemchid ». On sait maintenant, par le déchiffrement des signes cunéiformes gravés sur les parois, que le principal des six palais était celui de Xerxès, « le roi des rois, le fils du roi Darius, l'Achéménide » ; mais, à en juger par l'inachèvement des sculptures et des inscriptions, il semblerait que le bâtisseur ne put terminer son oeuvre. D'après la tradition, l'incendie détruisit l'édifice, quoiqu'on ne vole sur le marbre aucune trace de feu et que même des colonnes aient gardé leur poli, « si uni et si clair, disait Herbert au dix-septième siècle, que nul miroir d'acier n'en approche ». Des mahométans iconoclastes ont abattu les faces des taureaux ailés et toutes les représentations de figures humaines. Le temps aussi a renversé des murailles, détruit des colonnes, mais tel qu'il est, l'édifice présente encore un ensemble grandiose. Un double escalier, dont un homme à cheval gravirait facilement les larges degrés de marbre noir, mène sur la terrasse carrée qui porte le monument. En 1765, Niebuhr compta dix-sept colonnes, reste des soixante-douze qui avaient fait donner au palais le nom des « Cent Minarets » ; actuellement, plus d'un siècle après, douze subsistent, portant des restes de chapiteaux. Au delà, sur les trois paliers successifs de la terrasse, pavée de marbre, se voient des murs ébréchés, des portes, des piliers, des ruines informes où l'archéologue a néanmoins fini par reconnaître la disposition des salles publiques et des appartements privés1. Quelques sculptures et maint détail de construction rappellent l'influence égyptienne, mais l'ensemble est d'une grâce élégante qui témoigne de la « parenté » existant à cette époque entre l'art de la Perse et celui de la Grèce2. Les architectes qui bâtirent le palais de Xerxès avaient certainement vu les temples grecs de l'Ionie et les monuments de la Lydie3.

Au-dessus du Trône de Djemchid, sur une paroi de la montagne de marbre, assez rapprochée du sommet, apparaissent trois entailles faites pour les tombeaux des souverains. En face, sur la montagne du Nakch-i-Roustem, qui se dresse de l'autre côté du Poulvar, se voient les ouvertures d'autres sépulcres royaux, que les indigènes disaient jadis être les « prisons du vent »4. Une de ces tombes renfermait les ossements de Darius, fils d'Hystaspes, ainsi que le révèle une inscription ; les Achéménides, ses successeurs, à l'exception de Darius Codoman, reposaient dans les autres cryptes. Les excavations sont taillées de manière à former une gigantesque croix dont la partie transversale figure un péristyle de temple, tandis que la partie supérieure montre le roi trônant sur un pavois que portent les peuples vaincus. A la bise du rocher, les rois Sassanides ont aussi voulu laisser des monuments de leur gloire en taillant dans la pierre des bas-reliefs représentant divers évènements de leur règne : la plus curieuse de ces sculptures montre le roi Sapor étendant généreusement la main sur la tête de Valérien, l'ennemi vaincu5.

D'après la plupart des archéologues, le tombeau de Cyrus, souverain toujours vivant dans les traditions iraniennes, se trouverait dans la même contrée, non loin du village de Meched-i-Mourghab, à une soixantaine de kilomètres au nord-est de Persépolis. Là s'étend, environnée d'âpres montagnes, accessible seulement par des gorges où la route est taillée dans le roc, une vaste plaine parsemée de débris et traversée par le Mourgh-ab ou « l'Eau des Oiseaux », la même rivière qui plus bas, sous le nom de Poulvar, va rejoindre le Band-Emin, près du Trône de Djemchid. Une grande ville s'élevait certainement en cet endroit à l'époque de Cyrus. Un pilier porte encore l'image du souverain divinisé, que désigne une inscription précise : « Moi Cyrus, le roi, l'Achéménide! » Un tombeau que les gens du pays disent être celui de la « mère de Salomon » et sur lequel on lit une inscription arabe, est tenu par la plupart des voyageurs pour le monument funéraire de Cyrus, et les restes d'une plate-forme, de construction analogue à celle du Trône de Djemchid, seraient les substructions d'un ancien temple du Feu où le roi glorieux aurait, lors des grandes fêtes, attisé la flamme devant le peuple assemblé. Toutefois il est douteux que la plaine de Meched-i-Mourghab soit bien celle de l'antique Pasargades, avec laquelle tous les savants l'identifiaient naguère, car les textes placent cette ville sainte beaucoup plus à l'est, dans le pays de Kirman, et non dans une campagne unie, mais au sommet d'un mont6. De même que les monuments d'Istakhr, ceux de Meched-i-Mourghab ont été construits par des architectes connaissant le style hellénique : c'est en Lydie et dans l'Ionie- qu'ils avaient trouvé leurs modèles de temples et de tombeaux7.

La ville de Darab ou Darabdjerd, située à 200 kilomètres au sud-est de Chiraz, près des sources d'un torrent dont les eaux s'écoulent pendant la saison des pluies vers le golfe Persique, est une des cités que l'on cherche à identifier avec l'antique Pasargades; mais on n'y a trouvé aucun monument, aucun débris qui rappelle le nom de Cyrus.

Néanmoins il est certain que la ville est fort ancienne : Firdousi en fait le théâtre de plusieurs évènements de son épopée mythique, et de nombreux autels du Feu se montrent sur les rochers environnants. Le nom même de la ville signifierait « Enceinte de Darab ou Darius »8, et un rocher poli d'une montagne voisine est ,orné du bas-relief représenté en tant d'autres endroits de la Perse, l'agenouillement de Valérien devant Sapor; les sculptures, d'un aspect grandiose, sont malheureusement fort dégradées, et l'on n'y voit aucune trace d'inscription.

1Loftus, Suza and Persepolis- — Eugène Flandin et Pascal Coste, Voyage en Perse; —M. Dieulafoy, Notes manuscrites.

2H. Brugsch, Reise der preussischen Gesandschaft nach Persien in 1860 und 1861.

3M. Dieulafoy, Académie des inscriptions; — Journal officiel de la République française, 18 septembre 1882.

4Barbier de Meynard, Dictionnaire (le la Perse, par Yacout.

5Flandin et Coste, Voyage en Perse.

6Oppert, Académie des Inscriptions, séances du 29 septembre et du 6 octobre 1882.

7Dieulafoy, mémoire cité; — W. Oncken, Weltgeschichte in Einzeldarstellungen.

8Ouseley, Travels in the East.

Valérien aux pieds de Sapor. - bas-relief du tombeau des rois à Nakch-i-Roustem, près de Persépolis. Dessin de P. Sellier, d'après une photographie de M. Dieulafoy.

Valérien aux pieds de Sapor. - bas-relief du tombeau des rois à Nakch-i-Roustem, près de Persépolis. Dessin de P. Sellier, d'après une photographie de M. Dieulafoy.

Un autre monument antique des environs de Darab est un temple souterrain taillé dans le roc, mais n'offrant que des parois lisses, sans bas-reliefs ni statues. Lors de l'invasion des Arabes, c'est à Darab que se réfugia le dernier Sassanide, Yezdidjerd, avant de mettre le désert entre lui et ses vainqueurs. Au nord du Darab, la ville de Niris, qui a donné son nom au lac le plus considérable du Farsistan, fut naguère un des centres du babisme; les persécutions ont dépeuplé la contrée1

1Goldsmid, Eastern Persia.

Photo 2004. Naqsh-e Rostam

Photo 2004. Naqsh-e Rostam

Iran : Persépolis, Naqsh-é Rostam, Pasargades
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